n° 46 : Les langues sinitiques : synchronie, diachronie, typologieRésumés / Abstracts

 

Présentation générale par Marie-Claude Paris et Alain Peyraube (p. 5)

 

1. Etudes synchroniques

Marie-Claude Paris : Panorama des études récentes en syntaxe / sémantique chinoises [An overview of recent studies in Chinese syntax and semantics: an extremely productive quarter of a century (1990-2015)] (p. 9)

Résumé : Cet article brosse un tableau du travail colossal qui s’est accompli durant les vingt, vingt-cinq dernières années dans les domaines de la syntaxe/sémantique/ pragmatique du chinois contemporain. Sous l’étiquette de ‘chinois’, on entend le mandarin et les ‘dialectes’ chinois. Tous les travaux mentionnés sont accessibles aux lecteurs qui ne sont pas spécialistes du chinois.

Abstract : This paper draws a picture of the enormous amount of work carried out during the past twenty, twenty-five years in the fields of syntax, semantics and pragmatics of contemporary Chinese. By Chinese, we mean both Mandarin Chinese and the Chinese ‘dialects’. All the publications mentioned here are accessible to linguists who are not specialists in Chinese.

 

Linda Badan : The left and right peripheries in Mandarin [Les périphéries gauche et droite en mandarin] (p. 23)

Résumé : Cet article traite des périphéries gauche et droite en mandarin, à savoir les positions aux frontières gauche et droite d’une phrase, où les éléments topicalisés et focalisés sont souvent syntaxiquement codifiés. Tout d’abord, cet article vise à introduire et à illustrer l'état de l’art des études concernant la structure informationnelle en linguistique chinoise, puis à décrire comment elle est réalisée aux périphéries gauche et droite. Ensuite, il vise à montrer pourquoi il est nécessaire de distinguer la périphérie gauche de la droite : cette clarification a contribué non seulement à l'étude de la grammaire chinoise, mais aussi à celle d’autres langues.

Abstract : This article deals with the left and right peripheries in Mandarin, which are the syntactic positions located at the left and right edge of a sentence, where topicalized and focalized elements are often syntactically codified. Firstly, this paper aims at introducing and giving the state-of-the-art on the concept of Information Structure in Chinese linguistics studies, and at describing how it is realized at the peripheries of a sentence. Secondly, it aims at showing why it is important to distinguish the left periphery from right periphery and how such a distinction has contributed not only to the study of Chinese grammar, but also to a cross-linguistic investigation of the same type of constructions.

 

Mei Fang : Innovation dans les relatives en chinois standard parlé et écrit [Innovations in Chinese spoken and written relative clauses] (p. 39)

Résumé : On considère généralement que le chinois est une langue SVO (sujet + verbe + objet). Pourtant, les propositions relatives et autres modificateurs nominaux comme les adjectifs sont positionnés devant le nom qu’ils modifient. Cet ordre des constituants est tout à fait exceptionnel pour ce qui est des langues SVO, particularité que n’ont pas manqué de relever les linguistes typologues. A l’aide d’une analyse comparative entre langue écrite et langue parlée, cet article vise à montrer que : (a) le chinois emploie des relatives aussi bien en position post-nominale qu’en position pré-nominale (plus la relative est complexe, plus il est difficile qu’elle trouve sa place devant le nom-tête) ; (b) la position post-nominale des relatives dépend aussi beaucoup du niveau de langue (la langue parlée utilise ainsi un procédé tout à fait innovant qui consiste à utiliser le pronom 他 ‘il/le/lui’ pour introduire la relative qui modifie le nom) ; (c) la position post-nominale des relatives est le résultat d’un déplacement de constituants qui conduit à la création de ‘constituants immédiats précoces’ (Early Immediate Constituents, cf. Hawkins 1994:57).

Abstract : It is generally considered that Chinese is a SVO language (Subject – Verb - Object). Despite this, relative clauses and other nominal modifiers such as adjectives are placed before the noun which they modify. This word order is entirely exceptional for SVO languages, a specific feature which typologists have not missed out remarking upon. With the aid of a comparative analysis between the written and the spoken language, this article aims to show that : (a) Chinese also makes use of relatives in both post-nominal and pre-nominal positions (the more complex a relative clause is, the more difficult it is to place it before the head noun) ; (b) the post-nominal position of the relative clause depends very much as well on the language register (the spoken language employs a completely innovative procedure which consists in using the 3rd person pronoun 他 ‘it’ to introduce the relative modifying the noun) ; (c) the post-nominal position of the relative clause is the result of constituent movement which creates a set of early immediate constituents (Early Immediate Constituents, cf. Hawkins 1994:57).

