Résumés / Abstracts
Présentation générale : par Amr Helmy Ibrahim (p. 5)
Gilbert Lazard : Vers une science des langues, un exemple : la transitivité [Towards a science of language description: the case of transtivity] (p. 17)
RESUME : Après le rappel de quelques principes, on passe une brève revue critique de deux études sur la transitivité, Hopper et Thompson (1980) et Næss (2007), et on montre comment leur approche aboutit à des résultats inévitablement entachés de subjectivité. On détaille ensuite les étapes de la démarche méthodique suivie dans Lazard (Folia linguistica 2002) illustrant les exigences de toute recherche typologique. On fait apparaître la nécessité de se distancer des notions grammaticales traditionnelles confuses comme celle de transitivité, et d’examiner les faits dans des langues diverses à la lumière d’un “cadre conceptual intuitif” (CCI), choisi librement comme instrument de la comparaison des langues. On dresse ainsi un tableau objectif des relations, qui rend compte de l’ensemble des faits observés. Il en découle d’importantes conséquences pour l’analyse de différents aspects de la syntaxe de la phrase simple. On soutient que par cette voie la linguistique peut s’acheminer vers le statut d’une véritable science.
ABSTRACT : After recalling a few theoretical principles, two works on transitivity, Hopper and Thompson (1980) and Næss 52007) are critically reviewed. It appears that their approach results in conclusions marred by an inevitable part of subjectivity. Then the successive stages of the procedure followed in Lazard (2002) are detailed, as an illustration of the requirements of typological research. It is necessary to keep away from such confused notions as transitivity and other traditional grammatical notions, and to scrutinize the facts in diverse languages in the light of an “intuitive conceptual framework” (ICF) freely chosen by the linguist and used as a tool for comparing languages. It is possible in this way to reach an objective picture of relationships, which takes all observations into account. Important consequences are derived therefrom concerning the syntax of the clause. It is claimed that with this approach linguistics can progress towards the status of a real science.
1. Iranologie
1.1. La description du travail de la langue
Adriano Rossi : Sur un passage ambigu de l'inscription de Bisutun [on an ambiguous passage of Bisotun inscription] (p. 29)
RESUME : Dans ses Notes de vieux-perse (BSL 71, p. 175-192) G. Lazard a donné une intérpretation particulière du passage DB/v-p. i, 34-35 de l’inscription de Darius I à Bisotun, avec laquelle drauga dahyauva est conçu comme un ensemble syntagmatique dans lequel dahyauva spécifie un type de drauga. L’auteur discute cette interprétation et essaye de montrer les avantages d’une combinaison d’analyse de texte, de morphosyntaxe et d’approche interlinguistique pour la compréhension de ce passage et de passages semblables des inscriptions achéménides. La sémantique et l’étymologie du mot v-p. dahyu- sont aussi analysées.
ABSTRACT : In his Notes de vieux-perse (BSL 71, p. 175-192) G. Lazard gave a particular interpretation of DB/v-p. i, 34-35 in Darius I’s inscription at Bisotun, according to which drauga dahyauva is understood as a syntagmatic nexus in which dahyauva specifies a type of drauga. The present autor discusses this interpretation and tries to show the advantages of a mix of text analysis, morphosyntactical analysis and interlinguistic approach to understand this passage and similar passages in Achaemenid inscriptions. Semantics and etymology of OP dahyu- are also analysed.
Homa Lessan Pezechki : Les valeurs du médiatif persan [The values of mediative forms in Persian] (p. 43)
RESUME : La notion de médiativité en persan n’est toujours pas très bien décrite dans la grammaire de cette langue. Le médiatif coexiste en parallèle avec les formes dites du passé du mode indicatif, vajh-e exbâri en persan, à savoir, le passé simple, l’imparfait, le plus-que-parfait et le progressif. Le système médiatif est lié à la source d’information dont dispose le locuteur pour fonder ses propos. Ces formes précisent que l’événement n’a pas été constaté mais simplement reconstitué. On peut considérer le médiatif comme une sorte de mode auquel il importe de donner aujourd’hui une existence grammaticale.
ABSTRACT : The notion of evidentiality in Persian is still not very well described in the grammar of the language. Evidentiality coexists with forms of the past of the indicative mood, vajh-e exbâri in Persian, i.e. the simple past, the imperfect, the pluperfect, and the progressive. The system of evidentiality builds on the source of information on which the speaker bases his or her remarks. These forms specify that the event was not directly observed but rather reconstructed. One might consider evidentiality as a sort of modality that deserves to be described in grammatical terms.
