Si la catégorie de la personne permet à celui qui parle de s'inscrire dans ce qu'il dit, comment comprendre que certaines langues se passent si aisément du pronom personnel et n'aient pas d'équivalent direct de notre "je, tu, il"? Telle était l'une des questions qui incitait le Comité de Rédaction à lancer le présent numéro. Le lecteur jugera s'il dispose dans les pages qui suivent d'éléments suffisants pour répondre.
En tout cas, le débat ouvert permet de clarifier les enjeux. La personne semble en effet osciller entre deux types de manifestations: d'un côté elle permet de définir la valeur référentielle d'un argument du verbe, notamment celle du sujet. D'où une tendance théorique à lui assigner les fonctions du pronom, voire du nom. Mais d'un autre côté, elle apparaît également comme une catégorie qui permet de moduler le point de vue que l'énonciateur adopte sur ce qu'il dit. Ici l'on débouche sur des dimensions qui ne sont plus exclusivement celles du pronom, mais ressortissent de la modalité.
Le numéro s'ouvre par plusieurs articles qui mettent la question en perspective, tant dans l'histoire et la tradition occidentale, que dans d'autres cultures, japonaise et tamoule notamment. On y verra ainsi les liens que chaque théorie peut entretenir avec les caractéristiques de la langue où elle se constitue.
Vient ensuite un ensemble de réflexions sur l'incidence de la catégorie de la personne dans la construction du sujet d'un énoncé. Ici la réflexion sur le sujet croise celle sur la personne proprement dite.
Un troisième ensemble traite des différentes manifestations de la personne comme "point de vue". On y verra comment l'étude de l'oral, celle du langage de l'enfant, et notamment celle de l'enfant aveugle, peut infléchir certaines considérations.
Enfin, on a souhaité également donner un aperçu des variations sociales qui affectent l'emploi des personnes. Comme on sait, la désignation de soi-même et de l'autre peut être parfois régie par des systèmes complexes. C'est à leur description et à la recherche de leur cohérence que l'on a consacré la dernière partie du recueil.