Résumés / Abstracts
Elizabeth Zeitoun : Présentation générale (p. 5)
1. Linguistique des langues austronésiennes : cadre géographique, historique et typologique
Elizabeth Zeitoun : Les langues austronésiennes : situation géo-linguistique (p. 11)
résumé : Nous abordons dans cette article la distribution géographique des langues austronésiennes par grandes aires régionales. Nous faisons ensuite un bref historique des études comparatives austronésiennes avant de rendre compte des problèmes classificatoires et de retracer les grands parcours migratoires des populations austronésiennes. Nous terminons par une ébauche succincte des principaux traits linguistiques qui caractérisent cette famille de langues, en référence au proto-austronésien.
abstract : In this paper, we first deal with the geographical distribution of the Austronesian languages focusing on large regional areas. We then make a brief historical statement on Austronesian comparative studies before giving an account of classificatory problems and retracing the migrations of the Austronesian peoples. We conclude this article with a succint description of the major linguistics traits that characterize this language family, in reference to Proto-Austronesian.
Sagart Laurent: La parenté des langues austronésiennes (p. 23)
résumé : Il est proposé que la famille des langues austronésiennes est génétiquement apparentée à la famille sino-tibétaine. Comme nous ne disposons pas d'une reconstruction adéquate du proto-sino-tibétain, la comparaison repose essentiellement sur le chinois archaïque d'une part (vers 2500 avant le présent) et le proto-austronésien d'autre part (vers 5500 avant le présent). Des formes tibéto-birmanes qui semblent apparentées sont également présentées de façon non-systématique. Les preuves de cette parenté sont phonologiques (79 comparaisons avec correspondances phonétiques reliant la dernière syllabe des mots austronésiens et les racines monosyllabiques chinoises; lexicales (plus de 10% de la liste de 100 mots de Swadesh) et morphologiques (trois des principaux marqueurs de "focus" austronésien sont reliés à différents affixes sino-tibétains). L'ancêtre commun aurait été parlé vers 8000 avant le présent en Chine du nord, dans la vallée du Huang He, par des populations ayant domestiqué le riz et le millet, céréales dont les noms sont par ailleurs communs aux deux groupes de langues.
Abstract : It is proposed that the Austronesian family of languages is genetically related to the Sino-Tibetan family. Since an adequate reconstruction of Sino-Tibetan is not available, the demonstration relies essentially on a comparison of Old Chinese (ca. 2500 BP) and proto-Austronesian (ca. 5500 BP). Apparently cognate Tibeto-Burman forms are presented in a non-systematic way. Evidence is phonological (79 comparisons with sound correspondences relating the final syllable of Austronesian words with Chinese monosyllabic roots, lexical (over 10% matches on Swadesh's 100-word list), and morphological (three of the main Austronesian focus markers are shown to have counterparts in Sino-Tibetan). The ancestral language is identified as the speech of the early millet and rice farmers in the Huang He Valley of northern China ca. 8000 BP. Austronesian and Chinese terms for millets and rice are shared, with sound correspondences.
Elizabeth Zeitoun : Typologie des langues austronésiennes de Taïwan (p. 41)
résumé : Cette étude, qui se veut volontairement descriptive, donne un aperçu de certaines caractéristiques phonologiques, morphologiques et syntaxiques des langues austronésiennes de Taïwan. L’attention se porte tout d’abord sur les inventaires phonémiques (relativement simples) des langues formosanes et les alternances morphophonémiques (beaucoup plus complexes). Sont ensuite décrits deux processus morphologiques majeurs, l’affixation et la réduplication. Le reste de l’article est consacré à une description syntaxique qui conduit à de courtes discussions sur l’ordre des mots, les noms (et les syntagmes nominaux), les verbes (et les syntagmes verbaux), et les autres types de propositions. En ce qui concerne les noms, nous nous intéressons d’abord aux pronoms, puis à la structure syntaxique des syntagmes nominaux et enfin au système de particules casuelles. Pour ce qui est des verbes, nous donnons un aperçu des classes verbales, du système focal, aspectuel et modal. Les autres types de propositions incluent les propositions existentielles (nous montrons que dans la majorité des langues, elles sont identiques aux propositions possessives et locatives), les propositions négatives (le marqueur de négation apparaît généralement en tête d’énoncé), les phrases interrogatives et les subordonnées temporelles, hypothétiques et contrefactuelles (qui partagent des caractéristiques communes tant au niveau sémantique qu’au niveau morpho-syntaxique).
abstract : This study, voluntarily descriptive, gives an overview of certain phonological, morphological and syntactic characteristics of the Austronesian languages of Taiwan. Attention is first drawn on the (relatively simple) phonemic inventories of the Formosan languages and the (much more complex) morphophonemic alternations. Two major morphological processes (affixation and reduplication) are investigated in a following section. The rest of the article deals with a syntactic description that leads to short discussions on word order, nouns (and noun phrases), verbs (and verb phrases) and other types of propositions. Regarding nouns, we provide a description of pronouns ; we deal with the syntactic structure of noun phrases and give an overview of the system of case markers. As for verbs, we give a sketch of verbal classes and of the focal, aspectual and modal system. The other types of propositions include existential propositions (which are shown to be identical to possessive and locative propositions in most languages), negative propositions (the negative marker usually occurs in initial position), interrogatives sentences and temporal, hypothetical and conterfactual adverbial clauses (which are found to share in common not only semantic but also morpho-syntactic characteristics).
