n° 20 : Méso-Amérique, Caraïbes, Amazonie, Volume 1

 

Présentation générale

par Mary-Annick Morel* et Suzy Platiel**

 

Comme dans les autres numéros de Faits de Langues consacrés aux études "aréales", l’objectif général est de présenter ici différents éclairages sur la recherche linguistique concernant une zone géographique bien circonscrite, à l’intérieur de l’ensemble plus vaste des langues amérindiennes.

Toutefois, compte-tenu de l’état d’avancement actuel des recherches, avant de présenter, en conformité avec la tradition de la revue, certains aspects de la morphosyntaxe de quelques unes des langues de cette zone (cf. le deuxième volume, 2003, à paraître), il nous a paru nécessaire de donner dans un premier volume un éclairage autre sur cet univers amérindien. Car c’est pour une large part cet éclairage qui permettra au lecteur de mieux appréhender les difficultés et l’état lacunaire des recherches en linguistique dans cette zone, qui, cependant, paraissent déjà très prometteuses sur le plan théorique (cf., entre autres, l’article de Michel Launey, dans le deuxième volume).

Ce premier volume comporte trois parties.

Dans un premier temps sont présentés les développements actuels de la recherche par des linguistes de terrain étrangers et "autochtones". Cet état des lieux, présenté sous l’égide de Jon Landaburu, met particulièrement en évidence l’état lacunaire des recherches tant antérieures que contemporaines (voir la présentation d’ensemble de Jon Landaburu ici même, voir aussi dans le deuxième volume l’article de Colette Grinevald, qui l’aborde sous l’angle de la morphologie).

Dans l’état actuel des connaissances, les chercheurs sont confrontés à une mosaïque de langues, dont l’apparente diversité ne pourrait trouver son explication qu’en s’appuyant sur des recherches en comparatisme dialectal ou génétique, ainsi que sur des tentatives de reconstruction d’une (ou de plusieurs) proto-langue(s).

Or ces recherches, qui n’en sont qu’à leur début, sont rendues difficiles par l’absence quasi totale, on l’a vu, d’études antérieures, la disparition de nombreuses langues, et l’influence d’autres langues qu’ont subies celles qui subsistent : espagnol, français, espagnol et français, portugais, ou langues africaines, selon les pays et les zones.

Etant donné cette situation, pour la description des langues de cette zone, en dehors de l’analyse des langues qui sont encore en usage, les chercheurs ne pourront s’appuyer que sur les quelques éléments qui se sont conservés.

C’est pourquoi nous avons jugé utile de les présenter dans ce volume.

La deuxième partie traite donc des systèmes de numération et d’écriture nécessaires pour appréhender les différents usages de ces langues à l’époque précolombienne. Deux langues mortes sont ici présentées : le maya et son système d’écriture hiéroglyphique logo-syllabique d’une part, le nahuatl (ou aztèque) et son système d’écriture pictographique d’autre part. Les faits sont d’autant plus intéressants que, comme on le verra dans le deuxième volume, ces deux langues ne semblent pas appartenir à la même famille génétique.

Les systèmes de numération se sont, quant à eux, partiellement maintenus. Ils présentent un intérêt évident pour les recherches menées dans le domaine des sciences cognitives. Ils sont, au demeurant, à mettre en parallèle avec la répartition du genre en garifuna selon le sexe du locuteur, qui subsiste encore dans certains contextes, comme on le verra dans le deuxième volume (article de Sybille de Pury), mais dont l’usage est d’ores et déjà gravement menacé de disparition.

Si l’intérêt des analyses présentées sur les systèmes d’écriture et de numération réside dans le fait que ceux-ci concernent des langues mortes, l’intérêt des études sur les contacts de langues et le développement des créoles n’en est pas moins grand, puisqu’ils concernent des langues vivantes en constante évolution. Ces études sont importantes dans la mesure où, pour faire des hypothèses de reconstruction, il faudra bien évidemment tenir compte des contacts de langues et des créoles. C’est pourquoi nous leur avons consacré la troisième partie de ce volume.

Dans la mesure où la recherche dans ce domaine n’en est qu’à ses balbutiements, il nous a paru plus judicieux de présenter les faits, concernant notamment l’incidence de l’apport africain, dans le premier volume, dont l’objectif est plus précisément de faire le point sur les recherches actuelles.

* Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle, EA 1483.

** CNRS.

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