n° 5 : La comparaison

 

Présentation générale

par Laurent Danon-Boileau et Mary-Annick Morel

 

Wallon et Piaget nous ont enseigné que la comparaison est, sous une forme différente de celle que les mathématiques pourraient suggérer, l'opération la plus commune de la pensée. Pour préciser le statut d'un objet quelconque, on s'efforce de le distinguer de de ses pairs.
Voici des billes. Une fois admise l'existence de cette commune sphéricité qui permet de les placer dans le même sac, quelle forme donner à la découverte des différences? L'étude des langues montre qu'il en existe essentiellement deux.
La première se saisit d'une propriété particulière de la bille que l'on observe et souligne qu'elle permet de la distinguer de l'ensemble où elle s'inscrit. A partir de la couleur rouge par exemple, on construit un comparatif qui indique que l'objet dont on s'est emparé est le seul rouge du sac.
La seconde convertit une propriété uniforme en qualité nuançable. Le comparatif indique alors que le rouge de la bille que l'on tient est d'un ton particulier - un certain rouge - que l'on peut, d'ailleurs, ne pas autrement préciser. La quête des différences ne touche plus la relation de la bille à ses pairs. Elle affecte l'image que l'on se fait de la couleur elle-même et dont on se propose de préciser la teinte.

On aura reconnu l'opposition définie par Benveniste. Charles de Lamberterie en précise les conséquences et les enjeux: il y a deux types de dérivés comparatifs, celui qui différencie un objet de son tout de référence, et celui qui définit sa nuance qualitative en l'assimilant, à l'occasion, à celle de l'étalon de la propriété qu'on lui confère (comme si, pour tenter d'objectiver la nuance de la bille rouge de tantôt, on la disait rouge sang). La morphologie reprend diversement cette opposition. En russe par exemple, comme le montre Marguerite Guiraud-Weber, le comparatif synthétique note l'assimilation, tandis que le comparatif analytique marque la différenciation. Revenons un peu sur chacun des deux types.

1.1 La comparaison différenciante au sens strict:. Elle permet de détacher un élément de son tout de référence en nommant la propriété qui l'en distingue. Ainsi, dans le couple que forment les deux mains, le terme qui désigne la main droite est étymologiquement un comparatif: "dex-ter". Il ne s'agit pas de la plus à droite des deux, mais de la seule qui soit à droite de l'axe du corps. Le suffixe en -ter est marque d'altérité, le radical "dex-" indique en quoi elle consiste. D'ailleurs -ter , comme le note René Rivarra, se retrouve dans divers marqueurs qui signifient "autre ("o-ther", "al-ter", "an-der"). Dans leur analyse du discordantiel, Jacques Damourette et Edouard Pichon indiquaient déjà le lien entre négation (entendue comme dissociation) et comparaison.
Parfois, cette différenciation dérive vers l'expression d'un superlatif. C'est le cas lorsqu'une prétendue propriété différentielle est en réalité commune à tout le groupe. Dire d'Onassis que dans l'ensemble des armateurs grecs, il se distingue des autres par ce qu'il a le bonheur d'être riche, c'est dire en fait qu'il est plus riche que les autres. Diverses langues offrent ce genre de tour. Nathalie Bosson le note en copte, où l'emploi d'un adjectif comme "fort" dans une structure telle que "Parmi les enfants, il est fort" prend valeur de superlatif et signifie au fond "Il est plus fort que tous les autres enfants".

