n°30 : Nominalisations

 

Résumés / Abstracts

Présentation générale : Reza Mir-Samii (p. 5)

1. Opposition verbo-nominale : Conditions de la nominalisation

Platiel Suzy : Les procédés de nominalisation dans deux langues de l’Ouest africain (p. 13)

 

Resume : Après avoir essayé de définir, ce qui, outre leur sens, permet de distinguer un verbe d'un nom, l'auteur tente de démontrer le rôle essentiel que joue la morphologie dans les procédés de nominalisation du verbe. Pour ce faire, elle compare deux langues africaines de l'Afrique de l'Ouest appartenant à deux familles linguistiques différentes : d'une part, le san, langue mandé qui ne possède pratiquement pas de morphologie et ne distingue les deux catégories grammaticales du verbe et du nom que par les fonctions qu'ils peuvent occuper, elles-mêmes définies par leur position dans l'énoncé et, d'autre part, le peul, langue ouest-atlantique chez qui, au contraire, la catégorie grammaticale est indiquée par le morphème qui complète la racine.

 

Abstract : After going over some criteria other than semantic that could differentiate nouns from verbs, the author emphasizes the prominent role played by morphology: she compares two unrelated West African languages, San, a Mande language with very little morphological marking in which the difference between nouns and verbs is mostly a matter of function and therefore position in the sentence, and Fulfulde, a West-Atlantic language in which grammatical categories are indicated by a morpheme that is added to the root.

 

 

Véronique Georges Daniel: "Infinitifs" et "participes" dans les créoles français (p. 23)

 

Resume : Cette contribution s'interroge sur l’existence de formes verbales non finies (infinitifs et participes par exemple) dans les créoles français. Ces langues ne connaissent pas de morphologie verbale flexionnelle. Cependant, les créoles de l’Océan Indien et, dans une certaine mesure, le haïtien présentent une alternance verbale. Dans les créoles qui connaissent une alternance Ve ~ VØ comme dans celles qui ne la connaissent pas, se pose la question de l'assignation de Ve à la catégorie de l'adjectif, du participe ou de l'infinitif. Après une analyse d'énoncés relevés dans les créoles français atlantiques et de l'Océan Indien, cet article conclut à l'inexistence d'une distinction entre formes finies et non finies dans les créoles français, en dépit de l'alternance verbale VØ versus Ve dans certains cas.

 

Abstract : This paper is devoted to the analysis of non finite verbal forms (participials and infinitives) in French-related creoles.Verbs in these languages are not inflected for tense, number or gender. However, Indian Ocean Creoles and Haitian Creole up to a certain point, exhibit alternating verb forms. In the creoles that contrast Ve ~ VØ as well as in those that do not show such a verbal contrast, the assignment of Ve to the category of the Adjective, of the participial or of the infinitive is a matter of dispute. After an analysis of sentences from Atlantic and Indian Ocean French Creoles, this paper concludes that the distinction between finite and non finite forms is not to be found in French related creoles, despite the verbal alternation VØ versus Ve.

 

 

Toussaint Daria : En chinois peut-on nominaliser un verbe ? (p. 33)

 

Resume : Le bilan semble confirmer une hypothèse que permet de formuler une théorie morphogénétique. Il ne pourrait y avoir de suffixes stricto sensu que dans une langue où il y a des noms et des verbes stricto sensu. La langue chinoise est soucieuse de questions qui se situent en deçà de cette opposition. Elles ont trait à la formation du mot : morphèmes libres – notions à l’état pur – ou morphème liés? Et à l’intérieur de ce dernier type de mot, quelles sortes de composition? La formation en X-zi est une composition parmi d’autres qui ne pose problème que lorsqu’on la regarde à partir du français, par exemple, car elle ressemble alors à une forme suffixée.

 

Abstract : According to morphogenetic theory my hypothesis says that a suffix form stricto sensu appears when a language has nouns and verbs stricto sensu. The Chinese language doesn’t care about this distinction but care about free morpheme and bound morpheme. X-zi in word formation is one of Chinese word components and is not a ‘nominalizing’ suffix.