Lawrence Reid & Hsiu-chuan Liao : Typologie syntaxique des langues des Philippines (p. 59)
résumé : Cette étude donne un bref aperçu de certaines structures syntaxiques des langues des Philippines. Elle se situe dans le cadre théorique Lexicase, dans le but d’obtenir une description homogène des exemples cités et se penche sur trois aspects principaux : l’ordre des mots, la structure des propositions prédicationnelles verbales et celle des syntagmes nominaux. Est d’abord passé en revue l’ordre des mots dans les propositions prédicationnelles verbales et non verbales; sont ensuite examinés les compléments, pronominaux et non pronominaux, les constituants topicalisés et les verbes auxiliaires. Puis vient une discussion des critères morphologiques permettant de déterminer la transitivité syntaxique des phrases verbales; nous parvenons à la conclusion que l’affixation verbale seule ne représente pas un critère suffisant pour en permettre l’identification. L’attention se porte ensuite sur la notion de "focus", avec un rejet du concept de voix comme explication de ce phénomène : les diverses formes transitives sont décrites comme porteuses de traits sémantiques qui indiquent la façon dont un verbe est instancié en relation avec le GN nominatif. Finalement, la structure des syntagmes nominaux est décrite. Les relations casuelles des déterninants marquées au niveau morphologique incluent le Génitif, le Locatif, et dans certaines langues, l’Oblique; nous considérons que dans la plupart des langues, le Nominatif est marqué uniquement par l’ordre des mots. Les traits d’accord sémantiques des déterminants comprennent la distinction entre noms communs/noms personnels, la définitude, la spécificité, la référence spatiale et la pluralité. Nous terminons sur une discussion des statégies morpho-syntaxiques dans l’élaboration des relatives.
Abstract : This paper is a brief statement of the typological characteristics of the syntactic structures of Philippine languages. It utilizes a lexicalist theoretical framework to provide comparability among the examples cited. It focuses on three main aspects : word order, structure of verbal predicational clauses and structure of noun phrases. The word order of both verbal and non-verbal predicational sentences is examined, with an emphasis on the distribution of pronominal and non-pronominal complements, topicalized constituants, and auxiliary verbs. The morphological criteria for determining the syntactic transitivity of verbal sentences is further discussed, concluding that verbal affixation alone is an insufficient criterion. Attention is paid to the notion of "focus", with rejection of the concept of "voice" as an explanation for the phenomenon : the various forms of syntactically transitive are here described as carrying semantic features, marking the manner of their instantiation with reference to the Nominative NP. Finally, the structure of noun phrases is described. Morphological case marking of NPs by Determiners is claimed for Genitive, Locative, and for some languages, Oblique NPs; it is assumed that for most languages, Nominative full NPs are case marked only by word order. Semantic agreement features distinguishing forms of Determiners for common vs. personal, definiteness, specificity, spatial reference, and plurality of their head nouns are also described as well as relative clause formation strategies.
Malcolm Ross : Typologie morpho-syntaxique des langues océaniennes (p. 71)
résumé : Cet article a pour but de décrire certaines caractéristiques morpho-syntaxiques communes à une majorité de langues océaniennes. À travers la variété typologique des langues océaniennes, l’auteur définit un type de langues "canoniques" qui est aussi bien représenté au niveau généalogique que géographique. Ces langues ont des prépositions et l’ordre des mots y est SVO. Les sujets sont marqués par un préfixe ou un proclitique sur le verbe, les objets co-réfèrent avec un suffixe ou un enclitique. Les verbes se divisent souvent en deux catégories morphologiquement apparentées, l’une transitive, l’autre intransitive. Dans certaines langues, ces verbes se sous-divisent en deux classes : les verbes agentifs et les verbes patientifs. Dans le cas des verbes agentifs, les sujets de verbes intransitifs et transitifs sont acteurs. Dans celui des verbes patientifs, les sujets de verbes intransitifs sont des patients; ils correspondent aux objets des verbes transitifs. La morphologie (dé)transitivante des langues océaniennes est décrite à l’issue de cette discussion des classes verbales.
La possession dans les langues canoniques est marquée par deux constructions distinctes, l’une directe, l’autre indirecte. La construction directe encode la possession inaliénable, tandis que la construction indirecte (qui contient un classificateur possessif) marque la possession aliénable.
Cet article se termine par une discussion des relations interclausales dans les langues canoniques. Les propositions adverbiales et complétives ne sont presque jamais "dé-verbalisées". Enfin, il est montré que la fonction des sujets dans la plupart des langues canoniques est sémantique et non pas pragmatique.
Abstract : The main goal of this paper is to describe some morphosyntactic characteristics that are common to a majority of Oceanic languages. Amidst the typological variety of Oceanic languages, the author defines a "canonic" language type, i.e. a type which is widely represented both genealogically and geographically. This type is SVO and has prepositions. Subjects are coreferenced by a prefix or proclitic to the verb, objects by a suffix or enclitic. Verbs often fall into morphologically related pairs with a transitive and an intransitive member. In some languages these verb pairs in turn fall into two classes. With A-verbs, the subject of both members is the Actor. With U-verbs, the subject of the intransitive is the Undergoer, i.e. it corresponds to the object of the transitive. Against this background the (de)transitivising morphology of Oceanic languages is described.
Possession in the canonic language type takes two forms, direct and indirect. The direct construction encodes inalienable possession, the indirect (which entails a possessive classifier) encodes alienable possession.
The paper finishes with a discussion of interclausal relationships in canonic languages. Adverbial and complement clauses display little desententialisation. It is also suggested that subjects in canonic languages generally have only a semantic function, not a reference-tracking function.
Stanley Starosta: Transitivité et ergativité dans les langues austronésiennes (p. 87)
résumé : Cet article se propose de définir les notions de transitivité et de marquage casuel (ergativité vs. accusativité) dans le cadre théorique de Lexicase et d’appliquer ces définitions à neuf langues austronésiennes géographiquement disséminées : le tsou, le tagalog, le melayu betawi, l’aceh, le chamorro, le marshallais, le nêlêmwa, le fidjien et le samoan. Les conclusions auxquelles nous parvenons sont les suivantes : (i) une proposition avec un seul argument n’est pas forcément intransitive, (ii) pour déterminer si une langue est ergative, il faut d’abord s’intéresser à la transitivité, (iii) étendre la notion d’ergativité en dehors du champ du marquage casuel ne se justifie pas grammaticalement et rend l’analyse plus complexe et moins fiable, seule une théorie explicite et contrainte pouvant capturer des généralisations spécifiques (à une langue donnée) et typologiques.
