n° 47 : Comparatisme et reconstruction : tendances actuellesRésumés / Abstracts

 

Présentation générale par Konstantin Pozdniakov (p. 5)

1. Approches, enjeux, résultats

François Alexandre The historical morphology of personal pronouns in Northern Vanuatu[Morphologie historique des pronoms personnels au nord du Vanuatu] (p. 25)

Résumé : Cet article illustre la puissance de la Méthode comparative pour reconstruire la morphologie historique des langues modernes, y compris en l’absence de documents écrits. Les îles Banks et Torres du nord du Vanuatu hébergent 17 langues océaniennes différentes. Cette étude fournit pour la première fois les paradigmes des pronoms personnels indépendants dans toutes ces langues – 260 formes au total. Ces formes sont ensuite comparées systématiquement avec le paradigme pronominal reconstruit pour leur ancêtre commun, le proto-océanien (Ross 1998). La rigueur de la Méthode comparative nous permet d’identifier 47 innovations morphologiques dans ce domaine, dont la plupart sont communes à plusieurs langues. Or la distribution de ces innovations partagées présente des entrecroisements : ceci suggère que le modèle arborescent n’est pas nécessairement la meilleure façon de représenter la généalogie historique des familles de langues.

Abstract:The present paper intends to highlight the power of the Comparative Method when reconstructing the morphological history of modern languages, even in the absence of written documents. The Banks and Torres Islands of North Vanuatu are home to 17 distinct Oceanic languages. This paper documents for the first time the paradigms of independent personal pronouns for all these languages – 260 forms in total. It then compares them systematically with the paradigm reconstructed for their common ancestor Proto Oceanic (Ross 1998). The rigour inherent to the Comparative Method enable us to identify 47 morphological innovations in this domain, most of which are shared across several languages. Finally, the distribution patterns of these shared innovations show overlaps, which suggests that the tree model is not the best way of representing the genetic history of language families.

 

Jacques Guillaume : Le sino-tibétain : polysynthétique ou isolant ?[Proto-Sino-Tibetan: a polysynthetic or an isolating language?] (p. 61)

Résumé : Cet article présente un résumé de l'état des recherches sur la structure et l'origine historique du gabarit verbal des langues rgyalronguiques. Sur la base de la comparaison entre les systèmes d'indexation polypersonnelle du rgyalrong situ et du bantawa, une langue kiranti, il montre qu'une partie de cette morphologie doit être d'origine proto-sino-tibétaine, et que l'idée traditionnelle d'une famille sino-tibétaine isolante doit être abandonnée.

Abstract:This article presents a summary of the current state of research on the structure and the historical origin of the verbal templates found in Rgyalrongic languages. On the basis of comparison between the indexation systems of Situ and Bantawa, it shows that part of this complex morphology goes back to Proto-Sino-Tibetan, and that the idea of an isolating Sino-Tibetan language family should be abandoned.

 

Kocharov Petr Proto-indoeuropean lexical aspect and stem patterns[Aspect lexical et alternance paradigmatique des thèmes de l'indo-européen] (p. 75)

Résumé : Bien que la reconstruction de l’inventaire morphémique du proto-indo-européen semble trouver ses limites, des valeurs grammaticales associées aux morphèmes reconstruits sont toujours l’objet de débats. Le présent article vise à contribuer à la reconstruction de l’aspect lexical, aux modèles dérivationnels de thèmes verbaux et à la valeur grammatical des affixes constitutifs de ces thèmes.. L’apport de la théorie de l’aspect lexical au problème de l’analyse morphologique est illustré par le cas des lexèmes statiques ‘dormir’ et inchoatifs ‘s’endormir’ dans l’indo-européen et des langues filles.

Abstract:Although the formal reconstruction of the PIE morphemic inventory seems to be rather complete, the evaluation of the original grammatical meanings associated with the reconstructed morphological segments remains a matter of on-going dispute regarding the ancient daughter languages as well as the reconstructed PIE forms. In the present paper, I aim to highlight some issues related to the reconstruction of the lexical aspectual features, paradigmatic and derivational patterns of PIE verbal stems, and grammatical value of affixes that constitute these stems. The contribution of the theory on lexical aspect to the morphological analysis is exemplified through static lexemes like ‘to sleep’ and inchoatives like ‘to fell asleep’ in Indo-European and in some daughter languages.  