 

 

Simone Raffaele et Pompei Anna : Traits verbaux dans les noms et les formes nominalisées du verbe (p. 43)

 

Resume : L’article se propose de déceler la présence de traits de verbalité dans les formes nominalisées du verbe (FNV) et dans les noms (N). L’analyse se base sur l’hypothèse que les verbes (V) et les N sont reliés dans un continuum bidirectionnel ayant à un extrême les N "purs", qui sont pleinement référentiels, et à l’autre les V "purs", qui sont pleinement prédicatifs. En se mouvant le long de ce continuum dans les deux directions, il y a une perte graduelle de traits nominaux et une acquisition de traits verbaux et vice-versa. Les propriétés verbales qui sont envisagées dans l’article sont la temporalité, l’aspectualité et la modalité, la structure argumentale, la diathèse et la modification adverbiale; elles sont toutes associées à la Force Prédicative, c.-à.-d. à la possibilité de contenir une prédication. L’analyse des langues concernées montre que la portée de ces traits peut soit affecter la prédication entière soit se borner à un N; dans ce cas, on peut supposer qu’il y a une prédication sous-jacente. Les traits verbaux peuvent être codés soit par une marque grammaticale soit sans aucune marque grammaticale; dans ce cas, le codage est permis par une opération discursive. L’article montre qu’à l’intérieur du continuum V ↔ N les traits verbaux ne sont pas du tout exclusifs des FNV, mais ils peuvent même affecter les N "purs", avec des différences selon la propriété verbale concernée.

 

Abstract : This paper aims at detecting the presence of verbal features in nominalized verb forms (NVFs) and nouns (Ns). The analysis is based on the assumption that verbs (Vs) and Ns are linked in a bidirectional continuum, having as extremes on the one hand “pure” (i.e., fully referential) Ns, and on the other hand “pure” (i.e., fully predicative) Vs. Moving along this bidirectional continuum, nominal features are gradually lost and verbal features are acquired, and the other way round. Verbal features dealt with in this paper are tense, aspect, modality, argument structure, voice, and adverbial modifiers; they are all associated to Predicative Force, i.e. the capability to convey a predication. The analysis of different languages shows that the scope of these features may either affect the whole predication or be limited to a N; in the latter case underlying predication can be assumed. Verbal features may be encoded with or without a grammatical marker; in the latter case, a discourse operation allows the encoding. This paper shows that, within the V↔N continuum, verbal features are not limited to NVFs, but they can also affect “pure” Ns, with some differences according to the feature involved.

 

2. Théories générales sur la nominalisation

Honeste Marie Luce : Approche cognitive de la notion de "forme nominalisée du verbe" en français (p. 59)

 

Resume : Cognitivement, un "procès" ou "état" se conceptualise à la fois comme séquence d’états impliqués dans une temporalité et globalement comme objet cognitif propre. Linguistiquement, il est exprimé par le verbe, partie du discours caractérisée par l’implication temporelle et un schéma actanciel. Au cours du processus de nominalisation d’un verbe, sa matière notionnelle reste intacte, mais le poids des deux conceptualisations séquentielle et globale s’inverse progressivement, construisant ainsi un continuum des emplois verbaux aux emplois nominaux.

 

Abstract : In a cognitive way, processes and states are conceptualized both as a sequence of temporal phases and as a global object. In a linguistic way, they are expressed through verbs, which are characterized by a temporal implication and an actantial scheme. During the process of nominalisation, its meaning remains, but the ponderation of the two aspects of its conceptualization will be progressively inverted, building a continuum from verbal forms to nominal ones.