Abstract : This article will discuss the question of transitivity and basic case marking typology (ergativity vs. accusativity) within the theoretical framework of Lexicase, and apply the results in the discussion of these two topics in nine geographically scattered Austronesian languages : Tsou, Tagalog, Melayu Betawi, Acehnese, Chamorro, Marshallese, Nêlêmwa, Fijian and Samoan. The following conclusions are reached : (i) one argument does not mean intransitivity, (ii) determining ergativity is primarily a matter of determining transitivity, (iii) extending the notion of ergativity to other domains of the grammar ("syntactic ergativity") is grammatically unmotivated and only makes the determination more complex and inconclusive, knowning that only a constrained and explicit theory can capture language-internal and cross-linguistic generalizations.
Nicolas Ossart : Les systèmes de numération dans les langues austronésiennes (p. 107)
résumé : Le but de cet article est d’apporter un bref aperçu des différents systèmes de numération utilisés dans certaines langues austronésiennes, de réfléchir au système de numération en Proto-Austronésien et enfin de décrire le fonctionnement et l’usage des chiffres dans ces langues. La grande majorité des langues austronésiennes utilise un système décimal "pur" (i.e., il suffit de connaître les chiffres de 1 à 10 et éventuellement les puissances de 10 pour former tous les autres nombres) ou "modifié" (i.e., modifications lexicales ou structurelles dans certaines unités ou dizaines). Les langues n’utilisant pas de système décimal se situent quasi-essentiellement dans le groupe malayo-polynésien oriental et ont des systèmes vigésimaux, quinaires ou mixtes. Le biem (Nouvelle-Guinée du Nord) est la seule langue austronésienne recensée exhibant un système pur de base 4. Selon R. Blust, le Proto-Austronésien utilisait un système décimal mais l’étude de la numération dans les langues de Taiwan, et plus précisément dans celles éteintes ou moribondes de l’ouest de l’île, laisse supposer l’existence d’un ancien système quinaire. L’étude du fonctionnement des chiffres à travers différents exemples montre que si la majorité des langues placent le nombre de manière uniforme soit avant soit après le nom, il en existe certaines (par ex. le nemi) qui n’ont pas d’ordre précis tandis que d’autres utilisent des classificateurs pouvant rendre complexe la structure de la phrase numérale.
Abstract : The purpose of this article is to provide an overview of different numeral systems in some Austronesian languages, to reflect upon Proto-Austronesian numeral system and to describe the distribution and use of numerals in these languages. Most Austronesian languages make use of a decimal system, which can be "pure" (the knowledge of the numbers from 1 to 10 permits to form all the other higher numbers) or "modified" (lexical or structural modifications in certain numerals). Some languages belonging essentially to the Eastern-Malayo-Polynesian group exhibit vigesimal, quinary, binary or mixed systems. The Biem language (North New Guinea) is the only reported Austronesian language that makes use of a pure 4-base system. According to R. Blust, the numeral system of Proto-Austronesian was decimal, but this hypothesis is challenged by our study of the numeration of Formosan extinct or moribund languages of the Western plains, that shows traces of an earlier quinary system. Our study of the distribution and use of numerals shows that if most of the Austronesian languages exhibit a strict word order (the numeral usually occurs before or after the noun), some languages (for instance, nemi) don’t have any defined order, while others make use of classifiers that make the structure of the numeral constituent even more complex.
2. Études grammaticales
K. Alexander Adelaar : Le siraya : interprétation d’un corpus datant du 17ème siècle (p. 123)
résumé : Ce article est une introduction à la langue siraya (Taïwan) comme elle se révèle à travers les textes liturgiques du 17ème siècle. Y sont discutées en détail deux caractéristiques saillantes de la typologie du siraya, à savoir : les "préfixes lexicaux" et les mots redoublés. Les "préfixes lexicaux" semblent devoir leur origine à des segments initiaux formels du verbe lexical (généralement la première syllabe, les deux premières syllabes ou la première consonne) qui sont préfixés à l’auxiliaire dans les constructions verbales composées. Les mots redoublés sont classés en cinq types principaux, chacun desquels a ses propres sous-formes et son propre sens : réduplication monosyllabique, réduplication disyllabique, réduplication de la dernière syllabe (ou des dernières syllabes), reduplication Ca- et reduplication CV-. Cet article traite aussi des problèmes liés à l’orthographe, la diversité dialectale et la présence d’emprunts chinois, philippins et indonésiens en siraya.
abstract : This paper is an introduction to the Siraya language (Taiwan), as it reveals itself through 17th century liturgical texts. It discusses in detail two important characteristics of Siraya typology, "lexical prefixes" and reduplication. "Lexical prefixes" seem to have their origin in initial formal segments of the lexical verb (usually a first syllable, the first two syllables or a first consonant) which were prefixed to the preceding auxiliary in complex verb constructions. There are five patterns of reduplication, each of which exhibits its own meaning and subforms : monosyllabic reduplication, disyllabic reduplication, reduplication of the last syllable(s), Ca- reduplication and CV- reduplication. This paper also deals with orthography, dialectal diversity and the presence of Chinese, Philippine and Indonesian loan words in Siraya.
Françoise Ozanne-Rivierre & Jean-Claude Rivierre : Évolution des formes canoniques dans les langues de Nouvelle-Calédonie (p. 141)
résumé : La plupart des unités reconstruites en proto-océanien (poc) sont dissyllabiques et de type *cvcv(c). Dans les langues du nord de la Nouvelle-Calédonie, l’évolution des types canoniques est liée à la catégorie grammaticale des mots :
— Noms indépendants, verbes intransitifs ou verbes statifs se terminent généralement par une syllabe couverte. La consonne finale de mot provient soit du maintien de l’ancienne consonne finale (poc *cvcvc > cvcvc), soit de la chute de l’ancienne voyelle finale (poc *cvcv > cvc).
— Noms inaliénables à déterminant possessif obligatoire et verbes transitifs se terminent généralement par une syllabe ouverte résultant soit de la perte de l’ancienne consonne finale (poc *cvcvc > cvcv), soit de la conservation de l’ancienne voyelle finale (poc *cvcv > cvcv).
