par Jean-Marie Merle
Université de Provence, UMR 6057
Courriel : jmmerle1@aliceadsl.fr
La prédication, en linguistique, peut se définir sommairement comme l’opération par laquelle se structure la relation fondamentale – celle qui canoniquement fonde l’énoncé – et, par transfert métonymique, comme le produit de cette opération. Autrement dit, il s’agit de l’assemblage prédicatif auquel sont associées les modalités énonciatives qui caractérisent l’énoncé. Etant donné le rôle fondamental de cette opération dans la structuration des énoncés, la notion de prédication occupe une place non négligeable dans nombre d’appareils descriptifs, notamment dans la description des cadres prédicatifs, des structures actancielles, des phénomènes co-prédicatifs (appositions ou adjoints prédicatifs). Selon les phénomènes appréhendés et en fonction des cadres théoriques, la prédication n’est pas envisagée de façon uniforme, loin s’en faut : cette notion correspond à un phénomène complexe, mais celui-ci n’est jamais saisi strictement selon le même point de vue, d’une part, et il ne correspond qu‘à une parcelle de la réalité linguistique, d’autre part, aussi bien dans une langue donnée que dans une perspective interlinguistique. Ainsi, un phénomène bien représenté dans une langue ou dans un groupe de langues peut perdre de sa pertinence dans une autre langue ou un autre groupe de langues, et l’opération que recouvre la notion de prédication ne fait pas exception (cf. dans ce volume G. Lazard, J. Feuillet) ; dans une langue donnée, par ailleurs, les caractéristiques prototypiques de la prédication peuvent dans des cas plus fréquents qu’il n’y paraît ne plus se matérialiser en énoncé (cf. C. Chauvin, L. Danon-Boileau & A. Morgenstern, M. Guiraud-Weber, H. Lessan Pezechki, M. Maillard). La notion de prédication n’échappe pas non plus aux flottements habituels de la métalangue : du phénomène décrit (la structuration de l’énoncé) à la représentation du phénomène (la notion de prédication), puis de cette représentation à sa définition, les occasions de divergence sont innombrables.
Les diverses problématiques liées à la prédication sont bien représentées dans les articles de ce volume[1], lequel se subdivise en trois parties. La première partie est centrée sur la problématique de la définition, des caractéristiques de la prédication et de ses limites. La deuxième partie de ce volume regroupe des études sur différents types de prédication – prédication verbale, conversions, prédication nominale, prédication de propriété ou d’événement, caractéristiques des nexus – et divers phénomènes de modification et de modalisation de la prédication – par la prosodie, la gestuelle, l’emphase, l’agencement ou l’enchâssement syntaxique. La troisième partie traite de la problématique du dédoublement.
Des origines lointaines
L’intuition linguistique la plus ancienne à laquelle nous ayons accès, et qui inspire la tradition occidentale, remonte au IVe siècle av. J.-C. Déjà on peut percevoir deux conceptions différentes, non de l’énoncé, mais de l’assemblage prédicatif – chez Platon, puis chez les Stoïciens, d’une part, et chez Aristote, d’autre part (cf. dans ce volume, les articles de Ch. Touratier et de M. Maillard) – qui n’entrent pas pour autant en contradiction.
F. Ildefonse[2] (1994 : 3) montre que "la problématique de la prédication est bel et bien ouverte par Platon, dont l’enjeu fondamental […] paraît être plus précisément […] la fondation de l’énoncé, ce par la théorie du mélange des genres.". A la fin du Sophiste (261e-262e), dans sa célèbre leçon de grammaire, Platon inaugure la forme canonique de l’expression, le prôtos logos : "[…] les paroles proférées ne font référence ni à une action, ni à une absence d’action, ni à la réalité d’un être ou d’un non-être, tant qu’on n’a pas mêlé les noms et les verbes : alors seulement, il y a ajustement et dès lors cette combinaison élémentaire devient énoncé, pratiquement le premier et le plus petit des énoncés. … C’est pourquoi, dans ce cas, nous parlons d’énoncer et non pas seulement de nommer et c’est précisément à cet agencement que nous donnons le nom d’énoncé"[3]. Le principe de la prédication est ainsi le "dire d’une chose non seulement sa désignation spécifique, mais beaucoup d’autres choses différentes"[4] ; autrement dit, la prédication ouvre la possibilité de produire une infinité d’énoncés.