1.2. La comparaison différenciante par approximation Par un détour curieux, il se fait parfois que la comparaison différenciante conduit à l'approximation. Benveniste le suggère dans sa réflexion sur la formation du nom du mulet. Dans diverses langues, ce nom correspond à quelque chose comme "cheval + -ter". Pour suivre la pensée, il faut poser que l'animal est implicitement inscrit dans la classe des ânes, et que sa ressemblance avec le cheval y signe alors une différence. Mais, rangé parmi les ânes, le mulet ne sera jamais qu'une approximation de cheval. Dans une expression telle que "cheval + -ter", -ter devient rapidement marque d'approximation. L'approximation est une manière de caractériser un objet en signalant que sa propriété différentielle serait identifiable au concept d'une classe à laquelle pourtant il n'appartient pas. Bien qu'il ressemble au cheval, le mulet demeure - implicitement - dans la classe des asinés.
C'est sur ce mode que Corinne Delhay décrit le fonctionnement du diminutif. Loin d'établir une homotétie entre deux objets qui ne diffèreraient que par leur taille, le diminutif définit une relation d'approximation qui permet de concevoir le définiendum (terme à définir) par référence aux propriétés du définiens (terme qui sert à définir), tout en maintenant l'écart entre eux. Dire d'une habitation que c'est une maisonnette n'est pas tant fournir des indications sur sa taille que tenter de caractériser ce type de demeure en la rapprochant de la notion de maison, tout en soulignant malgré tout qu'elle n'est pas vraiment incluse dans cette classe. Le raisonnement est plus clair encore avec "poussette": il s'agit d'un objet que l'on peut définir dans la série des véhicules, en évoquant le geste de "pousser". Mais cette caractérisation ne définit pas le but recherché. Si un poussoir sert bien à pousser, une poussette sert à promener des enfants plutôt qu'à les pousser.

2. La comparaison d'assimilation:. A côté de la comparaison différenciante, le second type de comparaison (celui de "mel-ior" par exemple), convertit une propriété uniforme en qualité diversifiée, pour permettre de préciser la nuance que l'on reconnaît à un objet donné. Cette précision opère en l'assimilant la nuance à la valeur d'excellence portée par son parangon.
L'inscription du parangon peut revêtir diverses formes. Elle peut être une marque casuelle de localisation indiquant en somme le lieu de résidence de cette nuance centrale de la qualité. C'est ce que l'on rencontre en latin, en russe, en copte,en hindi, ou en tswana avec des marques comme l'ablatif, le génitif, ou le locatif. Mais elle peut aussi se faire à l'aide d'un marqueur soulignant que ce parangon est une cible vers laquelle tend la nuance repérée. C'est le cas en ajïe comme le relèvent Michel Aufray et Jacqueline de la Fontinelle.

Avec le type de construction qui localise la nuance centrale sur le parangon, on n'est plus très loin des expressions étudiées par Pierre-André Buvet et Gaston Gross. Dans "fièvre de cheval" en effet, le "de" de "de cheval" ne note pas à qui appartient la fièvre, mais stipule que "cheval" est institué en prototype, emblème de la nuance centrale de la propriété correpondant à "fièvre".

3. L'effet des adjectifs scalaires:. Certains adjectifs scalaires font nécessairement recours à la comparaison (cf. entre autres l'article de René Rivarra). Si l'on peut dire d'une bille qu'elle est noire sans la dire plus ou moins noire qu'une autre, on ne saurait dire qu'elle est grande ou lourde sans la comparer à une autre, fût-ce implicitement. Il convient alors d'examiner comment cette comparaison scalaire s'inscrit dans les langues et de voir , le cas échéant, la relation qu'elle entretient avec les deux types de comparaisons relevés jusqu'ici.
Comme la notion de grandeur n'a pas de sens dans l'absolu. Il faut, pour la mettre en jeu, lui faire définir une relation entre deux objets. Ou bien la rapporter à une échelle.
L'idée que Jean est plus grand que Paul peut se traduire ainsi de deux façons. Ou bien par un verbe, et l'on aboutit alors à "Jean dépasse Paul, question taille". Ou bien en se servant de Paul après coup pour fixer un ordre de grandeur à la propriété que l'on reconnaît à Jean. Ce qui conduit à quelque chose comme "Jean est grand, à l'échelle de Paul". On n'est pas très loin d'énoncés du type "L'éléphant est grand, comme mammifère".