À l’échelle de l’archipel, un drift vers des syllabes finales ouvertes est néammoins repérable, aussi bien en certains points de l’aire nord que dans l’ensemble des langues du sud où les formes poc mentionnées ci-dessus sont reflétées exclusivement par cv ou cv(c)v.
Parallèlement à cette usure de la finale des mots on observe le renforcement de leur initiale. Ce renforcement a pris des formes diverses selon les langues :
— Renforcement de C1 par chute de la voyelle prétonique (développement de consonnes géminées ou de consonnes pré- et post-nasalisées).
— Épenthèses (y- devant *a initial dans les langues du nord, *w- > kw- dans les langues du sud).
Renforcement de spirantes nasales en occlusives nasales dans les langues de l'extrême-sud.
Abstract : Most reconstructed items in Proto-Oceanic (poc) are dissyllabic and *cvcv(c). In the languages of northern New-Caledonia, the evolution of canonical types is related to the syntactic category of words :
— Independant nouns and intransitive or stative verbs generally end with a closed syllable. The word final consonant comes either from the retention of the original final consonant (poc *cvcvc > cvcvc), or from the loss of the original final vowel (poc *cvcv > cvc).
— Inalienable nouns with obligatory possessive modifiers and transitive verbs generally end with an open syllable resulting either from the loss of the original final consonant (poc *cvcvc > cvcv), or the retention of the original final vowel (poc *cvcv > cvcv).
However, considering all the languages of New-Caledonia, a drift towards open final syllables is noticeable in some northern languages as well as in all southern languages where the above mentioned poc forms are reduced to cv or cv(c)v.
Parallel to the attrition of the word-final syllable, a strengthening of the word-initial is observable. Such strengthening has various forms according to the language :
— Strengthening of C1 by pretonic vowel loss (development of geminated consonants or pre- and post-nasalised consonants).
— Epenthesis (y- before initial *a in northern languages, *w- > kw- in southern languages).
— Strengthening of nasal spirants into occlusive stops in the languages of the far South.
Tien-hsin Hsin : Asymétrie des procédés d’affixation en maga rukai (Taïwan) (p. 155)
résumé : Les préfixes et les suffixes du maga rukai (Taïwan) sont sujets à différents procédés phonologiques (modification de la structure syllabique, assimilation vocalique, alternations des voyelles hautes). Les différences observées dans cet article confirment une généralisation qui a été postulée pour de nombreuses autres langues, à savoir que les préfixes sont des morphèmes indépendants tandis que les suffixes ont une relation beaucoup plus proche et fusionnelle avec les racines. L’interaction des voyelles hautes dans les formes (verbales) subjonctives avec une voyelle basse adjacente mène à une discussion sur l’infixation, où deux opérations phonologiques (celle de la formation des semi voyelles et celle de la fusion vocalique) co-existent et concourrent, produisant des formes variantes. Pour résoudre les contextes où plus d’une règle est applicable (formation des semi voyelles, fusion vocalique et incorporation nucléaire), nous suggérons que ces règles doivent être ordonnées. L’interaction entre la réduplication et l’affixation est examinée et il est montré que la réduplication se produit avant l’affixation.
Abstract : Prefixes and suffixes occurring in Maga Rukai (Taiwan) are shown to undergo different phonological processes (prosodic parsing, vowel height assimilation and high vowel alternations). These differences substantiate the general assumption that prefixes are independent from stems, while suffixes and stems are in a closer, more compositional relationship. The interaction between high vowels and the low vowel /a/ in subjunctive (verbal) forms leads to the discussion on infixation, whereby two phonological operations, Glide Formation and Fusion, appear to co-exist and compete, producing alternative variants. An ordering among these different phonological rules is proposed to deal with the problems that arise from contexts where Glide Formation, Fusion and Nucleus Incorporation are found. Finally, the interaction between reduplication and affixation is examined. It is shown that in this particular dialect, reduplication occurs prior to affixation.
K. Alexander Adelaar : À la recherche d’affixes perdus en malais (p. 165)
résumé : Cet article essaie de démontrer, à travers l’application simultanée de la méthode comparée et d’une "reconstruction interne", l’existence de deux morphèmes qui n’ont survécu que de façon fossilisée dans les variétés malaïques modernes. L’un est le préfixe *ba- qui ajoute la notion de "quelqu’un qui fonctionne ou se comporte comme [racine]" aux racines qui signifient une terme de parenté. L’autre est la ligature *N, qui existe encore dans d’autres langues austronésiennes mais qui, jusqu’à présent, avait été considérée comme absente dans les langues malaïques. Elle se manifeste néanmoins dans quelques substantifs et l’on peut supposer que ceux-ci faisaient originellement partie de noms complexes où les constituants étaient liés par *N. Après la suppression du deuxième constituant, la ligature *N a été réinterprétée comme faisant partie intégrale du premier.
abstract : This paper attempts to show, through the combined application of the comparative method and an internal reconstruction, that two morphemes have remained only through fossilized forms in a variety of modern Malayic languages. The first is the prefix *ba- which added the notion of "someone who functions or behaves as [root]" to roots that referred to a kinship term. The second is the ligature *N. This ligature still exists in other Austronesian languages but until now, it had been regarded as non-existent in the Malayic languages. However, it occurs in some nominals and it seems that these were originally part of nominal compounds where the two constituents were linked by *N. After the deletion of the second component, the ligature *N was reinterpreted as an integral part of the first component.
Alexandre François : La réduplication en mwotlap : les paradoxes du fractionnement (p. 177)
résumé : La tendance des langues autronésiennes à doter la réduplication d’une valeur grammaticale est particulièrement développée en mwotlap (Vanuatu). Si la morphologie de la réduplication peut se réduire à quelques principes simples, en revanche ses nuances sémantiques révèlent quelques paradoxes. Ainsi, certains noms acquièrent un sens pluriel, mais d’autres forment ainsi leur diminutif. De même, la réduplication des verbes, même si elle code souvent, de façon iconique, la notion de pluralité (actants pluriels, et plus généralement "pluractionalité"), est aussi employée chaque fois qu’un procès est perçu comme aspectuellement non-borné (progressif, atélique, conatif; objet incorporé; noms déverbaux). C’est un paradoxe sémantique, qu’un même moyen morphologique puisse signifier à la fois "plusieurs unités" et "moins d’une unité complète"; nous proposons de l’interpréter à travers la notion de "fragmentation notionnelle".
