n° 43 : Varia

Résumés / Abstracts

 

Présentation générale par Anaïd Donabédian et Reza Mir-Samii (p. 5)

 

1. Gros plan

Jean-Léo Léonard : Le Sprachbund mésoaméricain : instanciation spatiale d’un concept opératoire [Mesoamerica as a linguistic area: exploring the spatial dimension of a heuristic concept] (p. 11)

Résumé : La Méso-Amérique, concept initialement conçu par Paul Kirchhoff en 1943, dans le cadre de l’anthropologie évolutionniste, est une aire connue pour ses tendances à la convergence structurale aréale, au même titre que les Balkans. Cependant, comme la plupart des «aires linguistique», le Sprachbund méso-américain reste, paradoxalement, sous-problématisé sur le plan géolinguistique. Le présent article tente de remédier à cette lacune en proposant une modélisation en chorèmes et en diatopes. Sur la base d’une matrice de traits désormais devenue canonique (celle de Campbell & al., 1986), le Sprachbund méso-américain est revisité d’une part en fonction d’un modèle quadripartite de Kihm (2006), d’autre part, en suivant à la trace les adstrats lexicaux dans les langues mayas, sur la base des données réunies par Kaufman & Justeson (2003). Le Sprachbund méso-américain révèle alors des indices d’une grande richesse concernant les modalités d’interaction entre langues constitutives, interprétables à la lumière de la périodisation ethnohistorique des archéologues, et ouvre des perspectives pour un traitement des Sprachbünde ou aires de convergence structurale en termes de systèmes complexes.

Abstract : Mesoamerica was initially contrived in a Paul Kirchhoff’s seminal paper (1943) as a cultural area, on the basis of anthropological and archaeological traits, within the framework of evolutionary anthropology. The construct holds as well as a Sprachbund, or Linguistic Area, as was convincingly argued later on (Campbell & al., 1986). Nevertheless, the Mesoamerican Sprachdund still awaits a geolinguistic survey on the basis of isoglosses, instead of relying only on feature matrices designed according to the Kirchhoff’s protocole (core area vs. lateral areas, north and south). This paper is an attempt to model geolinguistic interactions within a Sprachbund, through choremes and diatopes. Areal traits are pondered according to the phylogenetic, typological, geolinguistic or universal constraints they depend on. We use Mayan loanwords (adstrats) from neighbouring linguistic stocks and languages (Mixe-Zoque, Nahuatl, other Mayan languages) in order to trace trajectories, paths and centers of diffusion, with subsequent semantic and hence, semiotic reinterpretation. We use Kaufman & Justeson’s data (K & J 2003) to explore patterns of diffusion in space and time. We conclude that linguistic areas or Sprachbünde are phenomena which resort to complexity theory. The heuristic construct of Sprachbund demands indeed such an integration, within an interdisciplinary framework designed for multidimensional modeling.

2. Dossier : Marqueurs discursifs

Claire Saillard : From demonstrative to definite and beyond: the case of nage 那個 in spoken Taiwan Mandarin [Du démonstratif au défini et au-delà : le cas de nage 那個 en chinois standard parlé à Taiwan] (p. 41)

Résumé : Les cas de grammaticalisation de pronoms démonstratifs donnant naissance à des articles définis sont bien documentés (Lehmann 2002, De Mulder et Carlier 2011). Dans une vision synchronique des choses, il a été noté que les déterminants démonstratifs ne se restreignaient pas à la fonction déictique ou anaphorique, mais pouvaient avoir d’autres emplois qui, selon les langues, allaient du défini à l’indéfini.

En chinois standard moderne (putonghua 普通话 en Chine, guoyu 國語 à Taiwan), l’inventaire des déterminants du nom ne fait pas état d’articles, mais il existe une paire de démonstratifs zhe 這 (proximal) et na 那 (distal) qui peuvent être utilisés comme déterminants en association avec des classificateurs. Selon les variétés orales étudiées, diverses constatations ont été faites concernant l’extension sémantique et pragmatique de ces démonstratifs.

Dans cet article, nous nous intéressons au cas du distal na 那, et plus particulièrement la combinaison démonstratif + classificateur nage 那個. Nous montrons en quoi ses différentes valeurs, telles que relevées dans des corpus d’interactions orales spontanées (Huang 1999 puis nos propres corpus), peuvent être considérées comme faisant partie d’un continuum sémantico-pragmatique. Nous proposons ensuite des critères permettant de discriminer entre les divers usages de nage 那個 dans les interactions orales, révélant également des zones d’incertitude ou de pluralité des fonctions, typiques d’une situation de variation.