Arthur Laisis : Sur la catégorie des prépositions en moyen-iranien occidental [On the Category of Prepositions in Western Middle Iranian] (p. 59)
RESUME : Massivement prépositionnel, le persan contemporain semble une exception typologique au regard non seulement des autres langues néo-iraniennes, mais aussi des états de langue plus anciens. La période médiévale (IIIe s. av. J.-C. ? IXe s. ap. J.-C. environ) est la plus cruciale dans cette longue évolution. Cette partie du discours (qui recoupe pour partie celle des préverbes) est l’objet d’un profond renouvellement lexical et sa syntaxe atteste une diversité de constructions inédite. Le parthe – langue la plus proche du moyen-perse – obéit à une logique similaire tout en présentant des différences intéressantes pour la comparaison.
ABSTRACT : As a strongly prepositional language, contemporary New Persian looks like a typological exception when compared not only to other New Iranian dialects, but also to older stages of the language. Medieval ages (from circa 3rd century B.C. to 9th century A.D.) are the most dramatic period within this long-term evolution. This part of speech (which partially overlaps with that of preverbs) is subject to a profound lexical renewal, and its syntax shows a large, hitherto unknown diversity of constructions. Parthian – the most akin language to Middle Persian – acts in a similar way, though with differences interesting for linguistic comparison.
Agnès Lenepveu-Hotz : Sîpah-i Ispahân : évolution des groupes consonantiques initiaux du moyen perse en persan [Sipah-i Ispahan : evolution of Middle Persian initial consonant clusters in New Persian] (p. 79)
RESUME : Les groupes consonantiques initiaux du moyen perse ont tous disparu en persan contemporain. Mais qu’en est-il de leur traitement dans les débuts du persan ? Selon leur structure, on y voit l’ajout d’une voyelle d’anaptyxe pour les groupes C-r ; l’ajout d’une voyelle de prothèse ou d’anaptyxe pour les groupes C-Occlusive. Si ces diverses possibilités existent ainsi dans le persan des Xe-XIe siècles, c’est parce que la transformation des groupes consonantiques initiaux a eu lieu en trois étapes : voyelle de prothèse pour C-Occlusive dès le moyen perse manichéen ; voyelle d’anaptyxe pour C-r en persan ; voyelle de prothèse des groupes C-Occlusive devenue voyelle d’anaptyxe par analogie avec les groupes C-r dans les premiers siècles du persan.
ABSTRACT : Middle Persian initial consonant clusters all disappeared in Contemporary Persian. But what about their treatment in Early New Persian? It depends on their structure: anaptyctic vowel in C-r clusters; prothetic or anaptyctic vowel in C-Occlusive clusters. These possibilities exist in Early New Persian (10th-11th centuries) because the transformation of the Middle Persian initial consonant clusters took place in three stages: prothetic vowell in C-Occlusive from Manichean Middle Persian; anaptyctic vowel in C-r in Early New Persian; prothetic vowel in C-Occlusive clusters that becomes anaptyctic vowel by analogy with C-r clusters during the Early New Persian period.
1.2. L’interprétation du travail de la langue : la traduction
Mohammad Ziar : Gilbert Lazard, traducteur d’Omar Khayyâm [Gilbert Lazard, translator of Omar Khayyam] (p. 97)
RESUME : Outre sa Grammaire du persan contemporain (1957) et son dictionnaire persan-français (1990) Gilbert Lazard est aussi le traducteur de douze ouvrages dont Cent un quatrains d’Omar Khayyâm (1994), œuvre où il a essayé de donner, à partir des robaïyate du grand poète et philosophe persan, une traduction plus conforme au goût des lecteurs français et francophones.
De toute évidence Gilbert Lazard a lu mais n’a pas aimé des dizaines de traductions faites avant lui des quatrains d’Omar Khayyâm, les trouvant trop solennelles, ce qui selon lui, ne s’accorderait pas très bien à la légèreté et à la souplesse du robâï.
Voilà donc pourquoi il a décidé d’en donner une nouvelle traduction poétique qui soit meilleure que celles de Jean-Baptiste Nicolas : Les quatrains d'Omar Kheyyam, (1867), Charles Grolleau : Les quatrains d'Omar Kheyyam (1902), Claude Anet : 144 robaïs (1920), Franz Toussaint (1924), Guy Arthur : Les Robaï d’Omer Kheyyam, (1935), P. Seghers : Omar Khayyam, sa vie et ses quatrains, (1982), Mostafa Farzaneh et Jean Malapate : Les chats d'Omar Khayyam (1993)…
Nous nous proposons donc de comparer quelques unes de ces traductions aussi bien que les Cent un quatrains avec le texte original pour voir les points forts de chacune et bien entendu les qualités de la traduction de Gilbert Lazard.