 

Romain Garnier : L’écueil épistémologique de la reconstruction ‘verticale’ en indo-européen [The pitfall of some straighforward PIE reconstructions] (p. 89)

Résumé : Dans cette contribution, je me propose de mettre en lumière trois écueils épistémologiques majeurs de la reconstruction diachronique ‘verticale’, dans le cadre de la méthode comparative appliquée aux langues indo-européennes. On tire souvent argument contre la grammaire comparée de ce que le lexique indo-européen reconstruit est une constellation de formes divergentes, et non le reflet d’une langue unique. C’est là une faiblesse typologique notable qu’il faut élucider, et non pas éluder, car elle affecte la portée des analyses glottométriques. Mon propos n’est pas de nier la réalité linguistique de l’indo-européen, mais de décharger la langue commune d’un certain nombre de fantômes qui peuplent encore jusqu’aux plus récents dictionnaires étymologiques et qui ont passé en doctrine. J’aborderai ici trois cas de figure : 1 ‑ les fausses équations (lat. flāmen «prêtre» vs véd. bráhman- et lat. pinguis «gras» vs gr. παχύς), 2 ‑ les racines fantômes, du type de la racine i.-e. †ebh2- «gésir, être couché» (LIV2:357-358) posée sur la seule foi du lat. cubāre «être couché» et du moy.-gall. kyscu «dormir» (Schumacher, 2004:424-426), ou bien la racine ‘élargie’ †h2-es- «porter» posée pour rendre compte du lat. ger-ō «porter» (de Vaan, 2008:259), 3 ‑ l’isolement phylogénétique de racines réputées ‘occidentales’, ainsi *gʰrendʰ- «moudre» (lat. frendō, v.-angl. grindan) et *e- «cacher» (gr. κεύθω), qui sont d’anciens thèmes nominaux métanalysés en racines verbales (mais de façon sporadique), et qu’on ne saurait donc projeter sur un même plan synchronique que les formes sous-jacentes, qui sont respectivement la racine bilittère *gʰer- «frotter, écosser» et le nom-racine *úH- «caverne, cachette».

Abstract:The present paper aims at shedding light upon three major pitfalls of the straightforward PIE reconstruction, in the context of the comparative grammar of the Indo-European languages, leading to an epistemological deadlock. Against the very idea of such a comparative grammar, some scholars will argue that the reconstructed PIE lexicon is a constellation of various forms, far from reflecting a single language. From a typological point of view, this question is a significant weak point, which must be accounted for, and not simply avoided, for such a weakness can affect the reach of glottometrics. My intention is not to deny the existence of PIE as a linguistic reality, but to take a burden off the PIE reconstructed language, by eliminating quite a few ghost words, which find themselves even in the most recent etymological dictionaries, having become yet ‘main stream’ science. I will deal with three cases, which are all very vexed issues: 1 ‑ false cognates (Lat. flāmen ‘priest’ vs. Ved. bráhman- ‘id.’ and Lat. pinguis ‘thick, fat’ vs. Gr. παχύς ‘id.’), 2 ‑ putative PIE roots, such as PIE †ebh2- ‘to lie’ (LIV2:357-358) assumed solely on the evidence of Lat. cubāre ‘to lie’ and MW kyscu ‘to sleep’ (Schumacher, 2004:424-426), or the ‘enlarged’ PIE root †h2-es- ‘to carry’ reflected only by Lat. ger-ō ‘to carry’ (de Vaan, 2008:259), 3 ‑ the phylogenetic isolation of so-called ‘Occidental’ roots, such as *gʰrendʰ- ‘to grind’ (cf. Lat. frendō, OE grindan) and *e- ‘to hide’ (cf. Gr. κεύθω), which both reflect nominal stems reinterpreted as verbal roots (such a reanalysis being sporadic). For such reasons, there is a synchronical mismatch between them and the underlying ‘real’ PIE roots, which are respectively the biliteral PIE root *gʰer- ‘to rub, shell’ and a PIE root-noun *úH- ‘hiding place, cave, cavern’.