Abstract : When demonstrative pronouns undergo grammaticalization, they have regularly been shown to evolve into definite or specific articles (Lehmann 2002, De Mulder & Carlier 2001). In a synchronic perspective, it has also been shown that for some languages, demonstrative determiners are not restricted to deictic or anaphoric functions, but may extend their uses to definite or indefinite determination.

In modern standard Chinese (putonghua 普通话 in China, guoyu 國語 in Taiwan), there is no acknowledged ‘article’ among the inventory of parts of speech. Instead, there exists a pair of demonstratives, zhe 這 being the proximal form and na 那 the distal form. Both can be used as determiners in association with classifiers. Depending on which spoken variety is studied, various semantic and pragmatic extensions of the demonstratives have been described.

In this paper, we examine the case of distal demonstrative na 那, particularly when combined with classifier ge 個. We aim to show that its different uses, as described by Huang 1999 and found in our own corpus, pertain to a single semantic-pragmatic continuum. We then propose a set of criteria allowing to discriminate between all these uses in spoken data, revealing fuzzy zones where the distal demonstrative is either ambiguous or may have several values, as may well be the case in a situation of language variation.

 

Edoardo Lombardi Vallauri : What can Japanese -wa tell us about the function of Appendixes [Ce que le japonais -wa nous dit sur les dislocations à droite] (p. 61)

Résumé : Les «Appendices» doivent-ils être considérés comme des topiques à droite ou comme un type différent d'unité d'information ayant une fonction illocutoire différente? Sur cette question générale, l’article vise à proposer des solutions valables d'un point de vue interlinguistique en vérifiant l'affinité entre les dislocations à droite et la marque -wa en Japonais. On examine d'abord la nature de -wa dans la littérature récente, pour préciser en quel sens de «Topique» cette postposition peut être considérée comme une marque de topique. Ensuite, les réponses des locuteurs japonais à un test confirment que, quand ils apparaissant dans les «Appendices»/dislocations à droite, les nominaux reçoivent plus souvent la marque ‑wa (de même que la marque zéro) ajoutée ou même substituée à d'autres marqueurs de fonction, que quand ils apparaissent comme constituants internes ayant la même fonction sémantique. Cela peut être interprété comme un indice du fait que les Appendices sont en effet des topiques. Une analyse du phénomène des dislocations à droite conduite sur un grand corpus de Japonais parlé fournit des résultats qui peuvent être interprétés dans la même direction.

Abstract : Are Appendixes to be considered the same as Right Topics, or as a different kind of information unit, with different illocutionary function? The paper tries to shed some light on this general issue, aiming at crosslinguistically valid results, by testing the affinity between «Tail» (right-dislocated) constituents and -wa marking in Japanese. The status of -wa is first explored in the recent literature, in order to specify in which of the different meanings of «Topic» it can be considered a Topic marker. Subsequently, a test performed by Japanese speakers confirms that, when appearing as Tails/Appendixes, nominals are more likely to receive -wa marking (as well as zero marking) supplementing or even replacing other function markers, than when appearing as internal constituents with the same semantic functions. This can be interpreted as evidence that Appendixes are indeed Topics. Data from an extensive corpus of spoken Japanese can be interpreted as going in the same direction.

 

Outi Duvallon : Le marqueur discursif finnois -hAn : double repérage énonciatif [The Finnish discourse marker ‑hAn: a double enunciative linkage] (p. 87)

Résumé : Cet article se propose d’examiner la particule finnoise ‑hAn du point de vue de la problématique des éléments polycatégoriels. L’objectif est de définir, d’une part, l’identité sémantique de cet élément et, d’autre part, son rôle en tant que marqueur discursif qui apporte des déterminations sur le statut de l’énoncé dans la scène énonciative (Paillard, 2009).

