Ce poisson est étrange. Mais rien ne nous semble bizarre dans cet énoncé. Et pourtant. Nous pourrions nous étonner de ne pas avoir à intercaler un classificateur entre le déictique et le substantif. Mais non. Il y a tout simplement des langues à classificateurs et d'autres qui ne le sont pas. Diverses théories linguistiques s'en tiennent là. Est-ce si simple et si peu significatif ?
Un fait généralement passé sous silence vient relancer la question. On peut très bien en chinois ne pas mettre de classificateur CL entre le déictique D et le nom N. Cette absence de CL en chinois vaudrait-elle l'absence de CL en français ? Si la théorie pose que D+N et D+CL+N, variantes de surface, impliquent des opérations identiques, on est dans l'embarras, car il existe une différence de valeur en chinois entre ces deux types de groupes nominaux.
Partant d'une hypothèse de la variabilité du statut du nom, l'étude présentée ici montre que dans ces énoncés chinois qui comportent un déictique mais pas de classificateur ce sont des éléments modalisateurs qui font obstacle à un plein achèvement des processus de référenciation.
Une série de faits chinois en vient ainsi à éclairer des questions de linguistique française, dont celle de la deixis, tout en mettant en relief la diversité morphodynamique des langues.
Daria Toussaint est docteur en linguistique générale de l'Université de Paris 5. Après avoir bénéficié d'une bourse SSAS, elle poursuit actuellement ses recherches en Chine et enseigne à la SISU, Shanghai International Studies University.