Dans la première formulation, on commence par indiquer la nature de la relation établie entre les deux individus (égalité ou supériorité) par une sorte de verbe, puis on stipule dans quel registre elle se situe (taille, poids, force, etc.). Les études de Denis Creissels, Abdallah El Mountassir, Claudine Chamoreau, Jacqueline de la Fontinelle et Michel Aufray montrent que ce type de constructions se rencontre en tswana, en berbère marocain, en phurhépecha, en tahitien et en ajië.
Dans la seconde formulation, au lieu de définir la relation qui lie Jean à Paul on attribue à Jean la propriété 'être grand' comme s'il s'agissait d'un attribut non-scalaire, puis on fournit a postériori un individu qui précise l'échelle. Autrement dit, on ajoute la dimensionnalité après coup à l'aide d'un exemple qui définit l'ordre de grandeur
Cette seconde manière de dire la comparaison a un double effet. Elle élimine toute relation directe entre Jean et Paul, comme entre "Paul" et "grandeur". Si bien qu'on ne sait plus si Paul, l'élément qui fournit l'ordre de grandeur, est considéré comme grand ou pas. Des deux termes, seul Jean est explicitement qualifié.
C'est ce qu'observe Denis Creissels en tswana, où un énoncé tel que "le cheval est grand avec/à côté de l'âne" signifie que le cheval est plus grand que l'âne, sous une forme qui refuse à l'âne l'attribution de la propriété 'être grand'. En tahitien et en ajië, Jacqueline de la Fontinelle et Michel Aufray notent des constructions analogues. Pour dire "le navire est plus grand que le canot", on pose l'existence de la notion de grandeur; puis on l'applique à l'objet "navire"; on place un marqueur qui signifie la discordance (ou la rupture); enfin on pose l'existence du repère que constitue " canot" mais aucune prédication n'est faite à son sujet.

La portée de la prédication 'être grand' peut donc se limiter à Jean ou atteindre également Paul. Dans le premier cas, il y a supériorité (c'est de Jean seul dont je dis qu'il est grand par rapport à Paul), dans le second, il y a égalité (c'est de Jean mais aussi de Paul dont je dis qu'ils sont grands, en prenant la taille de Paul pour fixer le point de référence sur l'échelle de grandeur).
Cette incertitude concernant la portée du prédicat scalaire (s'applique-t-il ou non au terme qui définit l'échelle retenue?) crée en chinois un paradoxe relevé par Alain Peyraube et Thekla Wiesbuch: le marqueur de comparaison qui signifie 'être comme' à l'époque médiévale dérive au fil du temps vers l'indication d'une supériorité. Sans doute en raison d'un changement dans la portée du prédicat: il y a égalité si "grand" est validé pour les deux termes A et B (l'ordre est "A grand comme B"), supériorité s'il ne l'est pas du terme B qui définit l'échelle et qui sert simplement de point de référence sur cette échelle (l'ordre est alors "A comme B grand" qui équivaut à "je parle de A, prenons B comme repère de mesure, A est grand").
On peut, bien entendu, s'attendre à ce que les structures observées pour les adjectifs de mesure débordent leur cadre initial. Elles s'appliquent alors chaque fois qu'il est question de comparaison proportionnelle ou modulée. Des énoncés comme "Jean travaille autant/plus que Paul" s'inscrivent dans des structures du type "Jean dépasse Paul, question travail", ou bien "Jean travaille, par rapport à [au sens où on le dit de] Paul". Tout en conservant certaines différences avec les structures propres aux adjectifs de mesure, bien entendu. C'est ce qui semble se passer en berbère marocain. Comme le montre Abdallah El Mountassir, pour comparer l'état relatif de deux individus ("Brahim est plus grand que Ahmed") on recourt à la marque d'accompli dans la prédication et à une préposition locative ("sur", "au-dessus de") devant le terme qui sert de repère à l'évaluation. En revanche, quand il s'agit d'une comparaison entre processus ("Brahim travaille plus que Ahmed"), c'est l'inaccompli qui est employé associé à un élément grammatical signifiant "davantage, grande quantité";

En matière de comparaison proportionnelle, comme le soulignent René Rivara, Abdallah El Mountassir et Nathalie Bosson, on constate une différence entre comparaison de supériorité et d'infériorité. Alors que l'expression de la première est naturelle, l'expression de la seconde exige des formulations extrêmement complexes (quand elle n'est pas simplement impossible, comme en berbère marocain ou en copte).