ABSTRACT : Besides his Grammar of Contemporary Persian (1957) and French-Persian Dictionary (1990) Gilbert Lazard is also the translator of twelve books, including One Hundred and One Quatrains of Omar Khayyam (1994) where he tried to translate robaïat from the great Persian poet and philosopher, a translation more consistent with the taste of French readers and francophones.
Obviously Gilbert Lazard has read but did not like many of the translations of Omar Khayyam's quatrains done before him, finding them too solemn, which according to him, would not accord very well with robâï lightness and flexibility.
So that's why he decided that a new poetic translation would be better than those of Jean-Baptiste Nicolas: The quatrains of Omar Kheyyam, (1867), Charles Grolleau: The quatrains of Omar Kheyyam (1902), Claude Anet: Robais 144, (1920), Franz Toussaint (1924), Arthur Guy: The Robaï Kheyyam Omer (1935), P. Seghers: Omar Khayyam, his life and his quatrains, (1982), Mostafa Farzaneh and Jean Malapate: Cats of Omar Khayyam) (1993) ...
We, therefore, propose that some of these translations as well as One Hundred and one Quatrains be compared with the original text to see the strength of each and examine the quality of Gilbert Lazard's translation.
Dina Gamal Abou El Ezz : Les Rubaïyat d’Omar Khayyâm aux yeux de Gilbert Lazard [Rubaiyat of Omar Khayyám in the Eyes of Lazard] (p. 103)
RESUME : L'analyse linguistique axée sur la force de l'implicite permet d'identifier deux miroirs différents reflétant le même texte, "les Rubaïyat d’Omar Khayyâm", à travers le regard de Gilbert Lazard et celui d'Abolgassem Etessam Zadeh.
La poéticité et la suprématie de l'art de la traduction des quatrains de Lazard se révèlent d'abord à travers une étude microstructurale. Les présupposés véhiculés par ses énoncés, ayant comme support signifiant la langue ou la construction syntaxique, peuvent constituer le pivot camouflé de l’acte de langage. L'analyse s'enchaîne avec les sous-entendus de manière à mettre en relief d'une part la négation dans le signifié poétique dictée par la logique de la parole et d'autre part l'effet de la valeur illocutoire dérivée non conventionnelle.
L'optique linguistique prend ensuite une dimension macrostructurale susceptible de montrer des liens sous-jacents au quatrain dans son ensemble. La matrice structurale du quatrain de Lazard comporte des liens implicites entre les variants qui gravitent autour d'un ou plusieurs hypogrammes simultanément. À travers l'élévation d'un signe, du niveau mimétique du discours, à un autre niveau de signifiance, le trope métaphorique de Lazard ne connote pas uniquement une adéquation du poète avec un objet inanimé mais une sorte de métempsycose dans un tableau virtuel. Enfin, les associations sonores se prêtent à des associations sémantiques. Combinant les rimes brisées et les rimes batelées, Lazard crée une musique provenant de la scansion de la diction marquant les césures et les fins de vers.
ABSTRACT : A linguistic analysis depends on the strength of the implied meaning which allows two different mirror images to reflect the same text being:"The Rubáiyát of Omar Khayyám" through the perspective of Gibert Lazard and Abolgassem Etessam Zadeh. The rhetoric strength of Lazard's poem and his superiority in the art of translation are clearly demonstrated by way of a study based on the micro-structural element of the poem. The presuppositions carried and insinuated by a certain sentence are based on the lexical item or linguistic construction of such sentence and could form the main target of the sentence. Furthermore, the linguistic analysis along with the insinuations concluded from the text yield logical paradoxes that seem to defy the concluded meaning of the poetic language from one hand, and the value indirectly derived from the sentence on the other.
The linguistic analysis expands into a larger perspective in order to illustrate the hidden purposes and relationships connecting the entire versus of the poem with each other. One of the main characteristics designating Lazard's Rubaiyat (quatrains) is that they include different matrixes which are linked to lexical constructions and syntaxes. For Lazard, the word transcends all ordinary levels of dialogue to a poetic language distinguished by its aesthetic and artistic beauty. Metaphor, for instance, is used as a figure of speech by Lazard not just to express that two things that are not alike in most ways are similar in one important way but it is used to make literal sense of the idea of incarnation that is submitted in the form of an implied artistic painting.
In the end, the phonetic content of Lazard's poetry serves the intended meaning of the poem. Combining the different rhyming structures of the poem together creates its internal music and fluctuation derived from the phonetic aspects of the human speech.