L’analyse d’Aristote, sur le passage de la désignation à l’énoncé, rejoint celle de Platon : "En réalité, il est possible d’énoncer chaque être, non seulement par sa propre énonciation, mais encore par l’énonciation d’autre chose"[5]. Par la distinction entre substrat et catégories – qui vont former le couple hupokeimenon-kategorema, que nous percevons comme l’ancêtre du couple sujet-prédicat (cf. Ch. Touratier et M. Maillard) –, Aristote en arrive à définir l’assemblage substrat-états comme une relation d’interdépendance : "… aucun [état] n’a par lui-même naturellement une existence propre, ni ne peut être séparé de la Substance […]"[6].
Chez Aristote, il est difficile de démêler la logique ou la linguistique de la physique de la substance. Le substrat, pour cette raison, déborde largement toute conception univoque que l’on pourrait avoir du sujet. Les kategorema, catégories aristotéliciennes, s’appuient sur la distinction entre "l’être par soi" et "l’être par accident". Cette distinction "rend hétérogènes des exemples homogènes du point de vue de l’expression" (F. Ildefonse, 1994 : 19), mais elle ouvre sur deux statuts relatifs différents du substrat au sein de l’assemblage prédicatif : les propriétés essentielles co-existent avec le substrat, tandis que les accidents impliquent la préexistence de celui-ci. Cette problématique est traitée de différentes façons dans ce volume, par P. Cadiot, F. Cornish, J. Guillemin-Flescher, J.‑C. Khalifa, G. Mélis, Ph. Miller, Cl. Muller, notamment, mais également dans les articles consacrés à la co-prédication, chez G. Achard-Bayle, J. Albrespit, R. Druetta, J. François & M. Sénéchal, J. Gardes Tamine, E. Havu & M. Pierrard, J.‑M. Merle.
Des apprehensions diverses
De ces deux conceptions sont issues des appréhensions radicalement différentes d’un même phénomène. On peut en identifier trois qui coexistent aujourd’hui, l’une, centrée sur le prédicat ; une seconde qui garde en mémoire la préexistence du substrat ; une troisième qui assimile la prédication à la structure thématique.
Un prédicat central
La première se trouve chez les Stoïciens et dans la définition que donne Diogène Laërce[7] du prédicat (tò kategoréma) : "[…] un dit incomplet qui, construit avec un cas direct, engendre une proposition.". Si les Stoïciens définissent le prédicat et l’assemblage prédicatif, on ne trouve pas chez eux le couple sujet-prédicat. On peut y voir une parenté entre la conception stoïcienne de la prédication et la conception platonicienne. Les Stoïciens, en plaçant le prédicat au centre de la prédication, sont amenés à élaborer une classification des prédicats, selon la personne, la valence et la diathèse, le verbe étant envisagé comme un prédicat non composé. Cette conception se trouve abondamment reprise et développée au XXe s., dans la Syntaxe structurale de Tesnière, par exemple, puis dans tous les travaux faisant depuis les dernières décennies du XXe s. une place aux interactions entre sémantique lexicale et constructions (cf. dans le présent volume P. Cadiot, G. Col, J. François & M. Sénéchal, P. Miller, entre autres), donnant une prépondérance au prédicat, et notamment au prédicat verbal. Pour autant, les propriétés subjectales, dans les langues où elles sont identifiables, donnent un statut à part à l’argument sujet, souvent décrit comme un argument externe, ce qui conduit à réenvisager la prédication sous un angle différent, plus proche de la conception aristotélicienne.