Abstract : The tendency of Austronesian languages to use root reduplication as a grammatical device was considerably developed in Mwotlap (Vanuatu). If the morphology of reduplication can be reduced to a few regular principles, understanding its semantics reveals more subtle paradoxes. Thus, certain nouns acquire a plural meaning, but others become diminutive forms. Likewise, the reduplication of verbs often iconically encodes plurality (plural arguments, and more generally "pluractionality"), but it is also required whenever an event is seen as aspectually unbounded (progressive, atelic, conative predicates; object incorporation; deverbal nouns). Such a semantic paradox — i.e., the same formal device serves to encode both "more than one unit" and "less than one full unit" — is tentatively accounted for by the concept of "notional fragmentation".
Peter Austin : Les clitiques du sasak (Indonésie de l’est) (p. 195)
résumé : Le sasak, langue austronésienne parlée sur l’île de Lombok en Indonésie de l’est, emploie des clitiques simples, des clitiques spéciaux et des mots-clitiques liés. Les clitiques spéciaux encodent les marques de personne et de nombre des acteurs et patients (avec des différences dialectales notables); les mots-clitiques marquent des catégories auxiliaires variées incluant l’aspect, la modalité et la polarité. Les mot-clitiques occupent la deuxième position (dite "position Wackernagel") dans la proposition; les clitiques spéciaux acteurs suivent le premier hôte disponible. Dans les constructions focales, les éléments focalisés apparaissent sur la périphérie gauche (avec différentes permutations d’ordre des mots) et peuvent être disloqués par les clitiques. Une analyse des combinaisons possibles de l’ordre des mots dans le cadre de la théorie de l’Optimalité rend compte des violations de ces contraintes hiérarchiques qui reflètent le statut phrastique et pragmatique (focal) des constituants.
Abstract : Sasak, an Austronesian language spoken on the island of Lombok in eastern Indonesian, shows simple clitics, special clitics and word-level clitics. Special clitics code person-number of actors and undergoers (with significant dialect differences) and word-level clitics code various auxiliary aspect/mood/polarity categories. Word-level clitics occupy the second position (Wackernagel position) in the clause, and the actor special clitic follows the first available host. In focus constructions, the focused element occurs on the left periphery of the clause (with various consequent phrasal word order permutations) and can be interrupted by the clitics. An analysis of the possible word order patterns based on the optimality theory accounts for the violations of these ranked constraints that refer to constituency and pragmatic (focal) status.
Paula Kadose Radetzky : Grammaticalisation d’un marqueur de définitude en saaroa (p. 213)
résumé : Des analyses précédentes ont classifié le morphème ka en saaroa comme un marqueur casuel nominatif et oblique (S. Tsuchida 1976; P. Li 1997). Cependant, un examen approfondi révèle que ka a été grammaticalisé à partir du démonstratif distant kana’a "ce, cela". Cette hypothèse est confirmée d’une part par la similarité phonologique de ces deux morphèmes, mais surtout par la coexistence et le chevauchement des fonctions de kana’a et ka. Bien que kana’a soit un pronom/adjectif démonstratif et un marqueur de pause, et bien que ka se soit grammaticalisé en marqueur de proposition causale, ils partagent cependant toutes leurs autres fonctions : ils peuvent tous deux marquer des groupes nominaux définis, figurer dans des constructions génitives, et introduire des propositions relatives. Cela, joint à l’évolution grammaticale bien documentée de démonstratif à article défini, m’a amenée à réinterpréter les éléments sémantiques de ka comme caractéristiques d’un marqueur de définitude plutôt que d’un marqueur casuel. Les exemples textuels pour chaque fonction de kana’a et de ka sont tirés de narrations recueillies sur le terrain.
abstract : Previous analyses of the morpheme ka in Saaroa have classified it as a nominative and oblique case marker (S. Tsuchida 1976; P. Li 1997). However, closer inspection reveals ka to be grammaticalized from the distal demonstrative kana’a "that". Aside from their phonological similarity, the main evidence for this hypothesis lies in the co-existing and overlapping functions of kana’a and ka. While kana’a is a demonstrative adjective, pronoun, and pause-filler, and while ka has grammaticalized into a marker of reason clauses, they share all of their other functions : both kana’a and ka can mark definite noun phrases, participate in genitive constructions, and act as the head of relative clauses. This, together with the well-attested grammaticalization path of demonstrative > definite article, has led me to reanalyze the semantics of ka as being closer to those of a definiteness marker than to those of a case marker. Textual examples for each function of kana’a and ka are taken from narratives gathered in the field.
Jean-Michel Fortis : Voix et rôles thématiques en tagalog (p. 231)
résumé : Le tagalog est bien connu pour la complexité de son système de voix. Nous proposons ici une analyse sémantique des affixes de voix et de l’affixe dérivationnel ‑pag-, dont l’emploi semble conditionné en partie par la voix. Notre analyse est fondée sur l’observation des effets sémantiques produits par l’affixation de -pag- et des marqueurs de voix, notamment lorsque ces marqueurs alternent sur une même base, et sur la classe sémantique des bases qui déclenchent l’emploi de tel affixe. Nous défendons l’hypothèse que les valeurs sémantiques de ces affixes sont définies non seulement par le rôle thématique de l’actant en position de sujet mais aussi en termes de relations temporo-aspectuelles entre actants. Nous étendons la discussion à certaines formes verbales plus complexes, formées par la préfixation de pag-. Nous montrons que -pag-, généralement absent des formes non-actives simples, signale un événement conçu comme ayant une structure complexe et que son absence est corrélée à la désignation d’un événement élémentaire.