L’enclitique ‑hAn est issu d’un pronom, hän «il/elle», qui appartient à un système de référence à la troisième personne permettant de distinguer plusieurs espaces énonciatifs. En tant que logophorique dont le contexte d’emploi typique est celui du discours rapporté (cf. Hagège, 1974 ; Roncador, 2006), hän situe son référent dans un espace énonciatif second qui est distinct de l’espace énonciatif dans lequel est engagé le locuteur (Sit0). L’hypothèse défendue est que le marqueur discursif ‑hAn est doté d’une identité sémantique abstraite qu’il partage avec le logophorique hän. La définition de la fonction de ‑hAn se fonde sur l’idée d’un double repérage de l’énoncé dans la scène énonciative. ‑hAn indique que le locuteur n’est pas l’instigateur de la relation prédicative de l’énoncé. Celle-ci s’associe au repère énonciatif virtuel SX (cf. Paillard & Markowicz, 1986 ; De Vogüé, 1987) qui se situe en dehors de l’espace intersubjectif de la scène énonciative. Seul le mode sous lequel la relation prédicative est actualisée dans le discours se détermine depuis la position subjective S0.

La première partie de l’analyse des exemples, tirés d’un corpus littéraire reflétant l’emploi de ‑hAn dans les dialectes orientaux du finnois au XIXe siècle, s’intéresse à la valeur désassertive que le marqueur discursif ‑hAn donne à l’énoncé ; la deuxième partie examine le statut de préconstruit de la relation prédicative des énoncés en ‑hAn. Le marqueur discursif ‑hAn s’emploie dans des énoncés qui s’écartent, d’une manière ou d’une autre, des attentes qui émergent du contexte. Le recours à ‑hAn, qui peut être rapproché typologiquement de la classe des marqueurs discursifs «du dire», indiquant que l’énoncé exprime un «vouloir dire» qui n’est pas celui du locuteur (Paillard, 2011 ; Paillard & Vu Thi, 2012), est considéré comme un moyen de dépasser un conflit des points de vue dans l’espace intersubjectif de la scène énonciative.

 

Abstract : This paper examines the Finnish particle ‑hAn from the perspective of the description of polycategorical units. The aim is, on the one hand, to define the semantic identity of ‑hAn and, on the other hand, to discuss its role as a discourse marker that provides determinations on the status of the utterance in the enunciative scene (Paillard, 2009).

The clicic ‑hAn is etymologically related to the pronoun hän “s/he” that belongs to a system of third-person reference allowing to distinguish more than one enunciative space. As logophoric pronoun, which is typically used in the reported speech (cf. Hagège, 1974; Roncador, 2006), hän places its referent in a secondary enunciative space which is separate from the enunciative space in which the speaker is engaged (Sit0). The hypothesis defended is that the discourse marker ‑hAn is endowed with an abstract semantic identity that it shares with the logophoric hän. The definition of the function of ‑hAn is based on the idea of a double enunciative linkage of the utterance. ‑hAn indicates that the speaker is not the instigator of the predicative relation expressed by the utterance. This one is associated to a virtual enunciative position noted SX (cf. Paillard & Markowicz, 1986; De Vogüé, 1987) which is located outside of the intersubjective space of the enunciative scene. Only the mode of actualizing the predication in the discourse is determined from the subjective position S0.

The data of this study is collected from a literary source that reflects the use of ‑hAn in the oriental dialects of Finnish in the 19th century. The first part of the analysis deals with the unassertive value ‑hAn gives to the utterance; the second part examines the status of preconstruct that is characteristic of the predicative relation in the ‑hAn-utterances. The discourse marker ‑hAn is used in utterances that deviate in one way or another from expectations that emerge from the context. The use of ‑hAn, which can be compared typologically to the class of discourse markers indicating that the utterance expresses a “meaning” that doesn’t originate from the subjective position S0 (Paillard, 2011; Paillard & Vu Thi, 2012), is considered as a device to move beyond a conflict in the intersubjective space of the enunciative scene.

 

Cristina Petraş : «Noms métalinguistiques» et grammaticalisation : manière (de) en français acadien [«Metalinguistic nouns» and grammaticalization: manière (de) in Acadian French] (p. 115)

Résumé : Cet article envisage l’emploi adverbial de manière (de) en français acadien du sud-ouest de la Nouvelle-Ecosse, s’attachant à retracer le parcours de grammaticalisation ayant conduit de l’enclosure une manière de à ce genre d’emploi. Le parallélisme entre le parcours de grammaticalisation de manière et celui de genre peut indiquer un type de changement qui touche la classe des noms métalinguistiques, plus généralement.

Abstract : This paper deals with the adverbial use of manière (de) in Acadian French from south-western Nova-Scotia. It describes the process of grammaticalization which leads from the hedge une manière (de) to this kind of adverbial use of manière (de). The parallel between the process of grammaticalization of manière and that of genre could suggest a type of change which characterizes the category of metalinguistic nouns.