 

 

Winand Jean : Les formes nominalisées en égyptien ancien (p. 69)

 

Resume : A la suite de H. Polotsky, les égyptologues ont admis, dans les années 70 et 80, que la prédication verbale reposait sur un système de substitutions. Selon cette théorie standard (ST), le verbe n’a aucune fonction pleinement prédicative, si ce n’est dans quelques rares cas, marginaux dans le système. Le verbe est plutôt un élément d’une construction plus large, toujours non verbale. Pour y figurer, le verbe doit être converti en une forme substantivale ou adverbiale. La présente étude montre comment la TS s’est édifiée. En dehors de son invraisemblance typologique, la TS pêche par trois excès : l’utilisation systématique, et donc abusive, de l’analogie, la généralisation de l’identité entre formes et fonctions, et la généralisation aux époques antérieures de la situation observable en copte. En résumé, cette étude réaffirme la possibilité pour une forme verbal d’être utilisée dans des fonctions syntaxiques très variées sans qu’il y ait nécessairement un changement morphologique.

 

Abstract : Following H. Polotsky and his school, Egyptologists assumed, mainly in the seventies and eighties, that a system of susbtitutions was at the core of the verbal predication. According to the Standard Theory (ST), the verb has no predicative function by itself, except for some isolated cases. The verb is rather a part of larger constructions, that are non-verbal in essence. Therefore, the verb must be converted in a substantival or adverbial form to fulfill the syntactic slots of the non-verbal paradigms. This paper shows how the ST took shape. To start with, the ST is completely isolated from a typological point of view. Three major flaws can be pointed at : the systematic use of analogy, the generalisation of a strict parallelism between forms and functions, and an abusive generalisation of some Coptic data to earlier stages of Egyptian. As a conclusion, this paper emphasizes the possibility for verbal forms to be used in a wide range of syntactic slots without morphological change.

 

 

Klock-Fontanille Isabelle : Les substantifs verbaux : description de l’exemple hittite et catégorisation par les grammairiens anciens (p. 83)

 

Resume : On constate dans les langues indo-européennes une tendance générale à opposer, sur le plan morphologique, une classe nominale et une classe verbale, qui obéissent, chacune pour sa part, à deux systèmes de flexion dans l'ensemble fort différents. Une fois en présence de cette bi-partition, on constate qu'à chaque classe est associée l'expression de catégories particulières. Mais dans le détail, il apparaît que les choses ne sont pas aussi nettement tranchées et que d'une langue à l'autre, la frontière entre les deux classes emprunte des tracés assez différents. Notre étude comportera deux parties : dans un premier temps, nous décrirons le fonctionnement d'une catégorie intermédiaire, à savoir ce qu'on appelle les substantifs verbaux (infinitifs, supins); le cas hittite est un cas intéressant pour étudier les interférences, les chevauchements, les entrelacements de formation et de fonction entre des classes qui, pour nous, sont distinctes. Dans un deuxième temps, nous essaierons de voir comment ces catégories aux frontières floues ont été catégorisées par les grammairiens anciens.

 

Abstract : Indo-European languages show a general tendency to differentiate two morphological classes – that of nouns and that of verbs – respectively marked by two inflectional systems which are on the whole quite different. Once this binary opposition is acknowledged, the expression of specific grammatical categories is associated to one morphological class or the other. However, a more detailed description reveals that the distinction is not as clear-cut as that, and that from one language to another the boundaries between the two classes follow fairly different lines. Our study is made up of two parts. In the first we shall describe the functioning of an intermediate category, namely the so-called verbal substantives (infinitives and supines). The case of Hittite is of particular interest in the study of the morphological and functional interference, overlapping and intertwining between two classes that we see as distinct. In the second part of this study, we shall try to make out how these borderland-categories were categorised by ancient grammarians.