Une relation apport-substrat
La conception de la prédication qui garde en mémoire l’existence ou la préexistence du substrat, héritée du couple aristotélicien hupokeimenon-kategorema, ouvre au Moyen Age sur une distinction tranchée entre logique et grammaire. A la fin du XIIIe siècle, Jean de Dacie et Martin de Dacie laissent le couple sujet-prédicat au logicien et ont recours, en grammaire, au couple suppositum-appositum (suppôt-appôt ou support-apport). De ce couple restera dans la terminologie le terme d’apposition, qui, après avoir décrit au Moyen Age ce que nous appelons maintenant de nouveau prédicat, servira à décrire un co-prédicat (ajout prédicatif ou angl. predicative adjunct), autrement dit un dédoublement prédicatif, ou une greffe co-prédicative (cf. M. Wilmet 1997 et, dans ce volume, les études qu’en font, dans des cadres différents, G. Achard-Bayle, J. Albrespit, R. Druetta, J. François & M. Sénéchal, J. Gardes Tamine, E. Havu & M. Pierrard, J.-C. Khalifa, J.-M. Merle, Cl. Muller) et, de façon anecdotique, chez certains linguistes, une épithète nominale dans une relation de co-référence avec le noyau du syntagme nominal[8]. De cette conception restera aussi une appréhension de la relation sujet-prédicat comme une relation entre un apport et un élément stable, autrement dit comme un apport sémantico-référentiel sur un support référentiel ou structurel. Cette conception se trouve illustrée dans ce volume chez G. Mélis, entre autres, qui s’interroge sur la complétude syntaxique, et ébauche une hypothèse : la complétude n’est pas liée à la proposition mais à la prédication, qu’il définit comme un "apport de qualification sur un support déjà identifié". Elle se retrouve encore dans la définition de la prédication proposée par L. Danon-Boileau & A. Morgenstern : "toute prédication consiste à rapporter un dit (commentaire, contenu de pensée) à un élément stable qui en constitue le support et le repère (le sujet au sens de hypokeimenon)".
L’instrument que constitue la notion de prédication est central dans la description de l’assemblage qui fonde l’énoncé, mais il se définit en premier lieu à partir d’énoncés canoniques et demande à être réexaminé et redéfini lorsque les canons disparaissent, au sein d’énoncés non moins authentiques. En l’absence d’élément stable interne à l’énoncé, le support de prédication se trouvera dans le contexte ou dans les données de la situation d’énonciation (cf. G. Lazard, C. Chauvin, L. Danon-Boileau & A. Morgenstern, M. Maillard). La coïncidence avec le thème sera ainsi un cas particulier du support implicite («Magnifique !»). En l’absence de sujet et d’élément thématique, la situation d’énonciation fournit un substrat – préexistant – par défaut ("Brrr ! Frisquet…"). Si la définition de la prédication demeure assez souple pour suivre le principe constant de la relation d’apport à support jusque dans les cas où le support ne se matérialise pas à l’intérieur de l’énoncé, alors ce concept garde un pouvoir explicatif considérable, suffisamment vaste pour couvrir les énoncés sans verbe et sans sujet (mais non dépourvus de substrat).
Plusieurs articles de ce volume portent sur les énoncés non canoniques, notamment celui de L. Danon-Boileau & A. Morgenstern, sur les différentes étapes de réalisation de la prédication dans les énoncés des enfants, de l’holophrase à une structuration à trois termes ; ceux de M. Guiraud-Weber et de H. Lessan Pezechki, consacrés aux énoncés sans sujet, respectivement en russe et en persan ; ceux de M. Maillard et de C. Chauvin, sur le portugais et l’anglais, qui s’étendent aux énoncés sans sujet ni verbe ; celui de G. Lazard, qui examine les langues sans servitude subjectale, canoniquement sans sujet, et qui s’interroge, à propos de langues d’Asie orientale et d’Océanie, sur la pertinence de la notion de prédication. Plus radical, J. Feuillet met en évidence la faiblesse de la dichotomie sujet-prédicat et défend l’idée que la notion de prédication ne permet pas de rendre compte de nombre d’énoncés, y compris dans les langues qui nous sont les plus familières. De même que Tesnière n’isole pas le sujet des autres actants, de même J. Feuillet propose d’évacuer la notion de prédication. Sur cette question, on lira également la critique de J. Gardes Tamine, dans ce même volume. On pourra aussi revenir à l’historique proposé par Ch. Touratier et par M. Maillard, qui s’interrogent l’un et l’autre sur le transfert de la notion de prédication de la logique à la linguistique et sur le succès de ce transfert.