3. Enjeux

Martine Sekali : Coordination et subordination revisitées : des structures traces d’opérations ? Discussion théorique à partir d’un corpus anglais [Revisiting coordination and subordination at the interface between syntax, semantics and discourse. A theoretical discussion based on English] (p. 137)

Résumé : La question est ici posée de savoir s’il est possible, comme on le fait pour ce que l’on nomme des «marqueurs», de décrire les structures complexes comme des traces d’opérations invariantes. Ceci suggère que l’on puisse considérer, dans l’interface entre syntaxe, sémantique et discours, des «opérations de structures» qui ne sont pas réductibles à l’agencement des opérations de marqueurs qui les constituent, mais qui sont en «synergie» avec ces opérations de marqueurs. Je propose donc de définir ces structures comme des traces d’opération à part entière, ayant elles-aussi une capacité intégrative différentielle, ce qui implique donc aussi une interaction avec des paradigmes d’opérations de marqueurs. C’est dans cette démarche d’analyse à l’interface que je propose de revisiter la distinction entre coordination et subordination, à partir de données en langue anglaise. Je les redéfinis par des schèmes opératoires qui associent plusieurs dimensions de repérages relationnels dynamiques, et où la notion de hiérarchie n’est plus opérante. La notion de «hiérarchie» n’étant fonctionnelle que dans le système de représentation statique et unidimensionnel de la syntaxe, et souvent inverse de la représentation des repérages sémantiques que l’on peut dégager dans les constructions complexes, j’opte pour un regard sur l’interface entre syntaxe, sémantique et discours, qui fait ressortir une possible identité des constructions complexes dans leur association différentielle de l’organisation thématique et de la prédicativité linéaire.

Abstract : This study opens a debate on whether or not complex structures can be analyzed as traces of cognitive operations in the same way as simple grammatical operators are. This suggests the possibility to take a syntax/semantics/discourse interface view on structures as macro-operators whose core functions cannot be reduced to the composition of the micro-operators they are made of, but which work in linguistic “synergy” with their component markers. This article is based on English data and revisits the distinction between English coordination and subordination as specific interface operations. It argues against the notion of hierarchy of propositions as a defining property in this distinction, and suggests definitions in terms of their respective dependence on discourse dynamics.

 

Guillaume Roux : Catégoriser les productions de la période des premiers mots de l'enfant [Categorizing children utterances in the first words period] (p. 157)

Résumé : La période des premiers mots de l’enfant est complexe car plusieurs types de productions différents coexistent : babillage varié, proto-mots, mots. Cependant, l'observation de l'état de la question aujourd'hui nous renseigne sur la présence d'une grande variabilité dans la façon dont les chercheurs établissent les différentes catégories, tout particulièrement au niveau de ce qui distingue un proto-mot d'un mot (Menn, 1978 ; Dromi, 1999). Comment peut-on donc répondre clairement aux questions «qu’est-ce qu’un mot ?» et «qu’est-ce qu’un proto-mot ?» et y a-t-il une différence suffisamment évidente pour déterminer l’existence de ces deux catégories ? Face à l’absence de consensus scientifique, l’hypothèse principale de notre travail est de montrer que l’adulte «profane» en acquisition du langage peut, lorsqu’il est interrogé sur des productions audio et vidéo d’un enfant, distinguer intuitivement ces deux catégories et définir quels sont les éléments qui fondent leurs différences. Notre seconde hypothèse est que ce qui fonde la différence majeure entre les proto-mots et les mots se situe au niveau de la proximité morphologique et phonologique du mot de l’enfant et du mot de la langue. Ainsi, les proto-mots et les mots que nous avons retenus ont été isolés au préalable en fonction des critères que pouvait apporter la littérature scientifique. Les productions ont toutes été sélectionnées dans la période des premiers mots, lorsque les enfants étaient au niveau I en fonction de leur LME (Longueur Moyenne des Enoncés) (Brown, 1973). Avec ces mots et ces proto-mots présélectionnés, nous avons ensuite réalisé un test de perception auprès de dix adultes soumis, dans le désordre, à dix productions de proto-mots et à dix productions de mots de quatre enfants. Il s’est avéré que non seulement les adultes percevaient la différence entre les proto-mots et les mots, mais qu’ils pouvaient définir la nature de cette différence, notamment au niveau de la qualité de la prononciation de l’enfant.