3. Différents formats de la nominalisation

Moyse-Faurie Claire : Les formes nominalisées du verbe dans quelques langues océaniennes (p. 97)

 

Resume : L'auteur compare ce que peuvent être "les formes nominalisées du verbe" dans des langues océaniennes à divers degrés d'opposition verbo-nominale, en prenant en considération les effets sur la valence et l'expression des actants, la compatibilité avec les marques aspecto-temporelles et les déterminants, et les fonctions syntaxiques qu'elles peuvent assumer. Dans les langues de Nouvelle-Calédonie, les catégories de lexèmes sont bien définies : tout lexème peut être prédicat aspecto-temporalisé, mais une dérivation est nécessaire aux verbes pour avoir un emploi autre que prédicatif et une combinatoire semblable à celui des noms. Ces dérivations, à l'aide de préfixes, donnent une orientation sémantique forte aux lexèmes verbaux, les dérivés obtenus désignant le lieu, la manière ou le résultat de l'action, l'instrument ou le contenu. En outre, les préfixes peuvent aussi nominaliser des syntagmes verbaux en leur donnant une valeur causale. Dans les langues polynésiennes, on assiste au paradoxe suivant : d'une part, les lexèmes sont, à quelques exceptions près, invariables selon le nombre, le temps, le mode, l'aspect ou la personne; d'autre part, l'opposition verbo-nominale est essentiellement basée sur des orientations sémantiques différentes selon l'emploi syntaxique et non sur des incompatibilités distributionnelles ou fonctionnelles. Or, les possibilités dérivationnelles restent multiples et très productives. Il faut alors se demander à quoi servent ces formes dérivées, et quels sont les impacts sur la catégorisation ou les possibilités combinatoires.

 

Abstract : The author compares deverbal nominalisations in Oceanic languages which manifest different degrees of verb/noun opposition by taking into account the effects on the valency and the expression of syntactic arguments, the compatibility with aspectual and temporal markers and with determiners, as well as the syntactic functions which they can have in a sentence. In the languages of New Caledonia, lexical categories are well defined: every lexeme can be a predicate marked for aspect and tense but a derivation is required for verbs to have a use other than predicative and the combinatory potential of nouns. These derivations signaled by prefixes have a clear semantic effect on the verb lexemes and the resultant nominalisations refer to the place, the manner, the result of the action, an instrument or the content of a container. Apart from that, the relevant prefixes can also nominalise verb phrases by giving them a causal value. In Polynesian languages the following paradoxe is found: on the one hand the lexemes are except for a few cases unmarked for number, tense, mood, aspect or person. On the other the opposition between verb and noun is essentially based on different meanings determined by the syntax and not on the distributional or functional incompatibilies. Nevertheless one finds multiple and very productive derivational options. This gives rise to the following two questions: what is the function of these derived forms? And what is their impact on the categorisation and on the combinatorial potential?

 

 

Mir-Samii Reza et Samvelian Pollet : Les infinitifs en persan (p. 117)

 

Resume : Cet article examine le statut de l’infinitif en persan. Après un examen détaillé des propriétés morphosyntaxiques de ce dernier, les auteurs établissent deux emplois distincts, l’un verbal et l’autre nominal. Dans le premier cas, l’infinitif manifeste exclusivement des propriétés verbales, il est donc traité comme un verbe et la projection syntaxique à laquelle il donne lieu est considérée comme une projection verbale. Dans l’emploi nominal, en revanche, l’infinitif se comporte comme une catégorie mixte verbo-nominale. Les auteurs proposent dans ce cas un traitement dans le cadre HPSG inspiré de Malouf (1999).

 

Abstract : This paper addresses the status of the Persian infinitive. Relying on a detailed study of its morpho-syntactic properties, the authors establish two distinct uses for the infinitive, one verbal and the second nominal. In its first use, the infinitive behaves exactly like a non finite verb. Consequently it is claimed to be a verb and the syntactic projection it heads is considered as a verbal projection. In its nominal use, by contrast, the infinitive displays mixed nominal and verbal properties. The authors suggest treating the infinitive as a mixed lexical category and propose an account inspired by Malouf (1999) within the HPSG framework.

 

 

Härmä Juhani : Remarques sur la nominalisation en finnois (p. 135)

 

Resume : L’article discute les possibilités dont dispose le finnois de nominaliser certaines formes non-finies du verbe, dont la distribution ne correspond pas à celle des langues indo-européennes. Les formes en question sont des infinitifs et des participes, qui, d’une part, peuvent subir la nominalisation avec une relative facilité, mais, de l’autre, sont soumis à un certain nombre de contraintes.