 

Laurent Prévot, Pierre Magistry & Chu-Ren Huang : Un état des lieux du traitement automatique du mandarin [A survey of Mandarin natural language processing] (p. 51)

Résumé : Le mandarin, ou chinois standard est devenu le centre de toutes les attentions en traitement automatique des langues. Du point de vue scientifique, la quantité de données produites dans cette langue, notamment via les nouveaux moyens de communication, en fait un terrain de jeu privilégié pour le traitement automatique des langues (TAL) et en particulier l’apprentissage automatique. Dans cet article, nous passons en revue les principales tâches du TAL et signalons les difficultés spécifiques au traitement automatique du mandarin. Ces dernières sont intimement liées aux particularités linguistiques de cette langue. Nous espérons ainsi favoriser le dialogue entre les communautés des linguistes et des spécialistes du TAL du mandarin.

Abstract : In recent years, Mandarin (or Modern Standard Chinese) has become the focus of a large body of works in Natural Language Processing (NLP). The large amount of data produced and readily available in this language through new communication channels create a fertile ground for NLP research, especially when relying on machine learning. In this article, we first introduce the NLP main tasks and methods and then give the state of the art in each task for Mandarin Chinese. We underline the challenges that are specific to the processing of this language which are related to the specificity of Mandarin and of the Chinese script. We hope that this piece of research can and will enhance both dialogue and cooperation between the two communities of linguists and NLP practitioners working on Mandarin.

 

2. Etudes diachroniques

Alain Peyraube : Grammaire historique du chinois : développements récents [Historical grammar of Chinese: new developments] (p. 71)

Résumé : L’article discute les recherches récentes des linguistes chinois sur les questions les plus importantes qui ont été débattues ces dernières années en linguistique générale par les spécialistes du changement syntactico-sémantique dans une perspective fonctionnaliste-cognitiviste. Leur point de vue est analysé sur les différentes notions de grammaticalisation, de lexicalisation, de dégrammaticalisation, d’exaptation, de réanalyse et d’analogie, qui ressortissent aux processus internes du changement. En ce qui concerne l’importance des mécanismes externes, et notamment l’emprunt, ou changement grammatical inféré par contact entre langues, la situation a changé. Dans le passé, en effet, la possibilité de causes externes au changement grammatical n’était envisagée que lorsque tous les efforts pour trouver des motivations internes avaient échoué. Depuis une dizaine d’années, les recherches les plus innovantes et les plus prometteuses sur la syntaxe diachronique du chinois concernent sans aucun doute le changement inféré par contact entre langues.

Abstract : This paper discusses the recent research done by Chinese linguists on some of the most hotly debated topics of the past few years concerning syntactico-semantic change, undertaken in a functional-cognitive perspective. It analyses their point of view on such notions as ‘grammaticalization’, ‘lexicalization’, ‘degrammaticalization’, ‘exaptation’, and ‘reanalysis’, as well as ‘analogy’ with respect to internal processes of change, but also for external ones, specifically, borrowing through language contact or contact-induced change. If, in the past, the methodological inclination has been to consider the possibility of external causation only when all other efforts to find an internal motivation have failed, the most recent and innovative research of the past ten years on historical grammar has undoubtedly been on contact-induced change.

 

Redouane Djamouri : Ordre des constituants en chinois ancien : Cas particulier de la place du pronom objet dans les phrases négatives [The order of constituants in archaic Chinese: the place of the object pronoun in negative sentences] (p. 83)

Résumé : L’article traite d’un phénomène syntaxique observable en chinois durant toute la période archaïque (13e s av. J.-C. – 2e s.), à savoir l’apparition en position préverbale du pronom objet dans des phrases négatives. Il est montré qu’à l’époque la plus ancienne (13e-11e s. av. J.-C.) seul l’usage de la négation est permis. Cette négation, qui fonctionne par ailleurs comme copule verbale, permet d’extraire le pronom objet et de former avec lui une phrase clivée. Ainsi retrouve-t-on dans la séquence ‘O’ l’ordre VO qui a de tout temps caractérisé la langue chinoise ; il ne s’agit en aucun cas d’un reliquat OV d’une langue proto-sinitique. Entre le 8e et le 2e s. av. J.-C. la contrainte pour les pronoms-objets d’apparaître en position préverbale dans les phrases négatives s’est étendue à l’ensemble des négations mais s’est appliquée avec plus ou moins de rigueur selon le pronom-objet et la négation. Il est enfin montré que, durant cette période, les pronoms-objets de 1ère et 2e personne apparaissent en position préverbale dans les propositions finies (qu’elles soient principales, indépendantes ou subordonnées). En revanche, dans les propositions dépendantes non-finies (proposition nominalisée, topique propositionnel, proposition adverbiale), ils apparaissent en position postverbal.