 

Porkhomovsky Victor : The Hausa subjunctive in the Hamito-Semitic context[Le subjonctif en haoussa dans le contexte chamito-sémitique] (p. 99)

Résumé : Dans le système des formes verbales en haoussa le subjonctif ou la forme SU est la forme la plus simple du point de vue morphologique. L’indice de cette forme est le pronom personnel sans aucune marque de temps, aspect ou mode, avec une voyelle courte et un ton bas. Cette forme peut fonctionner comme subjonctif, aoriste, forme vide ou zéro dans les constructions syntaxiques spécifiques (forme souvent comparée à Grundaspekt dans certaines langues tchadiques), autant que comme perfectif négatif. Savoir si cette forme doit être considérée comme une forme unique avec plusieurs fonctions ou comme un seul paradigme multi-fonctionnel a été beaucoup discuté.

L’article vise à démontrer que le modèle de l’évolution diachronique du système verbal sémitique peut être appliqué au haoussa, interprétation que permet le statut de la forme SU comme réflexe de l’ancien perfectif ‘faible’ ou non-marqué.

Abstract:The so-called Subjunctive preverbal pronoun or ‘SU form’ has long been one of the most discussed issues in Hausa language studies. The SU form is morphologically simple and is often characterized as ‘neutral, zero, empty’. It consists of a single syllable with a low tone and a short vowel, it has no TAM marker. At the same time it has a broad functional range as subjunctive/jussive, as a zero (neutral) form in specific syntactic conditions, and as negative perfective. There have been many discussions in Hausa studies as to whether the SU form should be interpreted as a single paradigm with a large variety of functions, or rather as representing different homonymous paradigms, i.e. negative perfective, subjunctive and the empty (or zero) form, often compared to the so-called Grundaspekt in certain Chadic languages.

A different approach to the analysis of the Hausa SU form is proposed in this paper. Here a model of the historical evolution of the Semitic aspect system, proposed by the present author, is used as a typological pattern for the diachronic analysis of the Hausa aspect system. Semitic reconstruction is not based on the history of individual forms, but first and foremost on the development of the system as a whole within the framework of intra-genetic diachronic typology.

It will be demonstrated in the paper that the application of this model to Hausa allows us to consider the present synchronic status of the SU form as a single multi-functional finite form, which is interpreted as a reflex of the old ‘weak’ perfective.

 

Vydrin Valentin : Toward a Proto-Mande reconstruction and an etymological dictionary[Vers une reconstruction et un dictionnaire étymologique du Proto-Mandé] (p. 109)

Résumé : La famille mandé comporte plus de 70 langues parlées en Afrique de l’Ouest, elle appartient sans doute à la macrofamille Niger-Congo. Cet article présente l’état d’art de la reconstruction du Proto-Mandé : la classification interne, la reconstruction phonologique (les consonnes initiales, les consonnes internes, les voyelles, les tons ; le pied métrique) et la reconstruction morphologique. La question de l’appartenance (ou non-appartenance) au Niger-Congo est également discutée.

Abstract :Mande family includes more than 70 languages spoken in West Africa and is presumably one of the mid-range families of the Niger-Congo macrofamily. The current state of the Proto-Mande reconstruction is discussed in this paper: internal classification, phonological reconstruction (initial consonants, word-internal consonants, vowels, tones, metrical foot) and morphological reconstruction. The question of whether Mande belongs to the Niger-Congo macrofamily is also discussed.

 

Boyeldieu Pascal : Stratigraphie lexicale et renouvellement du vocabulaire dans les langues sara-bongo-baguirmiennes ‘occidentales’ (Afrique centrale)[Lexical stratigraphy and vocabulary replacement in the ‘western’ SBB languages (Central Africa)] (p. 125)

Résumé : Plusieurs étapes historiques caractérisent le développement des langues sara-bongo-baguirmiennes (Afrique centrale) et définissent autant de sous-systèmes successifs dont le plus récent caractérise le seul sous-ensemble des langues ‘sara’. Par ailleurs la distribution à travers les langues des cognats lexicaux reconstructibles permet d’attribuer différentes ‘strates’ de vocabulaire à ces différents paliers historiques. La présente contribution a pour but d’étudier l’importance relative de différents domaines sémantiques de ce lexique à travers l’histoire afin d’en tirer des observations concernant la nature et les conditions de l’expansion des langues sara-bongo-baguirmiennes.