 

Abstract : The article discusses the possibilities Finnish has to nominalise certain non-finite verb forms, the distribution of which does not correspond to the one in Indo-European languages. The forms concerned are infinitives and participles, which, on the one hand, can be nominalised with comparative easiness, but on the other, are subject to a number of constraints.

 

 

Soare Elena et Mardale Alexandru : Quel est le nom du verbe? À propos du supin et de l'infinitif en roumain (p. 141)

 

Resume : Cet article se propose d’examiner les propriétés d'une forme verbo-nominale du roumain, le supin, par comparaison avec l’infinitif nominalisé et d'autres formes verbo-nominales. Dans un premier temps, nous montrons quelles sont les différences entre les noms verbaux authentiques et le supin, et nous proposons une analyse morphologique de cette forme. Dans un deuxième temps, nous analysons les propriétés d’interprétation du supin et de l’infinitif nominalisés. Les deux nominalisations ne se prêtent pas aux deux types de lecture connus comme événementielle et résultative depuis Grimshaw (1990). Alors que l’infinitif admet les deux, le supin n’admet que la première. Cette différence sera mise en corrélation avec la structure aspectuelle de ces nominaux, à savoir avec l’existence d’un Aspect syntaxique (dans le cas des nominalisations infinitives) et avec l’existence d’un Aspect hérité du verbe-base (dans le cas des nominalisations supines). Enfin, nous arriverons à la conclusion que les structures analysées ici ne présentent pas le même degré de "perfection nominale", en raison d'une dérivation différente, d’une part, et de l’existence d’une structure fonctionnelle différente, d’autre part.

 

Abstract : This paper aims at examining the properties of a Romanian verbal noun, the supine, by comparison with nominalized infinitive and other verbal nouns. We will first show what are the differences between genuine verbal nouns and supine, and we will propose a morphological analysis in order to capture them. We will then analyze the properties of nominalized infinitive and supine, and see that only the nominalized infinitive is ambiguous between an event and a result reading, as predicted by Grimshaw (1991). This difference between infinitive and supine will be accounted for in terms of functional – aspectual – differences, on the one hand, and different levels of nominalization, on the other hand. In the case of nominalized infinitives, there is syntactic Aspect, and in the case of the supine, derived directly from the verb stem, the aspect is inherited from the base. As a conclusion, the cases at study represent different levels of "nominal perfection", as a result of different derivations and functional structures.

 

 

Authier Gilles : Participes libres et masdars en kryz (p. 153)

 

Resume : Le kryz, langue caucasique de l’Est parlée en Azerbaïdjan, a des relatives participiales qui conservent leur syntaxe interne verbale; en sont dérivés des noms verbaux – participes substantivés ou, par abstraction, ‘masdars’ – qui ont la même propriété, et donc une syntaxe mixte, puisqu’en tant que noms ils ont une syntaxe externe marquée par des cas, dont on étudie les valeurs sémantiques, complétives au sens strict ou adverbiales.

 

Abstract : Kryz, an East-Caucasian language spoken in Azerbaijan, has participial relative clauses which retain a verbal syntax; verbal nouns or masdars share this property and have, consequently, a mixed syntax : as nouns they can inflect for a rich choice of cases, and are used as various complement or adverbial clauses.

 

 

Bottineau Didier : Les formes nominalisées du verbe basque (p. 167)

 

Resume : Le verbe basque présente une diversité surprenante de formes nominalisées. Certaines, à caractère participial, rappellent superficiellement leurs homologues des langues romanes, mais elles s’en distinguent par leur capacité à entrer dans des "périphrases verbales" non contraintes par des faits de valence. D’autres sont construites par ajout de postpositions aux valeurs sémantiques comparables à celle des cas et prépositions romans, directs et obliques, et surcomposables. Le haut degré de productivité morphologique du dispositif couvre l’ensemble des propositions subordonnées nominales avec des catégorisations sémantiques précises et souvent originales.