Abstract : This article examines the appearance in preverbal position of pronominal objects in negative sentences; this syntactic phenomenon is observable in Chinese throughout all the Archaic period (13th c. BC – 2nd c. AD). It is underlined that in the earlier period (13th – 11th c. BC.) only the use of the negator is permitted in such a structure. , which in other contexts functions also as a verbal copula, allows the extraction of the object pronoun with which it forms a cleft sentence. Consequently, the sequence ‘ O’ reflects the VO order that has always characterized the Chinese language; by no means can it be considered as a vestige of an OV proto-Sinitic order. Between the 8th c. BC and 2nd c. AD, the constraint for pronouns objects to appear in preverbal position extended to all kind of negators but applied unequally according to the pronoun and the negator. It is shown that during that same period, 1st and 2nd person pronominal objects appear in preverbal position within finite clauses (whether they correspond to principal, independent or subordinate clauses), and in postverbal position within non-finite dependent clauses (nominalized clauses, topicalized clauses or adverbial clauses).

 

Guangshun Cao et Hsiao-jung Yu : Revisiting the Studies of Contact Change in the History of the Chinese Language [Etudes sur le changement issu du contact entre langues dans l’histoire du chinois : nouvelles approches] (p. 101)

Résumé : Les études de linguistique historique du chinois ont été longtemps centrées sur les deux mécanismes internes du changement grammatical que sont l’analogie et la grammaticalisation (cf. Peyraube 1991, 1996). Plus récemment, les linguistes chinois ont insisté aussi sur l’importance du mécanisme externe du changement, à savoir l’emprunt par contact entre langues, et les nombreuses études à ce sujet ont marqué une nouvelle direction de recherche dans le domaine de la linguistique historique du chinois. Ces travaux de recherches ont surtout porté sur l’influence des textes bouddhiques pendant la période médiévale (3ème-7ème siècles) et sur les contacts intervenus lors du règne en Chine de la dynastie mongole Yuan (1271-1368). Un nombre important de caractéristiques syntaxiques atypiques ont été identifiées dans les traductions de soutras bouddhiques, ainsi que dans la langue vernaculaire des Yuan et plusieurs hypothèses ont été formulées sur la nature de ces langues. Cet article reprend et discute ces hypothèses afin d’analyser les processus qui ont conduit à l’apparition, au maintien et à la disparition de ces phénomènes syntaxiques atypiques dans la langue chinoise. Nous examinerons aussi les différents facteurs qui ont motivé ces changements, ainsi que les distinctions qui peuvent être constatées dans le phénomène de contact entre langues, dues à des situations différentes.

Abstract : For quite a long period, the studies on historical Chinese grammar have been focused primarily on the two internal mechanisms, i.e. analogy and grammaticalization (see Peyraube 1991, 1996). More recently, Chinese linguists have increasingly looked upon external factors, and now the issue of language contact and the development of Chinese has become a new research direction in the field of historical Chinese linguistics. Almost all of these research work centered on the contact situations involving Buddhist influence during the Medieval Period (3rd-7th c.) and the Mongolian conquest of China (1271 to 1368). A number of atypical syntactic features have been identified in translated Chinese Buddhist sutras and the Yuan baihua (Yuan dynasty colloquial language); some hypotheses have been elaborated upon with regard to the nature of the language. In this study, we have further discussion on the process and mechanisms motivating the appearances, sustainability, and disappearance of these unusual features in Chinese. We also examine the various modes by which these linguistic features emerged in Chinese as well as point out the distinctiveness observed in contact and change in the Chinese language.

 

Dandan Chen : Language contact and language change: Special syntactic features related to word order in Yuan Baihua [Langues en contact et changement linguistique : traits syntaxiques particuliers concernant l’ordre des mots dans la langue parlée des Yuan] (p. 115)

Résumé : Un des traits syntaxiques particuliers de la langue parlée des Yuan (13ème – 14ème siècles) concerne l’ordre des mots, qui est différent de l’ordre des mots standard du chinois, en synchronie aussi bien qu’en diachronie.

