Présentation générale
par Jean-Marie Merle
Université Nice Sophia Antipolis, BCL (UMR 7320). Courriel : jean-marie.merle@ unice.fr
L’objet de ce volume est de ré-envisager les prépositions, en explorant leur affinité avec l’aspect.
La relation prépositionnelle
Il est généralement admis que les prépositions sont des relateurs. La fonction de liage qu’elles opèrent peut se représenter sous la forme <A Prép B> (cf. Une femme sous influence / Il regarda sous le lit), et elle peut s’interpréter comme une relation (syntaxique) d’incidence de B à A, via la préposition, et comme une opération de repérage sémantique et référentiel de A par rapport à B : dans le premier cas, l’occurrence de femme est caractérisée par le syntagme prépositionnel sous influence, intégré au syntagme, incident au noyau femme ; dans le second exemple, le regard reçoit une spécification, sémantico-référentielle, de son complément directionnel sous le lit.
L’un ou l’autre des termes mis en relation peut être implicite (cf. Ø Sous le soleil de Satan / Paul arrivera après Ø) : le titre sert à la fois de thème et de repère référentiel à la totalité du roman ; la distribution syntaxique de la particule après, quant à elle, est adverbiale, (Paul arrivera après / tôt ou tard / demain), mais après n’en reste pas moins relationnel (Paul arrivera après implique Paul arrivera après [B]), par anaphore ou par deixis, autrement dit par indexation sur le contexte ou sur les coordonnées situationnelles : que B soit explicite ou non, le repérage référentiel de l’arrivée de Paul s’opère par rapport à B.
La relation prépositionnelle met donc en place des repérages de trois ordres : 1/ repérage structurel, par incidence de B à A via Prép ou de [Prép B] à A ; 2/ repérage sémantico-référentiel de A par rapport à B ; 3/ repérage énonciatif, par indexation de <A Prép B> sur une situation-repère.
Saisie aspectuelle, relation prépositionnelle
L’aspect peut sommairement se définir comme la trace, dans un énoncé, d’un point de vue. Aspect et point de vue sont complémentaires, et l’aspect correspond, en énoncé, dans un construit référentiel – désigné, procès, état de fait ou événement – à une saisie différenciée, dans une situation donnée, selon un point de vue particulier.
La relation prépositionnelle peut, quant à elle, être envisagée comme la saisie d’une des facettes :
– d’un désigné (L’homme sans qualités),
– d’un procès (Regarde sous le lit),
– d’un événement (X arrivera après B),
– d’un état de fait (Les couverts… dans le tiroir ?).
De là vient l’affinité entre relation prépositionnelle et saisie aspectuelle.
Prépositions et aspectualité
Les indices de l’affinité entre préposition et aspect sont nombreux. L’aptitude de la relation prépositionnelle à se conformer à l’aspect d’un procès (Il a détruit la cabane en cinq sec : procès transitif télique délimité par l’enveloppe temporelle du circonstant prépositionnel), ou à en moduler l’interprétation aspectuelle (1/ Il a lu son livre en 3 heures : interprétation perfective, télique vs. 2/ il a lu son livre pendant trois heures : interprétation imperfective, atélique) ; le rôle qu’elle est à même de jouer dans la chaîne de transitivité (on opposera L’île Seguin est réaménagée, d’interprétation résultative, à L’île Seguin est réaménagée par J. Nouvel, transitif imperfectif dont la transitivité passe par… tel agent), et jusque dans les structures résultatives (Jones a roulé sous le camion) font partie de ces indices. On ajoutera comme autres indices de cette affinité entre préposition et aspect : la relativité signifiée par la préposition, le point de vue impliqué par la relation qu’elle opère, la dépendance de la relation prépositionnelle.
D’où le titre de ce recueil. Diverses problématiques liées à l’aspectualité de la relation prépositionnelles sont représentées dans les articles de ce volume, qui comprend une sélection des communications du colloque organisé en juin 2011 à Aix-en-Provence[1], portant sur le français, l’anglais et le basque.