Abstract :The historical development of the Sara-Bongo-Bagirmi languages (Central Africa) is marked by successive subsystems, the most recent of which characterizes the sole subgroup of ‘Sara’ languages. Furthermore the distribution of the reconstructible lexical cognates through the present languages makes it possible to assign different vocabulary ‘strata’ to the different historical stages. The aim of this paper is to examine the relative extent of several semantic domains of this vocabulary throughout the history in order to draw some remarks concerning the nature and conditions of the Sara-Bongo-Bagirmi linguistic expansion.

 

Rilly Claude The Wadi Howar Diaspora and its role in the spread of East Sudanic languages from the fourth to the first millenia BCE[La diaspora du Wadi Howar et son rôle dans la diffusion des langues soudaniques orientales du IVe au Ier millénaire avant notre ère] (p. 151)

Résumé : Cet article traite de l’origine du groupe de langues soudaniques oriental nord, en abrégé SON (branche du phylum nilo-saharien). Les données paléoclimatiques, archéologiques et linguistiques convergent pour situer sur les rives du Wadi Howar, un ancien affluent du Nil à l’ouest du Soudan, le lieu où est apparue le proto-NES au 6e millénaire av. J.-C. L’'assèchement de cette rivière est la cause probable de la dispersion des différents groupes de langues NES, en commençant par le méroïtique au IIIe millénaire av. J.-C.

Abstract:This article deals with the origin of the Northern East Sudanic language group, aka NES (part of the Nilo-Saharan phylum). Paleoclimatological, archaeological and linguistic data point towards the banks of Wadi Howar, a former tributary of the Nile in Western Sudan, as the place where the NES protolanguage appeared in the 6th millennium BC. Similarly, the desiccation of this river is seen as the cause of the split between the different NES groups, starting with Meroitic in the 3rd millennium BC.

 

Demoule Jean-Paul : The canonical Indo-European model and its underlying assumptions[Le modèle indo-européen canonique et ses présupposés] (p. 165)

Résumé : Les ressemblances et correspondances entre langues indo-européennes ont été tout au long du XIXème siècle au fondement de la linguistique moderne. Dans le même temps, elles ont été d’emblée expliquées par l’existence postulée d’un peuple originel (Urvolk) parlant une langue originelle (Ursprache) dans sa patrie originelle (Urheimat), trois entités à retrouver ou à reconstituer. Ces recherches ont connu les détournements idéologiques que l’on sait. Mais dans tous les cas, on ne peut considérer qu’elles auraient abouti aujourd’hui à un consensus scientifique. Il n’y a pas de consensus chez les linguistes pour savoir si, au-delà des systèmes de correspondances phonologiques et morphologiques, il y aurait possibilité d’aboutir à la reconstitution d’une langue unique selon un modèle arborescent, ou bien si des modèles plus complexes seraient concevables. Si la mythologie comparée, illustrée par les travaux de Georges Dumézil, met aussi en évidence des correspondances indéniables à travers l’Eurasie, l’arbre généalogique n’est pas, là encore, le seul modèle possible. La génétique, après les errements et les impasses de la craniométrie, apporte des résultats certes de plus en plus fiables et intéressants, mais avec des risques de raisonnements circulaires, amplifiés par les effets du système académique anglo-saxon. Enfin l’archéologie hésite toujours entre au moins trois grandes explications géographiques contradictoires, sans qu’on puisse de toute façon reconstituer avec certitude les routes supposées qui, depuis tel foyer originel, auraient conduit les peuples locuteurs de langues indo-européennes dans leurs différents emplacements historiquement connus. C’est pourquoi on est en droit d’interroger le modèle canonique sous-jacent en tant que mythe d’origine alternatif à celui de la Bible, tout en recherchant des modèles explicatifs plus complexes.