Abstract : The first words period is a complex one because different types of productions coexist: variegated babbling, canonical babbling, words, protowords. However, on this topic, the state of the art shows us variability in the way the researchers define these various categories, particularly in what distinguishes a protoword from a word (Menn, 1978; Dromi, 1999). How can we thus answer clearly the questions «what is a word?» and «what is a protoword?», and is there an obvious difference determining the existence of these two categories? In front of the absence of a scientific consensus, the main hypothesis of our work is to show that the adult can, when he is questioned about the productions of a child, distinguish intuitively these two categories and define what are the elements differentiating them. Our second hypothesis is that what the major difference between protowords and words is situated at the morphological and phonological levels. The productions were all selected from the first words period, when children were level I according to their MLU (Mean Lenght of Utterances) (Brown, 1973). With these words and these protowords, we have then realized a test of perception with ten adults listening to, in disorder, ten productions of protowords and ten productions of words of four children. It has been shown that the adults could perceive the difference between protowords and words, and that they could define the nature of their differences, particularly at the level of the quality of the child pronunciation.

 

Maryna Lytvynova et Huy Linh Dao : Fonctionnement des relatives narratives et descriptives du français [Discourse functioning of French narrative and descriptive relative clauses] (p. 179)

Résumé : Le présent travail se propose de mettre en lumière certaines propriétés discursives des propositions relatives narratives et descriptives du français et donc de relancer le débat (Giora 1983, Brandt 1990, Look 2007) sur leur contribution dans l’organisation textuelle. Plus spécifiquement, en nous fondant sur une étude de corpus réalisée dans le cadre de la théorie du centrage d’attention (Walker & al. 1998), nous suggérons que (i) la distinction fonctionnelle entre ces deux types de relatives (Lambrecht 1998, Gapany 2004) n’est pas pleinement motivée empiriquement, et que (ii) malgré leur ressemblance syntaxique, sémantique et pragmatique avec les propositions indépendantes (Emonds 1979), elles sont dépourvues d’autonomie fonctionnelle, du moins pour ce qui est de leur faculté d’infléchir les transitions référentielles entre des énoncés.

Abstract : This article intends to shed light on some discourse properties of narrative and descriptive relative clauses in French and thereby to revive the debate (Giora 1983, Brandt 1990, Look 2007) about their contribution in text organization. More specifically, going by a corpus study realized in the framework of Centering theory (Walker & al. 1998) we suggest that (i) functional distinction between these types of relatives (Lambrecht 1998, Gapany 2004) is not fully motivated empirically, and that (ii) despite number of syntactic, semantic and pragmatic characteristics they share with root clauses (Emonds 1979), they have no functional autonomy at least as for their ability to influence referential transitions between utterances.

 

4. Langues une à une

Pierre-Don Giancarli : L’accusatif prépositionnel en corse [Differential Object Marking in Corsican] (p. 197)

Résumé : Cet article aborde les questions suivantes : en quoi le marquage différentiel de l’objet consiste-t-il en corse, dans quelles conditions apparaît-il, et quelle représentation peut-on en donner. Dans le cadre d’une relation transitive de référence, la préposition réduit le degré d’affectation de l’objet et permet à l’énonciateur d’éloigner la perspective de validation ou de signaler la nature problématique de cette dernière.

Abstract : This article raises the following questions: what does the differential marking of the object consist in Corsican, what are the conditions of its use, and what representation can be provided for it. Within a transitive relationship taken as a model the preposition protects the object from the change of state impelled by the subject argument and enables the enunciator to make the prospect of validation less likely or call the predicative relation into question.

 

5. Langues entre elles

Georgeta Cislaru : J’ai peur pour toi : les énoncés allocentrés en français et en roumain [I am frightened for you: Allocentric constructions in French and Romanian] (p. 213)

Résumé : L’article décrit l'emploi des énoncés allocentrés de la peur (J'ai peur pour toi) en français et en roumain, dans des corpus divers tels que les bases de textes littéraires, la presse, l’internet, etc. Après une description syntaxique et sémantique de la construction, on s’interroge sur son caractère empathique. L’étude de corpus met en évidence des valeurs sémantico-pragmatiques à axiologie positive et négative, qui se répartissent parfois différemment en français et en roumain.

Abstract : The issue of this paper is to describe the use of FEAR-allocentric constructions (like I am worried for you) in French and in Romanian through various corpora: literary databases, news and media, Internet, etc. The syntactic and semantic description of the construction is followed by a discussion concerning its empathic feature. Corpus analysis highlights semantic-pragmatic values which may be axiologically positive or negative. The different values are in some cases more specifically attached to one or another language.