1. Aspectualité de la préposition et effets contextuels : aspect lexical et aspect grammatical
Danielle Leeman étudie la préposition pour lorsqu’elle a un régime exprimant une durée (ex. pour 20 ans) : son identité aspectuelle, son rôle par rapport au verbe, les contraintes reçues du verbe et celles qu’elle impose (Je suis là pour une semaine VS ?Je reste là pour une semaine). L’adjoint temporel modifie l’aspect de l’énoncé (cf. je reviens pour deux jours VS je reviens à midi) : la préposition pour est typiquement liée à une visée, à une durée ouverte (on peut être embauché pour six mois et licencié au bout de trois semaines). D. Leeman montre que l’aspect de la relation prépositionnelle est prospectif et que le circonstant pour B impose au segment modifié A d’une part une compatibilité avec l’inchoativité pour permettre une entrée dans l’intervalle défini par sa durée, et d’autre part une compatibilité avec l’imperfectivité, le circonstant se caractérisant par sa durée, non par son terme.
Denis Le Pesant réexamine la définition des modes d’action (la catégorisation des procès en fonction de l’aspect lexical) et la fonction d’arbitre que peuvent avoir les prépositions en et pendant. Il met en avant des cas où les procès deviennent transfuges sous l’effet de cet arbitrage : les accomplissements (téliques) peuvent ainsi recevoir une délimitation transitoire dans le cadre de la saisie médiane opérée par pendant, au même titre que les processus et les états (X répara la machine pendant 5 minutes) ; en impose une délimitation exhaustive et fait basculer un intransitif inergatif de la catégorie des processus (X mangea pendant 5 minutes) à celle des accomplissements (X mangea en 5 minutes) ; l’opposition en / pendant n’est efficace que dans un contexte perfectif ou au présent générique. D. Le Pesant montre que la sous-catégorisation apportée par les prépositions en et pendant n’est qu’un effet des propriétés accidentelles des modes d’action. A l’inverse, les compatibilités de en et pendant mettent en évidence les propriétés de ces prépositions. Ce sont ces propriétés qui en font les arbitres de la sous-catégorisation.
Didier Bottineau, dans l’idée que «les marqueurs grammaticaux fonctionnent comme autant d’activateurs vocaux instruisant l’actualisation de processus cognitifs interprétatifs», centre son étude sur deux isomorphismes morphologiques, en anglais et en français, reliant les prépositions aux flexions aspectuelles verbales, en dépit d’origines hétérogènes en diachronie – respectivement in et -ing, et en et -ant. Il examine également la présence dans plusieurs microsystèmes, en basque, du contraste k / n, notamment dans des postpositions spatiales et relationnelles correspondant à de et en. K opératif s’oppose à N résultatif : k «opère une saisie aspectuelle inchoative, prospective et non présupposante» là où n opère «une saisie aspectuelle cursive, ‘inspective’ et présupposante du processus correspondant». En anglais, in saisit un repérage dans un espace délimité, tandis que -ing «représente une vision sécante du temps d’événement». En français, D. Bottineau fait l’hypothèse de «l’émergence d’un super-opérateur /ã/ muni d’un schéma instructionnel unique, la focalisation d’un en-cours, applicable sous la forme graphique -ant à un déroulement verbal».
2. Relation prépositionnelle et stabilité : effet sur le cotexte
Gérard Mélis s’interroge sur le régime des prépositions, et se demande dans quelle mesure une proposition à fonction nominale est à même d’être régime d’une préposition, et dans quelle mesure cette compatibilité est un indicateur de stabilité référentielle. Les subordonnées en if (interrogatives en si), en that (complétives en que) et en (for X) to V (infinitives), en anglais, ne peuvent jamais être régime d’une préposition, alors que les autres subordonnées à fonction nominale sont compatibles. G. Mélis montre que ces trois types de subordonnées ont une caractéristique, l’altérité – ou la démarcation –, altérité énonciative dans les deux premiers cas, altérité notionnelle dans le cas des infinitives, qui bloque leur compatibilité avec les prépositions : la préposition est une «marque de stabilisation». G. Mélis établit, au fil de son analyse, le lien entre saisie aspectuelle et relation prépositionnelle, en prenant en compte les observations faites sur les caractéristiques de la nominalisation, caractéristiques notionnelles, caractéristiques modales et caractéristiques aspectuelles – saisie et représentation de l’état de fait dénoté par le contenu propositionnel. A l’instabilité des subordonnées en if, en that et en (for X) to V, s’oppose l’acquis de structuration propre aux subordonnées en Ving et en wh- (présupposantes). G. Mélis aboutit à la conclusion que «seule une forme stabilisée» peut être régime d’une préposition, ce qui permet de confirmer la préposition comme marqueur de saisie : c’est l’une des manifestations de la relation prépositionnelle qui coïncide avec la définition de l’aspect.