La présente étude livre une vision d’ensemble du système en l’inscrivant dans une théorie générale de la construction du sens tel que la manifeste la morphosyntaxe de l’énoncé basque et en discriminant la portée lexicale et syntagmatique des marques de nominalisation du verbe.

 

Abstract : The Basque verb displays a surprising diversity of nominalized forms. Some of them are superficially reminiscent of similar participle forms in Romance languages, but they can be used in verbal periphrases that are not limited in form and number by constraints of valency. Others are obtained by adding a whole range of postpositions with meanings that can be compared with those of prepositions and case markers in Romance languages, both direct and oblique ones, and they can be cumulated. The system’s high productivity spans the whole gamut of non-finite nominalized subordinate clauses and expresses fine-grained and sometimes original semantic categories.

This study provides an overview of the system and relates it with a general theory of the construction of meaning in Basque such as it can be apprehended through morphosyntactic evidence. Special attention is given to the distinction between markers nominalizing lexical verbs and markers nominalizing whole clauses.

 

 

4. Nominalisation dans la mise en discours

Chang In-Bong : Nominalisateurs en coréen contemporain (p. 191)

 

Resume : Dans ce travail, nous nous proposons d’étudier les nominalisateurs -ki et de -(eu)m en coréen contemporain.

Les nominalisateurs -ki et -(eu)m cumulent une double fonction : ils fonctionnent d’une part comme des suffixes de dérivation lexicale servant à former des noms à partir d’un radical verbal ou qualitatif, et d’autre part comme nominalisateur de propositions indépendante ou enchâssée complétive ou adverbiale.

 

Abstract : In this paper, we analyse the nominalizer -ki and -(eu)m in Korean.

The nominalizers -ki and -(eu)m have two functions : they function as derivational suffix for forming the nouns with the verbal or adjectival radical, and on the other hand as nominalizer for the propositions, independent or completive or adverbal.

 

 

Terada Akira: Propositions nominalisées par no en japonais (p. 201)

 

Resume : Il existe plusieurs types de nominalisateurs en japonais. Chaque nominalisateur a un fonctionnement spécifique. Le nominalisateur "no" a la fonction de préconstruire un fait pour qu'on puisse l'utiliser comme un élément de relation énonciative.

 

Abstract : The purpose of this paper is to discuss the différent types of the nominalisators as koto, mono, no...

 

 

Do-Hurinville Danh Thành : Nominalisation et construction du thème en vietnamien (p. 209)

 

Resume : Cet article décrit quatre possibilités de nominalisation des formes verbales en vietnamien. La première consiste à antéposer un nom classifiant (ou classificateur) à un syntagme verbal ou à un énoncé à deux lexèmes. La deuxième vise à insérer le marqueur entre le thème et le rhème d’énoncés. La troisième conduit à placer khi nào, bao-giờ (quand), nếu (si) devant des énoncés. Dans la quatrième, on recourt au déictique này. Ces trois dernières possibilités ont pour objectif de rendre incomplets les énoncés et de les transformer ensuite en thèmes de nouveaux énoncés.

 

Abstract : This article deals with four possibilities for nominalizing verbal forms in Vietnamese. The first consists in placing a classifier noun (or classificateur) before a verb phrase or a two lexeme utterance. The second aims at inserting the markerbetween the topic and the rheme of utterances. In the third khi nào, bao-giờ (quand), nếu (si) are placed in front of utterances. In the fourth possibility, the deictic này is resorted to. The purpose of the last three possibilities is to make the utterances incomplete and to turn them into topics of new utterances.