André Crépin : La dernière énigme du Livre d'Exeter [The last riddle in the Exeter Book] (p. 123)
RESUME : Cette énigme, difficile à interpréter, clôt la série d'énigmes du codex. Elle constitue une parfaite illustration du genre et de la clôture d'un tout.
ABSTRACT : The riddle is difficult to interpret. It concludes the series of riddles in the codex by defining the genre and offering a fitting closure.
Gian Roberto Scarcia : Gilbert Lazard e la musica del verso persiano [Gilbert Lazard and the music of Persian verse] (p. 127)
RESUME : L’article reproduit deux interventions de l’auteur, en les ramenant à la langue dans laquelle les pensées ont trouvé leur expression primaire. La première concerne Lazard en tant que poète, elle peut être considérée comme une sorte d’introduction aux travaux dédiés au Lazard linguiste ; la deuxième est née de l’enthousiasme issu de la fraîcheur "duinienne" de la lecture des dernières traductions du grand linguiste-poète.
ABSTRACT : The article reproduces two interventions by the author, by reducing them to the language in what thoughts had found their primary expression.
The first one had the honour to open the symposium, being probably the only one concernig Lazard as a poet. So it was estimated as a sort of introduction.
The second one had taken its origin from the enthusiasm generated by the fresh reading of the last translations of the great linguist and poet.
2. Questions particulières de grammaire
David Gaatone : Voix, diathèse, passif, moyen, actants et autres OLMIS (objets linguistiques mal identifiés) [Passive and middle voice, arguments, and other IILO (ill-identified linguistic objects)] (p. 133)
RESUME : Personne n'a, autant que G. Lazard, insisté sur le fait que la linguistique, n'a pas, ou n'a pas encore, acquis le statut d'une science. L'effarante multiplicité des théories linguistiques en est sans doute la meilleure preuve. Les linguistes devraient, dès lors, se donner pour objectif urgent de parvenir à un certain consensus sur les notions linguistiques de base, que tous utilisent, mais en leur attribuant des sens différents. Nous avons contracté une grande dette envers G. Lazard pour avoir frayé le chemin vers cet objectif. Cette modeste étude se propose de discuter les problèmes soulevés par quelques-unes des notions les plus communes, telles que la voix, la dépendance, l'objet, les verbes pronominaux etc.), en se limitant au français.
ABSTRACT : No one has, as much as G. Lazard, emphasized the fact that linguistics does not, or not yet, deserve to be called a science, as proved by the stunning abundance of current linguistic theories. Linguists should set themselves as an urgent goal to reach some consensus about basic linguistic notions, which all of them use, while assigning them different meanings. We all owe a great debt to G. Lazard for having paved the way towards the achievement of such a goal. In this short study, we try to discuss some of the problems, raised by very common notions, such as voice, dependency, objects, reflexive verbs (etc.), but limited to French.
Françoise Guérin : La définition des actants en tchétchène [The definition of the actants in Chechen] (p. 147)
RESUME : Cet article est une réflexion sur la définition syntaxique des actants en tchétchène, langue ergative du Caucase du Centre-Nord.
Le but étant de répondre à des questions telles que : dans les langues ergatives est-il nécessaire de conserver le couple traditionnel de sujet et d’objet ? Doit-on les nommer autrement pour éviter toute confusion ? Peut-on les définir selon les rapports de détermination ou uniquement selon le rôle sémantique qu’ils jouent ? La transitivité est-elle une notion applicable à ce type de langues ?
La méthodologie appliquée pour répondre à ces questions est celle que préconise Gilbert Lazard dans ses recherches sur l’actance. C’est donc en listant toutes les propriétés (syntaxiques, sémantiques, morphologiques) des deux actants, dans les phrases simples et dans les phrases complexes que je définis quel actant est le plus proche de la configuration subjectale prototypique des langues accusatives et celui qui se rapproche le plus de l’objet.
ABSTRACT : This article is a reflection on the syntactic definition of the actants in Chechen, an ergative language of the North-Central Caucasus.
My goal is to answer questions such as: in ergative languages, must the traditional couple of subject and object be preserved? Should we name them differently to avoid confusion? Can we define them according to the relation of determination or only according to the semantic role they play? Is Transitivity a concept applicable to this type of language?
The methodology used to answer these questions is the one advocated by Gilbert Lazard in his research on actance. By listing all the properties (syntactic, semantic, morphological) of the two actants, in simple sentences and complex sentences that I define, what actant is the closest to the subjectal prototypical configuration of accusative languages and the closest to the object.