Catherine Chauvin étudie la complémentation prépositionnelle des verbes directionnels en anglais et l’effet de la saisie prépositionnelle opérée dans le cadre de l’opposition at VS to sur l’interprétation du procès. L’interaction entre préposition et cotexte est telle que to saisit une relation dans laquelle le complément prépositionnel est complément de destination, alors que at saisit une relation dans laquelle le complément prépositionnel est la cible. La même opposition se retrouve dans la complémentation des verbes de pointage et dans celle des verbes de perception, et dans la complémentation des verbes smile et throw. Toute l’étude met en évidence que «l’emploi des prépositions a un impact sur le mode de saisie de l’événement», et que la relation avec le repère B – destination ou cible – est elle-même modulée en fonction de la préposition.
3. Concurrence ou complémentarité entre prépositions et aspect
Laurence Vincent-Durroux étudie la représentation des relations spatiales et temporelles à l’aide de prépositions chez les locuteurs sourds profonds, à partir de deux corpus constitués dans des conditions radicalement différentes de correction de la surdité. L. Vincent-Durroux montre que l’emploi des prépositions chez les locuteurs munis d’implants cochléaires efficaces est comparable à un emploi standard. L’appréhension de l’espace est néanmoins différente : l’exploration des formes de façon tactile se fait globalement chez les enfants sourds alors qu’elle se fait par étapes successives chez ceux qui ne le sont pas. Lorsqu’il y a une combinaison d’aspect lexical, de marqueurs aspectuels et de relations prépositionnelles, une tendance très nettement marquée chez les enfants sourds bénéficiant d’une correction auditive de qualité, est de n’activer qu’un seul marqueur d’aspectualité, soit le marqueur verbal, soit la préposition.
Tsuyoshi Kida et Martine Faraco observent les indices gestuels produits par une locutrice apprenant le français pour accompagner son discours oral. La mise en œuvre du répertoire de l’interlangue s’accompagne dans les séquences discursives étudiées, d’un marquage gestuel de durée et de bornage qui donnent lieu à un «rapprochement interprétatif avec la relation temporelle» : l’aspect peut être indiqué par un geste ou par la relation spatio-temporelle entre plusieurs gestes. T. Kida et M. Faraco mettent en évidence la complémentarité de l’aspect gestuel et de la parole dans la représentation d’une durée, d’un déplacement spatial, par exemple. L’aspectualité gestuelle et l’aspectualité discursive peuvent représenter deux points de vue complémentaires, mais le marquage gestuel peut aussi pallier l’inexpressivité aspectuelle de l’interlangue. Autrement dit, il peut y avoir redondance, complémentarité ou palliation, l’aspectualité gestuelle étant réalisée avec suffisamment de liberté pour être associée aussi bien à la partie thématique qu’à la partie prédicative de l’énoncé.
4. Relation prépositionnelle et détermination
Lise Hamelin et Yukiyo Homma s’intéressent aux énoncés dans lesquels pour introduit un segment détaché (Pour B, A). Ils examinent successivement Pour dire les choses clairement, A, qui définit un type de discours ; Pour lui, A, qui définit une source-point de vue, Pour le tourisme, A (ce pays est en retard), qui définit le thème de l’énoncé ; Pour l’instant, A, qui définit le caractère transitoire de la validité de A. L. Hamelin et Y. Homma démontrent que ces quatre types d’énoncés ont en commun que pour B construit le domaine de validation de la relation prédicative A ; et que ce domaine se construit selon une relation d’altérité par rapport à un autre ou à plusieurs autres domaines (pour C, pour D, etc.). Cette étude met aussi en évidence l’affinité de cette construction détachée de pour B avec une détermination forte, en accord avec la fonction contrastive de ce segment.
Éric Gilbert fait porter son étude sur la préposition anglaise among (parmi). Son approche s’appuie sur les observations suivantes : l’aspect est l’une des formes de détermination de l’énoncé ; la détermination qui relève de l’aspect verbal, comme la détermination nominale, s’organise selon la distinction entre discret, dense et compact ; certaines prépositions peuvent agir sur la valeur aspectuelle du verbe qui les régit. E. Gilbert met en évidence que la relation prépositionnelle opérée par among modifie non pas la valeur aspectuelle du verbe, mais celle du régime de among. La saisie prépositionnelle constitue le régime en tant qu’ensemble ; la préposition among admet ainsi des singuliers collectifs comme régime (among the government), mais également des singuliers d’ordinaire de type dense (among the tundra). E. Gilbert compare la saisie opérée par among à celles opérées par in et par between. Il montre que among a entre autres pour effets la discrétisation de son régime, constitué comme classe d’occurrences par différenciation et par identification, et que lorsque le terme repéré A correspond à un prédicat nominalisé, among met en place un régime B qui peut être agentif (substance use among / *in children is common), ou qui peut être un repère point de vue (already well-known among homeless advocates).