 

 

5. Autour de l'aspect

Fortis Jean-Michel : Noms, verbes et gérondifs en tagalog (p. 217)

 

Resume : Cette étude aborde le problème de la distinction du nom et du verbe en tagalog et, dans un second temps, le statut nominal ou verbal d’un certain type de dérivés communément désignés “gérondifs”. La distinction nom / verbe est appréhendée à trois paliers qui, s’ils tendent à se confondre dans les langues indo-européennes, doivent être distingués lorsqu’on traite du tagalog : le premier palier est celui des bases de dérivation; le deuxième est celui de l’opposition entre nom et verbe et du rapport à l’aspect et à la modalité, jugé ici discriminant; et enfin, le troisième est celui des fonctions (argumentale ou prédicative). Il suit de notre analyse que les gérondifs ont un statut verbal. En outre, les gérondifs dénotent typiquement des événements complexes. Un examen des constructions où ils apparaissent montre qu’ils sont substantivés, à l’exception d’un type de construction dit ici “appositif”. L’étude se conclut par une hypothèse sur le sens de l’affixe servant à former les gérondifs, et sur les raisons pour lesquelles cet affixe est voué à la dérivation des formes gérondives.

 

Abstract : In this paper, I describe the noun / verb distinction in Tagalog, before turning to a class of derived forms commonly known as “gerundives”, and to their categorization with respect to the noun / verb distinction. The noun / verb distinction is analyzed on three levels, which tend to be conflated in Indo-European languages, but must be distinguished in Tagalog : the first one is the level of derivational bases; the second level corresponds to the noun / verb distinction properly speaking, for which distinction aspect and mood are good criteria; finally, the third level pertains to grammatical function (whether a constituent is an argument or a predicate). It is argued that gerundives are verbal. Further, they typically denote complex events. A survey of the constructions in which they occur shows that they are always substantivized, except in a construction type described here as “appositive”. Finally, I propose a semantic analysis of the affix used in the derivation of gerundives and I elaborate on the reasons which make it eligible for this purpose.

 

 

Martin Risnowati et Grangé Philippe : Nominalisations en indonésien :quand l’aspect résiste (p. 235)

 

Resume : L’indonésien est doté d’un riche système d’affixes dérivationnels, le lexique étant constitué de bases qui apparaissent rarement sous leur forme simple (non-affixée). Un même affixe peut généralement s’employer pour construire une forme nominalisée du verbe aussi bien que pour dériver une base nominale, avec un effet de sens analogue. L’opposition verbo-nominale parmi les bases lexicales n’est pas toujours évidente, et l’on aura recours à un test simple pour distinguer les bases verbales; quelques bases demeurent toutefois équivoques, et ce n’est finalement qu’en énoncé qu’elles acquièrent un rôle (prédicatif ou nominal).

Parmi les affixes dérivationnels, nous nous intéressons particulièrement à ceux qui conservent tout ou partie de l’information sur le type du procès : non borné / borné à gauche / borné à gauche et à droite, autrement dit mode de fonctionnement compact / dense / discret ou encore, dans une autre terminologie, états / activités / accomplissements.

On peut classer les noms construits sur une base verbale au moyen suffixe –an en deux catégories : d’une part les noms au mode de fonctionnement dense, comme baca "lire" > bacaan "de la lecture (des textes à lire)", et d’autre part les noms au mode de fonctionnement discret, ex. lukis "dessiner" > lukisan "dessin (œuvre achevée)". Ces derniers peuvent s’opposer aux noms formés par le circonfixe peN– –an, (dense); soit la base didik "éduquer", on construit didikan "éducation (reçue, ce qui a été appris)" versus pendidikan "éducation (activité d’éduquer)". Une telle opposition n’est cependant pas systématique.

Le suffixe –nya forme des noms qui demeurent fortement prédicatifs, ex. tolak "refuser" > ditolak "être refusé" > ditolaknya "le fait qu’a été refusé". L’aspect du procès original (i.e. accompli) “résiste” à la nominalisation au sens où le nom verbal en –nya en porte la trace, ayant obligatoirement un mode de fonctionnement discret.