Abstract:Throughout the 19th century, resemblances and correspondence between Indo-European languages formed the foundation of modern linguistics. At the same time, these resemblances and correspondences were explained, from the beginning, by the postulated existence of an original people (Urvolk) who spoke an original language (Ursprache) in an original homeland (Urheimat), three entities which were waiting to be discovered or reconstructed. As we are well aware, this research was subject to ideological hijacking on a number of occasions. In any case, however, it cannot be said that any of this research would have led to a scientific consensus. Beyond the systems of phonological and morphological correspondences, there is no consensus among linguists regarding the possibility of ever achieving the reconstruction of a single language based on a tree model, or whether more complex models might be more suited. While comparative mythology, exemplified in the work of Georges Dumézil, also reveals undeniable connections across Eurasia, the family tree is, again, not the only possible model. After the mistakes and dead ends of craniometry, genetics is producing increasingly interesting and reliable results, but with a risk of circular reasoning amplified by the influence of the English-speaking academic world. Finally, archaeology is still wavering between three main contradictory geographical explanations with no possibility of reconstructing with no doubt the suggested routes which might have led Indo-European speakers from an original homeland to their various historically attested settlements. This is why we are entitled to question the underlying canonical model as an alternative origin myth to the Bible, while at the same time seeking more complex explanatory models.

2. Bases, méthodes, techniques

Starostin George : From wordlists to proto-wordlists: reconstruction as ʻoptimal selectionʼ[Des listes de mots aux listes de «proto-mots» : reconstruction comme «sélection optimale»] (p. 177)

Résumé : Le point principal du présent article est que, pour conduire des études lexicostatistiques pour des familles de langues assez complexes, il est important de définir et décrire une méthodologie spécifique pour reconstruire des «listes de proto-mots» du type Swadesh. Tandis que, normalement, la reconstruction comparative-historique s'occupe plutôt des aspects phonétiques, un «liste de proto-mots» reconstruits doit aussi prendre en considération de nombreux détails sémantiques (y compris la typologie sémantique) ainsi que la distribution des mots cognats parmi les différentes branches de la famille. La méthodologie décrite dans cet article permet de choisir des «candidats optimaux» correspondant aux mots Swadesh de  différents niveaux et de préparer les «proto-listes» qui permettent d’aboutir à des classifications génétiques plus robustes.

Abstract:In this paper, it is argued that in order to conduct lexicostatistical studies for families whose protolanguages are reconstructed on a step-by-step basis, it is important to define and describe a specific methodology for reconstructing "proto-wordlists" of the Swadesh type. Unlike the most common types of comparative-historical reconstruction, which largely focuses on phonetic correspondences, a reconstructed "proto-wordlist" must also take into very strict account various issues related to semantics (including semantic typology) and cognate distribution over the various branches of the family. The introduced methodology makes it easier to select "optimal candidates" for particular Swadesh meanings on various proto-levels and prepare "proto-wordlists" that are better adapted for the task of coming up with a robust genetic classification.

 

Segerer Guillaume RefLex : la reconstruction sans peine[RefLex: reconstruction made easy] (p. 201)

Résumé : Cet article présente en détail une fonction particulière de RefLex, un projet que l’auteur développe depuis plus de six ans. Le but du projet RefLex est de rassembler et mettre à la disposition de la communauté scientifique un maximum de données lexicales des langues d’Afrique. Il permet de consulter plus d’un million d’entrées lexicales provenant de plus de 100 sources et représentant plus de 700 langues différentes, de toutes les régions et de toutes les familles linguistiques. Outre cette énorme quantité de données, l’originalité du projet tient au fait que sont disponibles en ligne  des outils spécifiques  permettant d’effectuer diverses actions sur les données. Je présente ici les outils dédiés à la reconstruction. Ces outils ne sont pas conçus pour la reconstruction automatique. Ils ont plutôt pour but d’aider l’utilisateur à définir ses propres séries comparatives, puis à effectuer des alignements phonologiques, et enfin à proposer des hypothèses de reconstruction. Chacune de ces étapes est rendue facile et intuitive de diverses façons :

‑ La recherche de cognats bénéficie du fait que les définitions originales sont en partie unifiées, ce qui permet de rechercher plus rapidement des sens proches même lorsque les sources sont très différentes.