5. Relation prépositionnelle et contiguïté : position relative / position par rapport à une frontière
Lionel Dufaye examine les relations temporelles et les relations spatiales opérées par la préposition anglaise by. Il commence par une comparaison avec l’adjectif scalaire near, dont by se distingue par son absence de scalarité. Le repérage opéré par by se construit par contiguïté, par rapport à la zone frontière du domaine notionnel de A, selon une proximité qualitative ; autrement dit, la préposition by opère un repérage par différenciation de A par rapport à B, ou une localisation de A dans le voisinage de B. L. Dufaye observe les différents contextes de la relation A by B en fonction de leurs caractéristiques aspectuelles (point de vue rétrospectif, contexte aoristique, point de vue prospectif). Dans tous les cas cités, la localisation dans la contiguïté de B est vérifiée.
Claude Delmas observe les emplois de la préposition anglaise down. Le fonctionnement prépositionnel induit des valeurs aspectuelles diverses : celle d’un déplacement accompagné de l’emploi de for (J. Figg swam down the river for n hours), dans lequel un processus ou un état peut être localisé, et limité, dans un sous-intervalle et selon une relation de voisinage par rapport à une localisation initiale ; celle du point de vue d’un expérient, selon la perception orientée, et déictique, de l’observateur sur le monde qui lui tient lieu de support. L’emploi de down comme particule met en place des valeurs aspectuelles concernant le degré d’avancement d’un événement et, corrélativement, son degré d’effection. Ainsi down s’oppose à up pour signaler un état résultant (drink down) non réversible, définitif (close down) là où up signifie le provisoire (close up), ou pour signaler un terme atteint non dépassable (clean down) là où up signifie le dépassable (clean up).
6. Télicité construite et degré
Andrée Borillo étudie les propriétés des syntagmes prépositionnels jusqu’à SN lorsqu’ils établissent un point d’aboutissement dans le cours d’un déroulement ou lorsqu’ils expriment un degré très élevé ou extrême dans une échelle de gradation quantitative. Le point d’aboutissement peut être marqué par une localisation temporelle, mais également par des noms prédicatifs ([…] jusqu’à son application effective). A. Borillo examine les propriétés des deux segments mis en relation dans A jusqu’à B. Le prédicat verbal ou le nom prédicatif du segment A doit être affecté par le trait [+ duratif], que ce trait soit inhérent ou construit. Le segment B, SN régi par jusqu’à, doit avoir le trait aspectuel [+ dynamique]. Jusqu’à B fixe une borne, et B a une fonction télique, étape normale dans le traitement de A ou occurrence d’une nouvelle situation qui met un terme à A. Lorsque le syntagme prépositionnel exprime le haut degré, le trait [+ duratif] n’a plus de pertinence dans le premier segment : c’est le caractère gradable de A qui est toujours vérifié. Dans le segment régi par la préposition, le trait [+ dynamique] n’est pas nécessaire et la référence à un état est fréquente.
Graham Ranger, à partir des valeurs aspectuelles en apparence contradictoires induites en contexte par away, entreprend de dégager une forme schématique invariante à même de réconcilier ces emplois. Il examine successivement le schéma coprédicatif de l’emploi spatial (turn away) ; l’aspect terminatif (rot away), qui se construit avec des procès téliques ou atéliques, intransitifs dans lesquels le référent sujet est affecté, transitifs dans lesquels c’est le référent-objet qui l’est ; les structures résultatives, dans lesquelles on retrouve le schéma coprédicatif : l’aspect terminatif clôture un mouvement qui va de l’existence à l’inexistence, de la présence à l’absence. Dans les emplois imperfectifs, continuatif (work away) ou itératif (fire away), le sens construit est celui d’une progression continue, qui correspond au dépassement d’une attente normale pour un procès donné, d’où une parenté avec la valeur aspecto-modale intensive (talk away like mad). G. Ranger vérifie son hypothèse, selon laquelle away opère un repérage en discontinuité avec une première localisation, et marque le passage continu du premier repérage au second.