Le présent article examine cet ordre des mots spécial, analyse et discute la nature de la langue parlée des Yuan et étudie les raisons de l’apparition de cet ordre des mots singulier. L’article tâche de montrer que ces traits syntaxiques particuliers sont le résultat d’interférences des locuteurs mongols natifs lorsqu’ils s’expriment en chinois. Dans la recherche sur les langues en contact, il est toujours important d’identifier les groupes qui sont à l’origine du changement linguistique. Ils exercent en effet une influence sur les mécanismes et le résultat du changement linguistique.

Abstract : One of the special syntactic features of Yuan baihua (13th – 14th centuries CE) is its word order, which is distinct from that of the Chinese language. This paper examines the special syntactic features related to word order, and analyzes and discusses the nature of Yuan baihua’s distinctive word order and the reasons for its emergence. This paper claims that these special syntactic features appeared as a result of interference from the Mongolian speakers’ native language in their Chinese language production. In language contact research, it is very important to identify the people group that initiated the language change, as this has a significant impact on the mechanisms and results of language change.

 

3. Etudes typologiques

Hilary Chappell : Vers une nouvelle typologie des langues sinitiques [Towards a new typology of Sinitic languages] (p. 131)

Résumé : Cet article présente un survol des développements les plus récents en typologie des langues sinitiques (chinoises). On inclut ici la morphologie fusionnelle ainsi que le ton grammatical, sujets qui ont été insuffisamment traités dans les analyses structuralistes traditionnelles, focalisées sur le mandarin standard. En raison de l’intérêt croissant pour une réévaluation précise des principales caractéristiques typologiques des langues sinitiques, appelées de façon erronée «dialectes chinois», un grand nombre de descriptions attribuées à des d’alternances morphologiques inattendues sont en fait quasi-inflectionnelles, en particulier dans le domaine de la morphologie verbale. On propose aussi une caractérisation plus fine des aires linguistiques en Chine. Les problèmes théoriques de la grammaticalisation sont soulevés en relation avec ceux de l’érosion phonétique et des alternances tonales.

Abstract : This article provides an overview of the most recent developments in research on the typology of Sinitic (Chinese) languages. These include analysis of fusional morphology and grammatical tone, subjects which have largely been overlooked in traditional structuralist studies, mainly focussing on Standard Mandarin. With the increasing interest in accurately re-evaluating the major typological characteristics of Sinitic languages, also known erroneously as 'Chinese dialects', a large number of descriptions pertaining to unusual morphological alternations have become available that appear to be quasi-inflectional in nature, particularly with respect to verb morphology. A refinement of linguistic areas in China is also proposed, while theoretical problems in grammaticalisation are raised that are similarly related to the issue of phonetic erosion and tonal alternations

 

Christine Lamarre : Langues sinitiques et typologie : deux études de cas [Sinitic languages and typology: two case studies] (p. 143)

Résumé : Les avancées de la recherche sur la variation interne aux langues sinitiques restent assez peu accessibles en langues occidentales et largement ignorées des travaux de typologie. Nous montrons ici que leurs résultats peuvent pourtant parfois nuancer une vision des langues sinitiques trop souvent fondée sur un chinois standard analysé sous sa forme écrite. Nous examinons d’abord la dérivation diminutive, et certaines formes verbales «fléchies», qui relativisent nos certitudes sur le chinois «langue isolante». Les phénomènes d’alternance tonale ou vocalique, par exemple, placent les dialectes où elles se produisent assez haut dans l’échelle proposée par Bickel & Nichols (2005, 2007) pour mesurer la fusion phonologique de la base et du formant. Quant au deuxième cas traité, celle du statut du chinois dans la typologie de l’expression des événements de déplacement (Talmy 2007), l’examen de la position respective du nom patient et du directionnel, susceptible de varier selon la langue sinitique envisagée, fait apparaître une tendance plus marquée au cadrage satellitique au nord qu’au sud. Dans les deux cas, la langue standard manifeste sa nature composite de koïné, qui aboutit à éliminer les formes marquées en simplifiant des marques morphologiques trop complexes, ou laisse coexister plusieurs variantes plus ou moins redondantes, quitte à réallouer à certaines d’entre elles une valeur plus spécialisée (Trudgill 1986).

Abstract : Most of the data brought on by research on Sinitic languages remain widely ignored by typological studies, which still heavily rely upon works on Standard written Mandarin. We show here how research on non-standard Chinese is likely to give a slightly different picture of Chinese typological characteristics. Our first case study deals with diminutive derivation and inflected forms of the verb, which question our general view of Chinese as an analytical, isolating language. Tonal alternation or vocalic alternation, for instance, put the Sinitic languages where they occur quite high up the scale of phonological fusion of formatives to their host, as proposed in Bickel & Nichols (2005, 2007). The second case study deals with the status of Chinese in Talmy’s typology of motion events. We suggest through an investigation of cross-dialectal variation in the relative position of patient NP and directionals that southern Sinitic is less neatly “satellite-framed” than northern Sinitic. In both cases, we can observe phenomena which characterize dialect contact and koinéization (described in Trudgill 1986) such as levelling, elimination of marked forms, and reallocation.