Structure thématique
Une troisième définition, enfin, tend à faire coïncider la prédication avec la structure thématique, le sujet étant alors défini comme "ce dont on parle" (le thème) et le prédicat comme "ce qu’on en dit" (le rhème). La prédication n’est plus envisagée comme l’assemblage qui fonde l’énoncé, mais définie comme un agencement informatif canonique. Cette définition ne tient pas compte de la possibilité de dissocier le thème du sujet offerte par les constantes structurelles d’une langue donnée. [9] La problématique ouverte par les énoncés thétiques (qui inaugurent un thème nouveau), dans lesquels aucun élément n’a de statut thématique, est abordée dans ce volume sous des angles différents par P. Cadiot, par F. Cornish, qui montrent pour quelles raisons on peut considérer que les énoncés thétiques ne contiennent pas de prédication, et par C. Chauvin, notamment.
Place de la modalité
Le souci de vérité qui anime les philosophes de l’Antiquité donne à la modalité, et plus particulièrement à la modalité aléthique, une place prépondérante. La modalité est alors inhérente à la prédication, qui tend à coïncider avec l’assertion, la préoccupation centrale étant pour le philosophe, et le logicien, le caractère assertable de contenus propositionnels en fonction de variations situationnelles. Pour le linguiste contemporain, la modalité est associée à la prédication, mais elle en est distincte (cf. Cl. Muller), ce qui permet de rendre compte séparément de l’assemblage sémantico-syntaxique qui structure l’énoncé et des ajustements énonciatifs qui le déterminent (cf. les articles de G. Col et de J.‑Cl. Souesme). L’interaction entre prédication et modalité est étudiée ici par A. Khaldoyanidi & M.-A. Morel en russe et en français à partir de l’observation de l’intonation et des marques mimico-gestuelles ; par S. Herment, dans une étude sur certains dispositifs de focalisation en anglais – au sein d’énoncés emphatiques, d’énoncés comportant une extraposition, de structures clivées – ; par M. Faraco & T. Kida, qui examinent la complémentarité entre discours et gestualité, notamment dans la représentation de la relation thème-rhème, ainsi que le décalage gestuel, anticipation ou retard. S. Pétillon étudie la fonction modale des incises – prise de position énonciative placée entre tirets ou entre parenthèses. L. Gournay mène une comparaison entre l’inversion locative en français et en anglais, et met en évidence une absence de prise en charge énonciative. J.‑Cl. Souesme envisage la corrélation entre mode de prise en charge énonciative et niveaux de structuration des énoncés. N. Balllier, à propos des complétives enchâssées dans la structure de the fact [that…], montre que le modus annoncé par le nom recteur est d’ordre aléthique. Ph. Miller analyse l’emploi copule des verbes de perception en anglais (This cheese looks delicious) : ces verbes – smell, sound, look – ont un emploi intransitif, signifiant une activité d’émission, puis deviennent prédicats de second ordre, s’appliquant à l’ensemble d’une prédication sur laquelle ils introduisent un jugement modal.