Amr Helmy Ibrahim : La zone objectale et l'objet prototypique de Lazard dans la perspective du traitement de l'objet interne dans les matrices analytiques définitoires [The object zone and the prototypical object of Lazard from the standpoint of the processing of the cognate object within the analytic definitional matrixes framework] (p. 159)
RESUME : Critiquant la tendance de la plupart des grammairiens et des linguistes à "raisonner souvent comme si, dans une langue donnée, l’objet était unique" (Lazard 1994 : 89) Gilbert Lazard, après avoir examiné des langues à objets multiples, en arrive à la conclusion qu’il est exclu "qu’on puisse poser une fonction d’objet unique comme une catégorie de linguistique générale" et propose de délimiter une "zone objectale" (Lazard 1993, 1994 & 2003) qui "inclut un objet prototypique et peut également inclure différents types d’actants qui ont certaines propriétés, mais pas toutes, en commun avec l’objet prototypique" (Lazard 2003 : 13). Lazard distingue enfin deux types d’objets, ceux qui, comme l’objet interne, sont "plus proches" du verbe et ceux qui, comme l’objet habituel des verbes transitifs en sont moins proches (2003 : 11-12). Nous tacherons de montrer comment et pourquoi, dans le cas des objets proches, on peut être amené à considérer que dans les constructions à objet interne du type Un chanteur chante une chanson il y a, quelle que soit la langue, un déplacement du siège de la prédication vers l’objet interne et comment, en partant de la relation établie par Lazard entre le marquage différentiel de l’objet en persan et dans d’autres langues et l’échelle de sa détermination, on peut – dans le cadre de l’analyse matricielle définitoire - établir des étapes dans l’actualisation du prédicat qui expliquent ce déplacement.
ABSTRACT : Criticizing the tendency of most grammarians and linguists to "often reason as if, in a given language, the object was unique" (Lazard 1994: 89) Gilbert Lazard, having examined languages with multiple objects comes to the conclusion that it is out of question to “consider a unique object function a general linguistics category” and suggests to delineate an “objectal zone” (Lazard 1993, 1994 & 2003) which “includes a prototypical object and can also include different types of agents (actants) having in common with the prototypical object some but not all the properties” (Lazard 2003: 13). Ultimatly, Lazard distinguishes two types of objects, those which, alike the cognate object, are “closer” to the verb and those, which, alike the current object of transitive verbs are less close to it (2003: 11-12). We shall try to show how and why, in the case of close objects, one can consider that in cognate object constructions alike A singer sings a song the seat of predication shifts, whatever the language, towards the cognate object and how, from the relation established by Lazard between the specific marking of the object in persian and other languages and the scale of determination one can, within the framework of the analytic definitional matrixes establish the stages of predicate actualization that explain this shift.
François Jacquesson : Grammaticalisation du cadre narratif : l’exemple de la prose biblique [The narrative frame and its grammatical marking in Biblical Hebrew prose] (p. 173)
RESUME : Nous re-examinons le rôle du waw- ‘conversif’ hébraïque en proposant une interprétation au niveau du récit, et non plus des énoncés ; il s’agit d’une recherche qui combine l’examen linguistique et certaines techniques d’analyse littéraire. Nous présentons d’abord un certain nombre d’oppositions formelles ou fonctionnelles qui nous guideront dans notre examen : la différence démontrée par Bergsträsser entre forme imperfective et forme narrative, puis entre parties en vers et en prose, entre parole et discours. Nous décrivons d’abord la grammaire particulière des récits en prose, avec le parallèle de la stèle de Mesha du Louvre. Nous en venons ensuite aux techniques du récit anonyme, qui est le domaine des formes en va-, et qui encadre les jeux complexes de paroles ou discours ‘cités’. Nous en montrons l’application et la portée particulière dans le cas du Deutéronome. Une conclusion invite à comparer cette rare grammaire du récit anonyme aux autres solutions proposées, pour en dégager l’originalité et le rôle.
ABSTRACT : This reanalysis of the Conversive (Consecutive) coordination va- in Biblical Hebrew prose leads us through an examination of several simple binary categories: prose and poetry, anonymous narrative and speech, aspect and tense - and the Bergsträsser solution of the morphological crux. After of a brief reappraisal of the style of the Mesha stele, we show that the coordinated narrative forms in va- form the backbone of the narrative in Biblical Hebrew prose, a frame in which are set the numerous inserts of speech, at a variety of quotative levels that control the relative times of events. We suggest that the long speeches of Moses in the Deuteronomy gave the trend for this grammaticalization of an older morphology which survived in this specific setting.