 

Weirong Chen & Fuxiang Wu : Phonological reduction and grammaticalization: Examples from the Southern Min dialect of Hui’an [Réduction phonologique et grammaticalisation: exemples dans le dialecte de Hui’an, Min-sud] (p. 165)

Résumé : Peu de recherches ont été effectuées jusqu’à présent sur le phénomène de réduction phonologique impliqué dans le processus de grammaticalisation dans les langues sinitiques. Cet article discute de nombreux exemples de réduction phonologique liés clairement à la grammaticalisation dans le dialecte Hui’an du groupe Min-méridional. L’analyse est aussi comparative entre le dialecte de Hui’an et d’autres langues sinitiques, et notamment le Mandarin. Nous avons mis au jour trois types de réduction phonologique qui interviennent dans le mécanisme de grammaticalisation : l’érosion segmentale, la réduction tonale et la fusion syllabique. Dan l’érosion segmentale, les segments à l’initiale ou en finale d’une syllabe qui est un item grammaticalisé sont effacés. Il y a aussi deux catégories de réduction tonale : utilisation d’un ton neutre ou d’un sandhi tonal pour les morphèmes grammaticaux. Nous avons également montré que la grammaticalisation n’est sans doute pas le seul facteur qui conduit à la neutralisation tonale et à la fusion syllabique des éléments grammaticaux dans le dialecte de Hui’an. Ces derniers sont aussi affectés par leur position dans la phrase et par des facteurs d’ordre sémantique. C’est là une situation différente du Mandarin. Nous concluons aussi que la neutralisation tonale des morphèmes grammaticaux intervient surtout au cours des dernières étapes du processus de grammaticalisation.

Abstract : Little research has been done to systematically study phonological reduction involved in grammaticalization in Sinitic languages. In this paper, we attempt to show ample examples of phonological reduction which are clearly related to grammaticalization in the Southern Min dialect of Hui’an. A comparison between the Hui’an dialect and other Sinitic languages such as Mandarin Chinese is also made. Our findings reveal three types of phonological reduction involved in grammaticalization: segmental erosion, tone reduction and syllable fusion. In terms of segmental erosion, both the initial and final segment of a grammaticalized item can be lost. There are two kinds of tone reduction involving grammaticalization: (a) using neutral tone and (b) using tone sandhi for grammatical morphemes. We also found that grammaticalization seems not to be the only factor for tone neutralization and syllable fusion of grammatical morphemes in Hui’an, which are also affected by their positions and semantic focus. This is different from Mandarin Chinese. Our findings also suggest that tone neutralization of grammatical morphemes tends to occur at the later stages of grammaticalization paths.

 

Chinfa Lien : Imperative Negatives in Earlier Southern Min and their Later Development [Les marqueurs de négation dans les impératives dans l’histoire du Min méridional et leurs développements] (p. 187)

Résumé : L’article traite de la formation des marqueurs de négation dans les impératives et de ses développements dans le Min méridional. Une première distinction est opérée, pour faciliter la discussion, entre marqueurs fusionnels et marqueurs non fusionnels. Le marqueur fusionnel boh8 莫 était déjà attesté vers le milieu du 16ème siècle. Un examen attentif des documents de différentes époques montre bien que ce marqueur boh8 莫 a été progressivement remplacé par un nouveau marqueur : mai3殰. L’article étudie ensuite différents candidats qui auraient pu être la source de la formation du nouveau marqueur de la négation modale prohibitive et conclut que mai3殰 est assurément le meilleur candidat qui a été à l’origine des impératives négatives.

Abstract : This paper deals with the formation of negative imperatives in Southern Min and their later developments. A distinction between non-fusional and fusional negative words is drawn to facilitate the discussion of the development of negative imperatives. The fusional negative word boh8 莫 for negative imperatives was attested as early as the mid-sixteenth century. The textual evidence shows that a wide domain claimed by the earlier negative word boh8莫 has been gradually shifted to the newly rising mai3殰. I have examined the different candidates as a source for the formation of the newly rising negative word as a marker of prohibitive mood and propose that mai3殰 may be a better candidate for the generation of negative imperatives.

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