7. Relation prépositionnelle et saisie médiane
Tova Rapoport fait porter son étude sur la préposition anglaise with, selon l’opposition entre coïncidence terminale (into, to, off), dynamique et télique, et coïncidence centrale, atélique. With établit une relation statique, atélique, et T. Rapoport la considère comme prototypique à cet égard. Elle examine l’influence du cotexte dans l’interprétation de la relation prépositionnelle ; la relation de localisation établie par with, qui montre que le premier élément contrôle la localisation du second ; l’emploi (co)prédicatif de with (X loaded the wagon with Y) ; la propriété «holistique» envisagée comme effet de la combinaison de localisation et de (co)prédication dans les énoncés en swarm with (fourmiller de, grouiller de B) et en A be black with B (être noir de… [monde]). T. Rapoport conclut que with impose à ses arguments une relation de localisation «centrale», c’est-à-dire une saisie médiane.
Thomas Hoelbeek examine les emplois de la locution prépositive à / au / en travers (de) au XVIe siècle, en s’appuyant sur la notion de guidage. Il distingue mouvement spatial, mouvement fictif, mouvement métaphorique et position statique selon les cotextes. Adoptant la typologie de Vet, qui oppose les prédicats transitionnels (téliques) et les prédicats non transitionnels (atéliques), T. Hoelbeek envisage leur compatibilité avec à travers, qui tend à sélectionner des procès non téliques et une saisie médiane, tout en restant compatible avec les procès atéliques, processus ou états. L’orthogonalité est primordiale dans la relation entre B et la trajectoire de A.
Claire Martinot s’intéresse aux constructions gérondives françaises, P en Vant, et à la question de leur ambiguïté et de leur classement. Sur ce point, C. Martinot constate que «la question de l’ambiguïté interprétative du gérondif ne se résout pas par un classement sémantique en 4 ou 5 catégories de gérondifs […], d’une part parce que plusieurs lectures sont légitimes et en fait complémentaires, d’autre part parce que certains gérondifs n’entrent dans aucun des classements jusqu’à présent proposés». Les variations cotextuelles sont responsables des variations d’interprétation, et l’interprétation se stabilise quand le contexte est pris en compte. A propos d’une paire minimale comme Pierre marche en boitant, VS Pierre boite en marchant, C. Martinot défend l’idée que «la légère différence de perspective n’est pas un argument pertinent pour dire que le sens change». Et elle conclut de cette position que le test de la réversibilité «permet d’obtenir deux grandes classes d’enchaînements : une classe dans laquelle la réversibilité entraîne un changement de sens et une classe dans laquelle la réversibilité n’entraîne pas de changement de sens».
A l’issue de ce volume, de multiples voies ont été explorées. La relation prépositionnelle est bien une forme de saisie, comme l’aspect ; elle se caractérise par sa dépendance, comme l’aspect. Elle est à même de déterminer, de caractériser ou de modifier un référent nominal, un procès, un contenu propositionnel ; à même d’infléchir la détermination aspectuelle d’un énoncé ou d’en être l’arbitre. Elle est aussi la matérialisation d’un point de vue, et les relations qu’elle met en place sont conçues à travers le filtre de l’expérience humaine.
[1] J’adresse ici tous mes remerciements aux membres du comité d’organisation, à Aïno Niklas Salminen, à Gabor Turcsan, et tout particulièrement à Agnès Steuckardt, co-organisatrice, pour son travail de relecture ; à tous les participants, pour leur précieuse contribution à ce travail collectif et pour leur patience ; au comité scientifique – Andrée Borillo, Jacques Brès, Pierre Busuttil, Monique De Mattia, Lionel Dufaye, Jean-Marie Fournier, Joëlle Gardes, Lucie Gournay, Danielle Leeman, Seth Lindstromberg, Franck Neveu, Linda Pillière, Vladimir Plungian, Nicolas Tournadre, Anne Trévise, Céline Vaguer, Charles Zaremba – ; à Aurélien Bertin et à Absa d’Agaro, pour leur talentueuse contribution ; à Marie Loiseau pour son travail de relecture et son aide technique ; à Mary-Annick Morel pour son accueil généreux ; à l’UFR LAG-LEA et à l’UMR 6057, à l’Université de Provence, pour leur concours et leur soutien.