Types de prédication – prédication verbale, conversions, prédication nominale, prédication de propriété ou d’événement, caractéristiques des nexus
Diverses manifestations, ou divers avatars, de la prédication sont au centre de plusieurs études. J.-C. Souesme observe les stades de la prédication et l’opposition entre validation et prise en charge. Cl. Delmas étudie les conditions qui accompagnent et facilitent la conversion de noms propres en prédicats verbaux. Fl. Lefeuvre examine les propriétés des nominalisations prédicatives, leurs conditions d’emploi et la réorganisation de leur structure argumentale. M. Ciçek & Ch. Bassac comparent la prédication verbale et non-verbale en turc et mettent en évidence des caractéristiques communes, d’une part, et, d’autre part, la présence systématique de la copule dans toute prédication verbale. Cl. Blanche-Benveniste envisage les caractéristiques des nexus nominaux, à l’intérieur d’un système qui oppose trois formes syntaxiques de base (syntagmes, nexus, propositions) – les nexus, dans la terminologie d’Eriksson 1993, désignant une relation prédicative sans verbe à mode fini – : le nexus n’est plus une prédication, mais il s’agit bien d’un assemblage prédicatif qui ne peut se réduire à un syntagme. J. Guillemin-Flescher compare différentes formes de prédication de propriété en anglais et en français, et examine les conditions qui favorisent ou imposent l’emploi de l’une ou l’autre de ces formes de prédication (He teaches / Il enseigne ; He is a teacher / Il est enseignant / C’est un enseignant).
Problématique du dédoublement
La problématique du dédoublement est appliquée ici au transfert de sens, chez J.‑M. Benayoun et chez D. Jamet, au dédoublement énonciatif, chez S. Pétillon, au dédoublement syntaxique par clivage, chez J.‑C. Khalifa, mais aussi à différents phénomènes co-prédicatifs, dans les articles de G. Achard-Bayle, J. Albrespit, R. Druetta, J. François & M. Sénéchal, J. Gardes Tamine, E. Havu & M. Pierrard, J.-M. Merle, Cl. Muller.
J.‑M. Benayoun fait porter son article sur les étapes énonciatives contribuant à la production du sens, pour examiner, sur un corpus d’énoncés en français et en anglais, les conditions de superposition de sens et d’émergence du double sens. D. Jamet s’interroge lui aussi sur les "prédications impertinentes" (Ricoeur 1975), et plus particulièrement sur la relation entre prédication et métaphore, et il met en évidence, dans un corpus anglais et français, les marques morpho-syntaxiques annonçant les transferts métaphoriques.
J. Ch. Khalifa analyse le phénomène de la prédication à l’intérieur des structures clivées en anglais. Son étude aboutit à la conclusion que si les clivées sont biclausales, elles ne comportent qu’une prédication (cf. Ch. Touratier), assortie d’une fonction pragmatique, celle de pointer par identification la relation entre l’élément occupant le focus et sa place évidée à droite.
J. François & M. Sénéchal analysent, dans le prolongement de François 2003, des structures argumentales résultant de la greffe entre deux cadres prédicatifs, l’un, un cadre prédicatif divalent fourni par un verbe de production de parole et l’autre fonctionnant comme greffon (Marie crie (qch) (à qn) > Marie crie à qn de faire qch).
La notion de prédication seconde, redéfinie par P. Cadiot & N. Furukawa 2000, est réenvisagée dans plusieurs contributions : celle de Cl. Muller qui examine les propriétés et les conditions d’emploi des relatives prédicatives en français et dégage de son étude trois modes de fonctionnement différents ; celle de S. Pétillon, qui étudie les différentes formes du décrochement typographique et l’insertion par incise d’une modalité énonciative distincte de celle de la structure d’accueil. E. Havu & M. Pierrard s’interrogent sur la distinction entre prédication seconde et apposition, puis étendent leur étude à la relation entre le co-prédicat et son support, et à la place de celui-ci dans la structure d’accueil. R. Druetta compare également les définitions de la prédication seconde proposées par P. Cadiot & N. Furukawa, d’une part, et la définition de l’apposition donnée par M. Wilmet 1997, d’autre part, puis il établit une distinction entre trois types de nexus différents (cf. Eriksson 1993, et Cl. Blanche-Benveniste dans ce volume) et analyse les énoncés du type Vous avez quoi comme voiture ?