Abstract : Tagalog is well known for the complexity of its voice system. In this paper, we propose a semantic analysis of voice affixes and of the derivational affix ‑pag-, whose use is apparently conditioned, at least partly, by voice. Evidence for this analysis is drawn from the semantic effects produced by the affixation of -pag- and voice markers (notably when these alternate on the same base), and from the semantic classes of bases which trigger the use of voice affixes. It is claimed that such alternations hinge on the different semantic values of voice affixes. These values are best cast in terms of thematic and temporal-aspectual relations between actants of an event. We extend the discussion to complex, pag-affixed forms and argue that the derivational affix -pag-, when occurring with a voice affix, reflects events which are construed as having a complex structure. Conversely, the suppression of -pag- in most non-active simple forms marks an elementary event.
Huguette Fugier : La préfixation du prédicat dans une langue multi-prédicative : l’exemple du malgache maha- (p. 249)
résumé : À partir d’un morphème ha- à valeur concrète de "mouvement vers… poussé jusqu’au terme visé", capable d’un effet factitif-transitivant, la langue malgache a construit un préfixe translatif maha-. Par grammaticalisation croissante, et non sans manifester des propriétés d’auxiliaire, maha- donne aux radicaux verbaux un sens potentiel, mais surtout sert d’opérateur pour la construction "à pivot" qui supporte le factitif et le causatif. Potentiel, factitif et causatif ne sélectionnent d’identique façon ni leur prédicat situé à la droite de maha-, ni leur sujet : un état de fait qui améliore notre information, à la fois sur le caractère multi-prédicatif du malgache (dans quelle mesure, dans quel co-texte telle unité morpho-syntaxique fonctionne-t-elle comme prédicat ?) et sur la tendance remarquable du malgache à choisir des sujets à valeur de "circonstance".
Abstract : Based on the morpheme ha- which has a concrete meaning of "moving towards… until the aimed goal" and which yields a transitive-factitive effect, Malagasy has built up a translative prefix maha-. Through increased grammaticalization, maha- provides a potential meaning to verbal radicals; most importantly, it is used as an operator for the "pivot construction" which supports both the factitive and the causative. Potential, factitive and causative affixes do not select the same way the predicate placed on the right side of maha-, nor their subject. As a result of these facts, we get a better knowledge about the multi-predicative character of the Malagasy language (to what extent, in which co-text does a given morpho-syntactic unit function as a predicate ?) and about the remarkable tendency of Malagasy to choose semantic "circumstances" as subjects.
Charles Randriamasimanana : Relation tête-spécifieur et analyse en traits pertinents (p. 271)
résumé : En malgache, il est possible de promouvoir un complément circonstanciel initial (après avoir subi le processus d’incorporation) à la position de sujet grammatical sur, par example, la hiérarchie Keenan-Comrie (1977). Ceci donne lieu au niveau du verbe à l’utilisation de la voix passive connue sous le nom de "voix relative" ou encore "voix circonstancielle" ou, pour abréger, Passif2. Or, il se trouve que dans certains cas, ce sujet grammatical dérivé reçoit une interprétation sémantique partitive; tandis que dans d’autres séquences, ceci n’est pas le cas. Ce papier se propose d’expliquer cette différence d’interprétations sémantiques en fonction de la relation entre la tête de construction au niveau de la phrase, d’une part et le sujet grammatical ou spécifieur, d’autre part. Ces deux éléments sont envisagés sous forme d’ensembles de traits pertinents suivant le cadre théorique ébauché dans Chomsky (1996, 1998, 2000) et Haeberli (2000), qui nous serviront de point de départ.
Abstract : In Malagasy, it is possible to promote an initial oblique to grammatical subject (after the relevant constituent has undergone a process of incorporation) on the 1977 Keenan-Comrie hierarchy, for example. This requires that the verb be in the passive voice, specifically in the so-called "relative" voice, also known as "circumstantial voice" and for short, passive2. In certain cases, the grammatical subject receives a partitive interpretation whereas in other sequences, it does not. This paper will provide an explanation for this difference in semantic interpretation based on the relationship between the head of the sentential construction, on the one hand and the grammatical subject or specifier, on the other. These two elements are both envisaged as sets of inherent features as proposed in the theoretical frameworks of Chomsky (1996, 1998, 2000) and Haeberli (2000), which will serve as our starting point.
Isabelle Bril : Thématisation et focalisation dans les langues de Nouvelle-Calédonie : phénomènes discursifs et mécanismes évolutifs (p. 281)
résumé : La thématisation et la focalisation sont analysées en tant que phénomènes discursifs et syntaxiques, mais aussi comme la source de changements linguistiques. La thématisation et la focalisation sont étroitement liées à la hiérarchisation de l’information, à la détermination, à la référence et à l’assertion. Elles ont, de ce fait, des liens avec les relatives, ainsi que des restrictions d’emploi, en particulier dans les énoncés interrogatifs et négatifs. Elles ont, enfin, un impact sur l’évolution des structures linguistiques en favorisant des changements d’ordre et de systèmes actanciels. Ces points sont analysés dans les langues de Nouvelle-Calédonie, et mis en regard de phénomènes analogues dans des langues non apparentées, dans une perspective typologique.
Abstract : Topicalisation and focalisation are analysed from two main viewpoints, as discourse and syntactic phenomena and as a source of linguistic evolution. Such discourse processes are related to the hierarchical organisation of information, to determination, reference and assertion. As such, they are correlated with the construction of relative clauses, and are submitted to various constraints, particularly in interrogative and negative clauses. They have important consequences on linguistic evolution, triggering changes in word order and argument systems. Such issues are analysed in New Caledonian languages with some typological comparisons with other languages.
Claire Moyse-Faurie : Convergence entre thème et focus dans les langues polynésiennes (p. 303)
résumé : Dans des langues polynésiennes à ordre Verbe initial, l’antéposition d’actants provoque des modifications morphosyntaxiques identiques, que l’actant soit thématisé ou focalisé : dans les deux cas, l’actant antéposé est précédé du morphème ppn *ko et, dans ce contexte, seuls des procédés intonationnels (pause ou accent spécifique) permettent de différencier les deux opérations. Certains circonstants (cause référant à des êtres humains et instrument) se comportent comme les actants. Pour tenter d’expliquer cette identité morphologique, les différentes fonctions de *ko sont analysées. Par contraste, thématisation et focalisation des autres circonstants se distinguent morphologiquement : simple antéposition du syntagme circonstanciel thématisé, présence de *ko lorsqu’il est focalisé. Dans certaines langues, il existe en outre un procédé spécifique (antéposition à l’aide du morphème *ia) marquant une thématisation contrastive.