Les énoncés indonésiens étant souvent dépourvus de marques de temps-aspect-mode, le mode de fonctionnement du nom verbal (compact / dense / discret) indiqué par les affixes de nominalisation –an, peN– –an ou –nya aide à interpréter le type du procès “avant nominalisation” et fournit parfois un indice sur l’aspect d’un autre procès dans l’énoncé.

 

Abstract : Indonesian has a wealth of lexical affixes, and the lexicon consists of bases that rarely occur in their simple form (non-affixed). The same affix may be used with a similar meaning to nominalize a verb or derive a new nominal base. The opposition between nominal bases and verbal bases is not always obvious, thus we will use a simple test to identify the verbal bases. Nevertheless some bases remain ambiguous until they are used in discourse, where they will take on a verbal or nominal role.

Within the class of derivative affixes, we deal with the affixes that retain all or part of the information about the type of process: states / activities / accomplishments or, to use another terminology, compact (continuous unbounded) / dense (continuous bounded) / discrete.

The nouns built on a verbal base with the suffix –an can be divided into two categories: on the one hand, ‘dense’ nouns such as baca "to read" > bacaan "reading matter", and, on the other hand ‘discrete’ nouns, e.g. lukis "to draw" > lukisan "drawing (picture)". The latter category can be contrasted with nouns constructed with the confix peN– –an, (dense); e.g. on the base didik "educate" one forms didikan "education (acquired, learned)" versus pendidikan "education (activity of educating)". However, this type of opposition is not clear-cut for certain nouns.

When a verbal base is nominalized with the suffix –nya, the noun remains chiefly predicative, e.g. tolak "to refuse, rebuff" > ditolak "be refused" > ditolaknya "the fact of being refused". The aspect of the original process (i.e. perfective/completed) “resists” the nominalization, for it is still clearly present in the derived noun, i.e. of a ‘discrete’ type.

As the Indonesian utterances are often without markers of tense, aspect and mood, the type of the noun (compact / dense / discrete) displayed by the nominalization affixes –an, peN– –an or –nya helps in interpreting not only the type of process (before its nominalization) but also, in some cases, the aspect of another verb in the sentence.

 

 

Jezek Elisabetta : Polysemy of Italian Event Nominals (p. 251)

 

Resume : L’article présente une analyse empirique de la polysémie des nominaux événementiels et propose une représentation du phénomène dans le cadre de la théorie des types sémantiques.

 

Abstract : The article presents an empirical investigation of the polysemy of event-denoting nominals and discusses this phenomenon within a semantic type framework.

 

 

Huyghe Richard et Marín Rafael : L’héritage aspectuel des noms déverbaux en français et en espagnol (p. 265)

 

Resume : L’objet de cet article est de déterminer si les noms déverbaux français et espagnols présentent des traces de la valeur aspectuelle de leurs verbes d’origine. Sont d’abord écartées les nominalisations à interprétation concrète qui, en tant que telles, n’expriment pas l’aspect. Dans le cas où les traits aspectuels sont marqués, ils sont souvent fidèles à ceux des verbes de base, bien qu’ils ne soient pas toujours calqués sur eux. Une attention particulière est accordée aux déverbaux d’activités, dont certains, susceptibles de dénoter des événements, impliquent une délimitation temporelle apparemment absente du sémantisme de leur verbe d’origine (e.g. discussion, manifestation). L’argumentation suggère la distinction entre une délimitation intrinsèque et une délimitation extrinsèque des événements.

 

Abstract : The aim of this paper is to determine to what extent French and Spanish deverbal nouns inherit their aspectual value from the verbs they derive from. Leaving aside result nominalizations (those referring to concrete objects), the aspectual features of deverbal nouns are often faithfully inherited (e.g. those related to accomplishment and achievement verbs), yet this is not always the case. In this respect, special attention is devoted to a subclass of nominals related to processive verbs, such as discussion or demonstration, which denote bounded actions unlike their base verbs. In order to explain this phenomenon, a distinction between intrinsic and extrinsic delimitation is proposed.

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