La contribution de G. Achard-Bayle et celle de J. Albrespit portent sur les structures résultatives, respectivement en français et en anglais. G. Achard-Bayle envisage la relation entretenue entre le SNom du complément prépositionnel (Junon métamorphose Callisto en ourse) et le verbe, relation dont il montre qu’elle est aussi étroite que la relation entre le verbe et le CNom complément direct. J. Albrespit examine l’interdépendance des deux relations prédicatives constitutives des structures résultatives en anglais, et montre les problèmes que pose leur interprétation.
J. Gardes Tamine montre en quoi la notion de prédication manque de clarté, et elle remet en question la notion récemment introduite de prédication seconde. Elle revient sur cette problématique dans une étude sur l’apposition, qu’elle redéfinit comme une amplification insérée (non intégrée dans un syntagme), dans une opposition entre deux opérations d’amplification, par intégration et par insertion. J.‑M. Merle reprend cette opposition pour l’appliquer aux syntagmes participiaux, qu’il n’envisage ni comme une relative réduite, ni comme circonstants. Il rappelle que le participe est une forme verbale appelée à être incidente à un support nominal, quelle que soit la fonction de celui-ci dans la structure d’accueil, et que le SPart entre soit dans le paradigme de la caractérisation épithétique, soit dans celui des co-prédicats (appositions).
Pour utile et commode qu’elle soit, la notion de prédication possède les faiblesses habituelles de la métalangue. Outre son long séjour dans la métalangue des logiciens, cette notion nomme un phénomène qui s’appréhende de différentes façons. Le linguiste est sans cesse amené à redéfinir les instruments dont il se dote : au terme de ce parcours, force est de constater que la notion de prédication ne fait pas exception.
[1] Ce volume comprend les actes du colloque d’Aix-en-Provence organisé par le CELA (EA 3780), avec l’aide de l’UFR LAG-LEA et de l’Université de Provence. J’adresse ici tous mes remerciements aux membres du CELA, pour leur contribution à l’organisation de ce colloque, et tout particulièrement à Françoise Dubois-Charlier et à Sophie Herment Dujardin, co-organisatrices, sans qui rien n’aurait été possible ; à tous les participants, pour leur précieuse contribution à cet immense travail collectif et pour leur patience ; à Catherine Chauvin, Sophie Herment, et Marie Loiseau pour leur travail de relecture et leur aide technique ; à Mary-Annick Morel, Laurent Danon-Boileau, Reza Mir-Samii et au Comité de Rédaction de Faits de Langues pour leur accueil généreux et leur contribution à la réalisation de ce volume ; au CNL, au CNRS, au laboratoire 3L.AM (EA 4335), au CELA (EA 3780), à l’UFR LAG-LEA et à l’Université de Provence pour leur concours et leur soutien.
[2] Frédérique Ildefonse, 1994, Sujet et prédicat chez Platon, Aristote et les Stoïciens, in Archives et documents de la société d’histoire et d’épistémologie des sciences du langage, dir. J. Lallot, n° 10, Université Paris 7. La bibliographe générale se trouve à la fin de ce volume.
[3] Trad. M. Baratin et F. Desbordes, apud F. Ildefonse 1994, p. 6.
[4] Ibidem.
[5] Catégories, 2, 1a20-1b6, trad. J. Tricot, apud Ildefonse 1994, p. 11.
[6] Métaphysique, 2, 1, 1028a 10-20, trad. J. Tricot, ibidem, p. 12.
[7] Vies et opinions des philosophes antiques, VII, 63, trad. F. Ildefonse, ibidem, p. 25
[8] Cf. F. Neveu 2000, pour une étude complète de la problématique de l’apposition.
[9] A propos de la problématique du sujet vu comme substrat, cf. Ildefonse 1994 ; sur la bipartition entre sujet de prédication et sujet de référence, et sur le couple sujet-prédicat envisagé comme une grammaticalisation du couple thème-rhème, cf. Lazard 2003 ; sur la distinction entre sujet, thème et agent, cf. Albrespit 2003 et Touratier 2003 ; cf. également Merle 2003 sur les problèmes que posent la définition du sujet.