4. La grammaticalisation et le croisement des types: comparaison proportionnelle ou modulée . L'une des questions qui se pose est de savoir comment s'opère le passage d'une structure du type "Jean dépasse Paul, question travail" - ou "Jean travaille, au regard de Paul" - à une structure telle que "Jean travaille plus que Paul". Ici, l'on n'a plus affaire à une prédication associée à un repère, mais à une comparaison modulée.
Dans un certain nombre de cas, il semble que ce nouveau type d'énoncé prenne la forme d'un marquage de différence. Cette fois, il ne porte plus sur une qualité mais sur une nuance. Comme s'il ne s'agissait plus de distinguer une bille rouge par sa couleur, mais que, le sac ne contenant que des billes rouges, on s'efforçait de distinguer l'une d'elles par sa nuance de rouge. Car en disant que cette bille est du même rouge que cette autre, j'indique de façon indirecte que l'une est aussi rouge que l'autre. De même, en disant que telle autre est d'une nuance de rouge différente de telle autre encore, j'indique que l'une est plus rouge que l'autre. La comparaison identifiante se laisse détourner de son usage premier pour exprimer l'égalité de degré, tandis que la comparaison différenciante permet d'inscrire la supériorité.
Sur ce point l'étude présentée par Colette Cortès pour l'allemand est particulièrement éclairante. Elle montre, en effet, que la comparaison est une opération en deux temps corrélés. Le premier permet de convertir un prédicat uniforme en prédicat nuançable. C'est l'effet de '(¨-) er' ou de 'so'. Le second indique le type de comparaison qui définit la nuance qualitative que l'on prédique du sujet. Selon que le marqueur qui précède le repère est "als" ou "wie" la caractérisation de la nuance se fera par différenciation par rapport à un repère bien circonscrit, ou par identification à un repère aux contours flous, ce qui conduit à une comparaison d'inégalité ou au contraire d'égalité.
La comparaison modulée est donc une opération complexe que l'on peut saisir en étendant la construction propre aux adjectifs scalaires, ou celle initialement résevées aux qualités homogènes.

L'étude de l'évolution diachronique de certaines langues en contact avec des langues indo-européennes met en lumière un fréquent passage d'un type de solution à l'autre, en même temps qu'une sorte de grammaticalisation de l'opération de comparaison elle-même. Ainsi Claudine Chamoreau montre comment le système d'expression de la comparaison en phurhépécha s'est transformé au contact de l'espagnol dans un sens allant d'une part de l'expression lexicale à la subordination, et d'autre part d'un système à deux degrés à un système à trois degrés. La question d'une influence (possible) des langues indo-européennes est d'ailleurs également évoquée par des contributeurs comme Jacqueline de la Fontinelle et Michel Aufrey ou Nathalie Bosson.
Mais on peut aussi envisager le phénomène de grammaticalisation comme une explicitation progressive du repère d'échelle. Ainsi Hava Bat-Zeev Shyldkrot examine d'un point de vue historique la question de l'évolution de la fonction des marqueurs d'opération, de la comparaison notamment. Elle montre que, dans un premier temps, lorsque l'étalon de comparaison est absent, celui-ci est construit implicitement par le contexte. A ce stade, le marqueur de comparaison a seulement pour fonction de garantir une cohérence textuelle rendue plus que jamais nécessaire. Mais en fin d'évolution, lorsque les marqueurs ont acquis leur autonomie par rapport à l'expression de la comparaison, ils ont en fait pour fonction de souligner le point de vue adopté par le locuteur à l'égard de la comparaison qu'il établit, ce qui a pour effet de marquer une relation de concession, de condition ou d'addition. Tel est le cas, entre autres de "au moins", "du moins", "néanmoins", "à moins que", "qui plus est".

5. La suppression de l'étalon. Il arrive donc parfois, même avec les adjectifs scalaires du type "grand", que l'étalon ou le terme permettant de cadrer la comparaison fasse défaut. Cet emploi absolu se rencontre dans des énoncés que l'on pourrait gloser par "Pierre est grand-comme". Ils constituent fréquemment l'expression du haut degré. L'effet résulte de l'indétermination dans laquelle est laissé le second terme de la comparaison. Un tel énoncé équivaut à "Pierre est grand comme Jean, Jules, Eusèbe, qui tu voudras". Ce qui est une façon de marquer que, quel que soit le second terme, il est toujours possible de dire de Pierre qu'il est grand.
D'où la valeur de haut degré que relève Annie Montaut pour le hindi.