‑ Le module d’alignement est très intuitif. Les formes sont affichées en tableau, chaque cellule contenant une unité phonologique. Ces unités peuvent être déplacées ; et les unités composites peuvent être séparées. Lorsque des phonèmes correspondants sont verticalement alignés, une étiquette peut être attribuée à la correspondance ainsi créée, ce qui constitue une hypothèse de reconstruction.

‑ Enfin, ces étiquettes peuvent être triées et affichées en liste, ce qui permet de vérifier la régularité des correspondances.

Toutes ces fonctions sont illustrées par des exemples extraits du travail de l’auteur sur la reconstruction des langues du groupe Atlantique du phylum Niger-Congo.

 

Abstract:This paper presents in some details a specific aspect of RefLex, a project developed by the author during the last 6 years. RefLex is a project that aims at gathering and making available online all possible lexical documentation on African Languages. So far, more than 1 million lexical entries are available, from more than 1,000 sources representing more than 700 distinct languages from all the regions and linguistic families of Africa. Along with this huge amount of data, the originality of the project lays in the fact that specific tools are also available online, thus allowing users to perform various tasks and experiments with the data. Here we present the tools devoted to reconstruction. These tools are not designed to do automated reconstruction. Rather, they are intended to help the user define their own comparative series, then make phonemic alignments, and eventually posit reconstruction hypotheses. Each step is made easy by various methods:

‑ The search for cognates benefits from the fact that all the original definitions of words are transformed into partially unified glosses that help doing quick searches across sources that might not be in comparable formats.

‑ The alignment module is very intuitive. Words are displayed in a table, each phonemic unit having its own cell. Units may be moved left or right, and composite units may be split in different cells. Once similar phonemes are vertically aligned, the user may label these alignments, thus making hypotheses on the nature of the corresponding proto-phonemes.

‑ All these labels can in turn be sorted and displayed so that it is possible to assess their regularity.

All these features are presented with concrete examples drawn from the author’s own comparative work on the reconstruction of Atlantic languages (Niger-Congo phylum).

 

Pozdniakov Konstantin : Statistics and comparative studies: “quantitative diachrony”[Statistique et Comparatisme : «diachronie quantitative»] (p. 215)

Résumé : Dans cette article je discute comment appliquer la statistique à la linguistique comparée et historique, en montrant que dans ce domaine le problème principal n’est pas que nous manquons d’outils mathématiques spécifiques mais que nous ne savons pas extraire de la connaissance positive à partir de données d’une statistique «primitive». Cet article présente une «idéologie» d’exploitation des données quantitatives permettant d’obtenir des résultats qualitatifs dans plusieurs champs de la reconstruction. La stratégie essentielle sur laquelle repose cette idéologie est d’attribuer une valeur équivalente à l’axe qualitatif et à l’axe quantitatif qui suit mécaniquement chaque changement diachronique. Cette approche permet d’obtenir deux ou trois fois plus d’arguments pour ou contre nos hypothèses comparatistes. Le potentiel de cette approche est illustré par les exemples qui s’appuient sur des dizaines de langues de familles différentes.

Abstract :In this paper I discuss how to apply statistics to comparative linguistic studies. I show that the main issue concerning the use of statistics in linguistic studies lies not in the lack of sophisticated methods, but rather in the extraction of really useful knowledge from simple statistical data. This paper illustrates how qualitative results can be obtained by applying quantitative criteria. All the domains of linguistic reconstruction can be approached by following the same “ideology” in calculation and analysis. The strategic point in this “ideology” is that quantitative and qualitative divergences observed in genetically related languages are considered as equally relevant. This approach allows obtaining two or three times more arguments to validate or invalidate our diachronic hypotheses. These approaches are illustrated by concrete results concerning dozens of various languages.

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