Abstract: In some Polynesian languages with V initial word order, the fronting of arguments induces identical morphosyntactical changes, whether the argument is focused or topicalised : in both cases, the fronted argument is preceded by the morpheme ppn *ko and only intonative traits (pause or specific accent) can differentiate the two operations. Causal (referring to human beings) and instrumental adjuncts behave as arguments as far as topicalisation and focalisation are concerned. In order to find an explanation for this morphological similarity, the different functions of ppn *ko are analysed. By contrast, topicalisation and focalisation of the other adjuncts are morphologically distinct : simple fronting in case of topicalisation, fronting with *ko for focalisation. Besides, in some languages, fronting with a specific morpheme (*ia) marks contrastive topicalisation.
3. Études ethnolinguistiques
Josiane Cauquelin : Étude linguistique d’un chant rituel, penaspas (puyuma-Taïwan) (p. 321)
résumé : Dans le sud-est de Taïwan, au village de Puyuma, 1300 locuteurs, la langue rituelle est utilisée tant par les deux spécialistes du religieux que par l’échelon des "anciens" de la Maison des Hommes. L’étude de deux versions d’un chant de ces derniers entonné lors du cycle cérémoniel annuel permet de comprendre que cette langue n’est pas une langue à part entière, mais une construction permanente du lexique usuel et de la syntaxe que ces intervenants enrichissent sans fin dans un but ésotérique. Cette langue cultuelle n’est certes pas aussi obscure que le disent les Puyuma, même si certaines unités lexicales gardent leur secret après une analyse détaillée.
Abstract: In South-East Taiwan, at Puyuma, village of 1300 speakers, the ritual language is used by the two religious specialists as well as the "elders" of the Men’s House. The study of two versions of the same song heard at the annual ceremonial cycle allows us to understand that this language is not a specific one but a permanent construction of the lexicon and the syntax, that these officiants endlessly florish to bring about esoterism. This language is surely not as obscure as the Puyuma people pretend it to be, even if the meaning of some morphemes remain ill-understood after a careful linguistic analysis.
Nicole Revel : Dédoublement de la parole et de l'action dialogique dans une séance chamanique Palawan, ulit (Philippines) (p. 333)
résumé : Dans les pratiques rituelles et l'idéologie des Hautes-Terres palawan, nous témoignons ici de ce que fut une tentative de "chamaniser" et nous en proposons une analyse par les voies conjuguées de l'ethnologie et de la pragmatique. Les référents mythologiques sont suivis des traits contextuels de la séance et de la description des traits linguistiques caractéristiques de cet enchaînement de trois discours rituels transcrits et traduits. Les Lapis, entités surnaturelles, externes à la personne du chamane, transmettent des messages brefs des invisibles (Divinités et/ou Génies), et rendent possible l'acte de chamaniser. Invocation aux Divinités et appel aux âmes auxiliaires précèdent nécessairement le chant chamanique, véritable action dialogique qui implique la notion de "substitution". A celà s'ajoute le rôle très important de l'acolyte du chamane, de ses gestes et de ses actes de paroles.
abstract : Among the Palawan Highland ideology and ritual practices, we are presenting today an attempt at a shamanistic Voyage and we propose an analysis of it in the conjunction of Ethnology and Pragmatics. Mythological references are followed by contextual aspects of the cure and a description of the main linguistic features of the sequence of three ritual discourses transcribed and translated. Lapis are supernatural entities, external to the shaman's body transmit brief messages from the invisible beings (Deities and/or malevolent Spirits) hence making possible the shamanic action. Invocation to the deities, appeal to the protective souls precede the shamanic chant, a genuine action in dialog that relies upon the notion of "substitution". In addition to this, the role in gestures and speech acts of the shaman's acolyte, will be taken into consideration.
4. Études sociolinguistiques
Charles Randriamasimanana : Recherche linguistique sur le malgache : quelques remarques critiques (p. 345)
résumé : Le but principal de cet article est de fournir quelques éléments de base visant à élucider les raisons qui pourraient expliquer la nature problématique des données linguistiques publiées ces dernières années sur la morpho-syntaxe du malgache. Sans entrer dans tous les détails historiques pertinents, l’auteur suggère (a) que l’une des raisons décisives responsables de cette situation a trait au fait qu’il n’existe pas vraiment de collaboration authentique entre chercheurs étrangers, d’une part et linguistes locuteurs natifs du malgache, d’autre part; (b) qu’un autre élément important semble lié à des obstacles d’ordre structurel qui font que les chercheurs locuteurs natifs se voient tout simplement mis à l’écart. Ceci est en partie dû au contrôle administratif qui régit les publications ainsi qu’aux mécanismes qui sous-tendent la distribution des ressources financières consacrées à la recherche linguistique sur le malgache dans le monde occidental. La nature du problème sera illustrée abondamment à l’aide d’exemples concrets empruntés à des livres, articles ou manuscripts disponibles à ce jour.
Abstract : My main purpose with this article is to provide some basic ideas as to why a number of linguistic data published in the literature on Malagasy morpho-syntax are rather problematic. I do not propose to analyse all relevant historical factors, but wish only to suggest (a) that one of the main reasons for the above-mentioned situation has to do with the fact that there is no genuine collaboration between foreign experts, on the one hand and native speaker linguists, on the other, (b) that another important factor seems related to control structures which simply lock out native speaker linguists. This is partly due to administrative control of the publication process as well as to the distribution of financial resources allocated to research on Malagasy in the Western world. The nature of the problem will be abundantly illustrated with concrete examples borrowed from books, articles or manuscripts available to this day.