Béatrice Jeannot-Fourcaud : Basic voice et réduplication en miroir en créole [Basic voice and ‘réduplication en miroir’ in Martinican Créole] (p. 195)
RESUME : L’objet de cet article est de confronter l’une des acceptions de la notion de voix grammaticale à une structure de réduplication spécifique à certains créoles à base lexicale française de la zone américano-caraïbe. La structure dont il est question est composée de la réduplication du noyau verbal et de la post-position d’un pronom personnel, co-référent du participant en fonction sujet, et est corrélée d’un point de vue sémantique à la notion de contrôle. L’acception de la voix retenue dans cette optique, celle proposée par Miriam Klaiman sous le nom de Basic Voice, est focalisée sur la relation établie entre le participant en fonction sujet et le procès.
ABSTRACT : The aim of this article is to confront one accepted notion of the grammatical voice with a particular type of reduplication observed in several French-based creoles of the Americano-Caribbean area, including Martinican Creole, the subject of our study. The structure in question repeats the verbal predicate and post-positions a personal pronoun, the co-referent to the subject, and semantically refers to the notion of control. In this context, retaining the concept of the voice follows the model proposed by Miriam Klaiman, "Basic Voice," focused on the relationship between the process and the participant, which takes on the function of subject.
Gillette Staudacher-Valliamée : Autour de l'opposition verbo-nominale en créole réunionnais [Considerations on verb/noun opposition in Reunion Island Creole] (p. 207)
RESUME : Le créole réunionnais distingue trois classes : verbe, nom et unités verbo-nominales. L'identification de cette dernière interroge l'histoire du fractionnement dialectal dans l'océan Indien
ABSTRACT : Three classes are found in Reunion Creole: verb, noun and verbo-nominal units. Identifying the latter sheds light on the history of dialectal fragmenting in the Indian Ocean
Pierre-Yves Lambert : L'expression des actes involontaires en celtique [Expressing unvoluntary actions in Celtic] (p. 221)
RESUME : Les langues celtiques et en particulier l'irlandais utilisent une catégorie verbale spécifique, le passif impersonnel, pour l'expression des actes involontaires. On utilise aussi des verbes actifs dans des constructions impersonnelles, sans sujet, la personne concernée étant présentée comme le lieu de l'action.
ABSTRACT : There is a special category in the verbal system of Celtic languages, called Impersonal Passive, which is used particularly for expressing unvoluntary actions, as will be shown with Irish examples. It can also be expressed through active verbs in an impersonal construction, without subject, the human concerned being presented as the place of the action.
Denise Bernot & San San Hnin Tun : Etre et Avoir en birman [Être and avoir in Burmese] (p. 233)
RESUME : Cette contribution tente d’illustrer le rôle primordial des relations actancielles dans l’interprétation des verbes être et avoir, qui ont déjà suscité une remarquable littérature à cause de la très grande variété de leurs sens en français, où des relations actancielles différentes accompagnent chaque signification. Le rapport du verbe aux actants en birman est tout aussi pertinent, car chacun de ces deux verbes est rendu par des verbes différents, et ainsi la variété déjà grande des sens de être et avoir se trouve démultipliée en birman. A l’aide des traductions françaises de deux chapitres d’un roman contemporain, cet article vise à mettre en lumière la pertinence des relations d’actance sur le plan syntaxique comme sur le plan sémantique.
ABSTRACT : This paper attempts to illustrate the important role of actance relationships in the interpretation of the French verbs être and avoir, which have already attracted a remarkable literature because of the wide variety of their meanings. The relationship between the verb and its actant is even more so noticeable in Burmese as there is a larger variety of equivalents of these two verbs. Based on the French translations of two chapters of a contemporary Burmese novel, this article tries to highlight the relevance of actance relationships on syntactic as well as semantic levels.
Claire Moyse-Faurie : Expression du bénéficiaire et du détrimentaire en xârâcùù (Nouvelle-Calédonie) : aspects synchroniques et diachroniques de deux prépositions [Benefactif and Malefactif in Xârâcùù (New Caledonia): synchronic and diachronic aspects of two prepositions] (p. 249)
RESUME : En xârâcùù, bénéficiaire et détrimentaire sont introduits par des prépositions d’origine verbale, respectivement xù < ‘donner’ et taa < witaa ‘enlever’. La perte des anciens suffixes applicatifs océaniens a été compensée par ces grammaticalisations, résultats de la réanalyse de constructions verbales sérielles. Les prépositions xù et taa introduisent aussi d’autres types de compléments. L’un des points abordés dans cet article concernera leur statut syntaxique : s’agit-il d’objets indirects, de circonstants, d’adjets ? A travers des opérations comme l’antéposition ou la nominalisation, nous montrerons que les sphères actancielle et circonstancielle du xârâcùù sont particulièrement imbriquées, situation en grande partie due à l’origine verbale de ces prépositions.