Curieusement, elle note également que, dans certains dialectes, quand le marqueur cesse d'être associé à des adjectifs de type "grand" pour porter sur des adjectifs de goût ou de couleur, le même suffixe - équivalent de "comme" - cesse de marquer le haut degré pour introduire, cette fois, une nuance d'approximation. Cette conjonction de valeurs opposées est aussi relevée par Michel Aufray et Jacqualine de la Fontinelle. On pourrait peut-être avancer que le changement de valeur du marqueur est lié à la nature de l'adjectif, et que l'on est revenu à une situation comparable à celle indiquée plus haut à propos de la formation du nom du mulet: la suffixation indique que l'objet se distingue de ses pairs par son lien avec la propriété que l'on cite, sans cependant qu'il cesse d'appartenir à la classe que permettrait de définir cette propriété différentielle. Une bille jaunâtre se distingue des autres billes parce qu'elle tire sur le jaune, mais on ne peut pas pour autant la ranger dans la catégorie des objets jaunes. Pas plus que le mulet, qui ressemble au cheval, ne peut quitter la classe des asinés.
C'est encore l'absence d'étalon explicite qui forme l'objet d'étude de la contribution de Sunniva Witthaker. Elle note que, si l'effacement se produit facilement quand il correspond à un espace factuel (cf le passage sans difficulté de "Pierre rêve d'un monde plus juste qu'il n'est actuellement" à "Pierre rêve d'un monde plus juste"), il devient impossible si le repère est de l'ordre du contrefactuel: "Pierre est plus intelligent qu'il ne le pense" ne saurait être abrégé en "Pierre est plus intelligent".
Paradoxalement, l'étude de Paul Cappeau et Marie-Josée Savelli sur les variations proportionnelles du type "Plus il est rouge, plus il va peler" porte également sur l'absence d'étalon. Les auteurs s'efforcent en effet de montrer que, dans ce type de structure, aucune des deux propositions ne sert réellement de repère quantitatif à l'autre. Chacun des deux "plus" construit indépendamment un degré de saturation (pour l'état comme pour le processus). Ce n'est que le parallélisme des structures qui définit une éventuelle coréférence de ces degrés.

6. Comparaison, Reformulation, Métaphore. Dans la comparaison identifiante, il entre une dimension de glose. Car dire d'une chose qu'elle est comme une autre, c'est aussi lui donner un nouveau nom. Toute la question est alors de mesurer l'enjeu de la reformulation: quelle part l'énonciateur prend-il dans la nouvelle façon de dire? Et par ailleurs, la chose n'est-elle pas altérée de se voir ainsi redéfinie? C'est ce double aspect qui occupe Gérard Deléchelle dans son analyse des différents marqueurs de l'anglais que sont "that", "like" et "as". De même, dans son étude sur la comparaison méta-énonciative du type "on est embarqué, comme disait Pascal" Jacqueline Authier-Revuz examine les effets de la construction polyphonique. On retrouvera d'ailleurs dans son travail des préoccupations qui rappellent par exemple certaines considérations de Colette Cortès sur l'effet de "wie" en allemand.
Plutôt que sur l'emploi courant de la méta-énonciation, c'est sur le texte littéraire que se fonde Christiane Morinet. Analysant différents types de comparaison, elle dégage une oscillation entre assimilation et approximation, selon le degré de réévaluation logique et référentielle mis en jeu. De la comparaison à la métaphore, il n'y a bien sûr qu'un pas, et l'article de Françoise Rullier-Theuret sur l'emploi des termes "comparé" et "comparant" dans les analyses littéraires de la métaphore montre bien que la différence n'est pas aussi tranchée qu'une réflexion traditionnelle pourrait le laisser croire, et que, dans certaines métaphore in absentia ("Achille rugit"), c'est le terme comparant qui peut faire défaut et non pas le comparé.

Il n'était pas concevable de consacrer un numéro à la comparaison sans prendre en compte ce que peut livrer le texte homérique. C'est ce point qui occupe Françoise Bader. Elle montre à ce propos tous les enjeux de science et de savoir qui se dissimulent dans les tours poétiques. On aurait donc tort de penser que plus la comparaison s'écarte de la prose et plus elle s'affranchit des règles. En matière de comparaison, celles-ci ne sont pas moins rigoureuses que les constructions de la syntaxe.

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