Claire Saillard : Les langues austronésiennes de Taïwan peuvent-elles échapper à la minoration ? (p. 361)
résumé : Cet article s’interroge sur la possibilité qu’ont les langues austronésiennes de Taïwan, minoritaires par le nombre de leurs locuteurs, de profiter de la tendance politique et sociale visant à les sortir d’une situation de minoration. En effet, l’évolution politique récente a permis une reconnaissance croissante des droits culturels et sociaux des locuteurs des langues minoritaires, qui se traduit par l’introduction de ces langues dans des domaines autrefois réservés aux langues dominantes, en particulier celui de l’enseignement. Cependant, et comme le montre l’analyse micro-sociolinguistique d’interactions professionnelles entre locuteurs austronésiens, il est crucial de se référer aux données proprement langagières pour comprendre le statut et les fonctions réelles de ces langues à Taïwan.
Abstract : This article raises the question of the possibility for Taiwan’s Austronesian languages to build on the current political trend enhancing their status, despite their minority status in demographic terms, and the "minorization" processes they have been undergoing up to the 1990s. More recent political changes have favored the acknowledgement of the rights of minority language speakers, allowing minority languages to be introduced in various domains where only official and/or majority languages used to be spoken, most notably the education domain. Nevertheless, as shown by the micro-sociolinguistic analysis of professional interactions between speakers of Austronesian languages, one still has to refer to interactional data proper in order to understand the real status and functions of these languages in Taiwan.
Jean-Michel Charpentier : Les pidgins/créoles du Pacifique-Sud et les langues austronésiennes (p. 379)
résumé : Pour la plupart des spécialistes des langues de contact de par le monde, en particulier pour des créolistes, inclure pidgins et créoles dans un ouvrage dédié à des vernaculaires, ne peut être qu’insolite voire provocateur. Cependant, dans le contexte socio-historique du Pacifique sud un tel rapprochement ne peut jamais être écarté, même par les partisans les plus hostiles aux thèses substrativistes. La colonisation européenne tardive et épisodique dans les différents archipels, la multiplicité inégalée des langues par rapport au nombre de locuteurs insulaires rendirent indispensable l’émergence d’une lingua franca, le Beach-la-Mar, exportée au Queensland en terre australienne avec la main d’oeuvre mélanésienne recrutée. Elle s’enrichit et se stabilisa devenant ainsi largement exogène, puis fut réintroduite dans les îles avec le retour des travailleurs sous contrat. Cette lingua franca subit à nouveau in situ l’influence du substrat austronésien. Aujourd’hui, à tous les niveaux de langue, phonologique, morphologique, syntaxique, syntactico-sémantique des parallélismes voire des calques apparaissent entre les langues du substrat et les pidgins/créoles (entités indifférenciables) en usage dans toute la Mélanésie et partie intégrante de l’univers austronésien océanien.
Abstract : To specialists in contact languages, and in particular to creole specialists, it may seem unusual, if not heretical/outright provocative, to include pidgins and creoles in a volume on indigenous languages. In the social and historical context of the South Pacific, however, the linkage cannot be denied, even by those most hostile to substrate theories. The late and spotty European colonization of the various archipelagos and the extraordinary multiplicity of languages in relation to the small number of speakers made the emergence of a lingua franca indispensable. Endogenous in origin, and first used in the islands themselves, this lingua franca, Beach-la-Mar, was exported with the Melanesian labor force to Queensland in Australia, where it was enriched and stabilised. It was then reintroduced to the islands, in largely exogenous form, with the return of the contract laborers, and it was again exposed to the influence of the Austronesian substrate. Today, parallelisms and even calques are to be found at all levels -- phonological, morphological, syntactic, and syntactico-semantic -- between the substrate languages and the pidgin/creoles (they cannot be differentiated) which are used in all of Melanesia and are an integral part of the oceanic Austronesian universe.
Gueunier Noël J. : Le dialecte malgache de Mayotte (Comores) : une discussion dialectologique et sociolinguistique (p. 397)
résumé : La situation du dialecte malgache de Mayotte, la seule variété du malgache parlée en dehors de Madagascar, présente un intérêt particulier pour le dialectologue comme pour l'ethnologue. Cette île de l'Océan Indien est le point de contact entre les aires linguistiques austronésienne et bantu. Les communautés parlant le dialecte malgache, qui ne constituent pas une ethnie distincte, présentent sur la carte de l'île une disposition en mosaïque. Cette diversité est encore renforcée par la subdivision du dialecte malgache de Mayotte en deux sous-dialectes, en intercompréhension totale, mais soigneusement distingués par leurs locuteurs sur la base de fines variantes phonétiques, morphologiques et lexicales.
L'article présente la position du dialecte malgache de Mayotte et de ses deux parlers d'après les critères classiques de la dialectologie du malgache (traitement phonétique régulier de certaines séquences, mots du vocabulaire de base). L'application de ces critères aboutit à attribuer aux deux sous-dialectes des places assez éloignées l'un de l'autre dans la classification des parlers malgaches habituellement retenue par les dialectologues.
L'article décrit ensuite la situation sociolinguistique de l'île et se termine par quelques données démographiques., et des réflexions sur l'évolution de la communauté de langue malgache à Mayotte.
abstract : The situation of the Malagasy dialect spoken on the Mayotte island – the sole variety of Malagasy spoken outside Madagascar – is interesting to both dialectologists and ethnologists. The Mayotte island is situated in the Indian Ocean and represents a point of contact between two language families, Austronesian and Bantu. The communities that speak the Malagasy dialect do not constitute a distinct tribe and are mapped as a mosaic. This diversity is reinforced by the subdivision of the Malagasy dialect of Mayotte into two subvarieties, mutually intelligible, but which are phonologically, morphologically and lexically distinguished by their speakers.
This paper presents the position of the Malagasy dialect of Mayotte and of its two subvarieties, based on well-known criteria found in the treatment of Malagasy dialectology (regular phonetic correspondences, comparison of basic vocabulary). The application of these criteria leads to a reassessment of the classification of these two subvarieties.
The article goes on describing the sociolinguistic situation of the Mayotte island and ends with an overview regarding demographic facts, and some reflexions on the evolution of this Mayotte-based Malagasy community.