ABSTRACT : In Xârâcùù, beneficiaries and maleficiaries are encoded by prepositions of verbal origin, respectively xù ‘give’ and taa < witaa ‘take away’. Xârâcùù lost the Proto Oceanic applicative suffixes, and developped instead grammaticalization processes from serial verb constructions. The two prepositions taken into account in this article encode different types of complements, the syntax status of which will be discussed. Operations such as clefting and nominalization show how difficult it is to differentiate arguments and adjuncts in Xârâcùù.
3. Questions de linguistique générale et de typologie
Paolo Ramat : Grandeur et misère de la linguistique [Grandeur and Poverty of Linguistics] (p. 265)
RESUME : Cette discussion des thèses de Gilbert Lazard et de son point de vue épistémologique s’occupe de quelques-unes de ses affirmations tranchantes comme "cross-language comparison, and consequently linguistic typology, are impossible", G.L. 2001a, ou "la linguistique cognitive n’existe pas", G.L 2007. La discussion montre, à l’aide de quelques exemples tirés des langues réelles, les points d’accord et de désaccord avec l’approche méthodologique de G.L. et en particulier avec sa position face aux problèmes de la typologie linguistique et de ses catégories, de la sociolinguistique et de la linguistique en général.
ABSTRACT : This discussion affords Gilbert Lazard’s epistemological viewpoint on the basis of some sharp affirmations such as "cross-language comparison, and consequently linguistic typology, are impossible", G.L. 2001a; or "cognitive linguistics does not exist", G.L. 2007. The discussion, based on examples drawn from real languages, highlights the writer’s convergent and divergent viewpoints, particularly with regard to linguistic typology and linguistic categories, sociolinguistcs and, more generally, the scientific position of linguistics
Jack Feuillet : Autour de la notion de valence [Around the notion of valence] (p. 273)
RESUME : G. Lazard est un spécialiste mondialement reconnu dans le domaine de l’actance et de la valence. L’exposé portera sur le travail accompli dans le cadre du programme EUROTYP (1990-1995) où beaucoup de questions théoriques et pratiques portant sur la valence et les actants ont été posées. Les discussions qui ont eu lieu ont permis de préciser les choses, mais d’autres problèmes auraient certainement mérité une étude plus approfondie. Il faut à la fois tirer un bilan pour mesurer les acquis et indiquer les pistes qui enrichiraient les connaissances. Trois points seront abordés : d’abord, des considérations générales sur la valence (types de valences, délimitation actants / circonstants, ce qui implique des critères autres que formels, problèmes posés par certains constituants), ensuite une analyse des actants centraux (sujet et objets selon les structures accusatives et ergatives) où l’apport de Lazard a été considérable, enfin les problèmes particuliers concernant l’impersonnel, le marquage non canonique des actants et la nécessité de dépasser la dichotomie actants / circonstants pour rendre compte de tous les constituants de la phrase verbale. La conclusion montrera les progrès qui ont été accomplis depuis Tesnière tout en soulignant qu’il serait possible d’envisager une étude de la valence élargie aux noms et aux adjectifs.
ABSTRACT : G. Lazard is a worldwide recognized specialist in the field of actancy and valence. The paper will focus on the work done in the program eurotyp (1990-1995), where many theoretical and practical questions on valence and actants were asked. The discussions that took place helped clarify things, but other problems would certainly deserved further study. We must both take stock to measure the gains and to indicate the paths, which would enrich our knowledge. Three points will be discussed: first, general considerations on valence (types of valence; delimitation of actants and circonstants, which implies criteria other than formal; problems with certain components), then an analysis of central actants (subject and objects according to accusative or ergative structures, where Lazard’s contribution has been significant) and finally, the special problems concerning the impersonal, non-canonical marking of actants and the need to overcome the dichotomy actants / circonstants to take account for all the constituents of the sentence. The conclusion will show the progress that has been made since Tesnière, while stressing that it would be possible to consider a broader study of the valence to the names and adjectives.
André Rousseau : Quelques principes de syntaxe générale [A few principles of general syntax] (p. 285)
RESUME : Cet article propose quatre principes de syntaxe générale, exemplifiés sur différentes langues et notamment le gotique. Le premier, selon lequel le programme de l’énoncé (membres et catégories) est inscrit sur le prédicat verbal, émane directement de L’actance (1994). Le second exploite ce premier principe en s’appuyant sur les "doubles négations". Le troisième montre le rôle fondamental exercé par la négation dans la constitution des systèmes (modalités, quantificateurs, connecteurs). La quatrième concerne les langues à cas en dégageant plusieurs types de "modèles casuels", convertibles entre eux.
ABSTRACT : In this paper we put forward four principles at work in the field of general syntax and which we illustrate through examples from different languages - in particular Gothic. The first of these principles, which states that the relational pattern of the sentence (elements and categories) is marked on the verbal predicate, is to be found in Lazard’s book L’actance (1994). The second principle b on the first one with the study of “double negations”. The third principle shows the fundamental role played by negation in the organization of linguistic systems (modality, quantifiers, connectives). The fourth one concerns case languages and singles out several types of convertible “case models”.
Christiane Pilot-Raichoor : Éléments pour une typologie des systèmes de temps-aspects-mode en dravidien [Elements for a typology of tense-aspect-mood systems in Dravidian] (p. 301)
RESUME : L’article rappelle les principes de la typologie actancielle, fondée sur la relation XYV/ZV interne à chaque langue et les compare à la typologie du TAM, essentiellement catégorielle, Parfait, Imperfectif, etc. L’exemple du dravidien montre la nécessité de prendre en compte les relations internes aux systèmes verbaux pour développer une typologie plus solidement fondée.
ABSTRACT : This article highlights the properties of actancy typology, based on language- particular alignment of core syntactic relations XYV/ZV, and compares them to the properties of tense-aspect-mood typology, mainly based on categories: Perfect, Imperfective, etc. Dravidian verb system is taken as a case sample showing the necessity to include comparison of the verb systems in order to obtain a well-grounded typology.
Claire Martinot : Une authentique science des langues ne peut-elle être que saussurienne ? [Is a true science of language necessarily saussurean ?] (p. 313)
RESUME : L'article discute les principes de scientificité tels que Gilbert Lazard les expose et les défend à partir des œuvres de Saussure et tente de montrer que les principes transformationnels au sens large (c’est-à-dire produisant des énoncés non nécessairement paraphrastiques) correspondent à une démarche scientifique et permettent en outre – preuve de leur validité explicative – d’expliquer comment les enfants acquièrent leur langue maternelle en passant d’un stade linguistique au suivant. Il montre qu’il y a des constantes translinguistiques (sept langues maternelles sont envisagées) entre enfants de même âge quand la description se situe au niveau de la façon avec laquelle un enfant transforme les énoncés qu’il entend, qui est appelé procédures de reformulation. L’analyse systématique du différentiel entre énoncé source et énoncé reformulé permet de contourner les caractéristiques catégorielles et fonctionnelles propres à chaque langue et partant de comparer les niveaux successifs attestés dans la langue en acquisition.
ABSTRACT : The scientific character of Saussure’ works such as presented and defended by Gilbert Lazard is discussed. The author tries to show that transformational principles in the broadest sense, that is with production of utterances that are not necessarily paraphrastic, fit a scientific approach, and also permit – as proof of their explanatory validity – explanation of how children acquire their first language as they go from one stage to the next. It can be shown in particular that there are crosslinguistic constants (seven languages are analysed) for children of the same age range when the aim of the description is to show how a child transforms the utterances that she or he has heard; these constants are called procedures of reformulation. Systematic analysis of the differential between source and reformulated utterances allows one to get round the category and functional features specific to each language and then to compare the successive stages which occur in the course of acquisition.
Rosine Schautz : Cahiers de terrain [Field Reports] (p. 321)
RESUME : Cet article est écrit en hommage au professeur Gilbert Lazard. Il relate un souvenir académique et une expérience de terrain à long terme en Haute-Egypte. Il s’efforce de démontrer, à la fois d’un point de vue intérieur et extérieur, en quoi partir sur le terrain est essentiel pour approfondir ses réflexions, tant linguistiques qu’anthropologiques. Pour ce faire, l’auteur relève quelques mots emblématiques de nawari, une des langues tsiganes parlées dans la région de Louqsor, qui mêle lexique persan et grammaire arabe.
ABSTRACT : This paper must be seen as a tribute to Prof. Gilbert Lazard. It relates an academic recollection and presents certain components of a long-term field investigation in Upper Egypt. Written both in an inside and outside perspective, it aims at demonstrating the absolute necessity of field surveys to deepen one’s personal thoughts in linguistics or anthropology. To do so, the author observes and discusses some significant words of nawari, one of the Gypsy languages spoken in the region of Luxor, which combines Persian lexicon and Arabic grammar.